De rouille et d’os brisés

Photos : Hugo Denis Queinec

Il doit être dans les 17 heures en ce jour de mai 2013, et je suis aux premières loges d’un spectacle millénaire. Devant moi, une trentaine de mecs sous Red Bull déguisés en croisés du XIIIe siècle s’envoient alternativement coups de pied, coups de poing et coups d’épée. Les chocs sont rudes. Un à un, les mecs s’écroulent. Le public, composé de pères de famille en survêt’ et de jeunes femmes à chapeaux de paille, hurle de joie. Les Russes mènent aux points, mais l’équipe française ne se laisse pas abattre. L’un des combattants envoie un énorme coup d’épée à son opposant slave. Ce dernier tombe, raide mort. Au bout de trente secondes, il se relève. Il a l’air amoché, mais serre la main du chevalier bourguignon qui l’a mis à terre. « J’en ai plein les couilles, tiens », soupire celui-ci à son entraîneur. Le combat est terminé. La France a perdu.

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Ce sport s’appelle le médiéval full-contact – ou béhourd, en français. Je viens d’assister à un combat du Battle of the Nations, le troisième tournoi international de ce sport de combat où les mecs se blessent pour de vrai. En venant ici, je voulais savoir quel type d’êtres humains se cachait derrière les heaumes, les cottes de mailles et les plastrons. Évidemment, ce sont des Russes qui ont créé ce hobby au milieu des années 1990. Voyant que les activités moyenâgeuses se résumaient alors à jouer à Dungeons & Dragons avec des nerds chauves, ils ont décidé de revenir à la pratique la plus pure et la plus virile à avoir traversé les siècles sombres : la guerre à l’épée.

Aujourd’hui, ce hobby est devenu un vrai sport. Il possède des équipes entraînées, des championnats par-delà le globe et des fans. Les protections sont minimes, laissant les combattants se foutre sur la gueule joyeusement. Les règles sont strictes : obligation d’utiliser armes et protection authentiques (du XIIe au XVe siècle seulement) et interdiction de latter un adversaire avec une lame pas émoussée. « Si tu te sers d’une épée non conforme, le mec en face peut perdre un bras. C’est la guerre, hein », me confie Cyril, le combattant français. Le troisième Battle of the Nations avait lieu cette année en France, à Aigues-Mortes près de Montpellier. « Ça t’a plu ? » m’a demandé Cyril à la fin du match. Sur le moment, je n’ai pas su quoi répondre. Mais aujourd’hui, je dois reconnaître que c’est l’un des trucs les plus impressionnants que j’aie jamais vus.

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