Si tu es déjà allé à un concert chez Death By Audio à Brooklyn, tu connais la puissance énergétique dégagée par les trois fabricants de pédales qui gèrent le lieu : Oliver Ackermann (le leader de A Place to Bury Strangers), Matt Conboy et Travis Johnson. Avec une des meilleurs fuzz sur le marché, Death By Audio a redéfini les bases de la pédale à effets en terme de qualité, de soin et de volume. J’ai parlé avec Matt de distortion, de Trent Reznor et de produits garantis à vie.
Noisey : Comment Death By Audio a démarré ?
Matt Conboy : C’est Oliver Ackermann qui a créé la boîte vers 2002. En fait, tout ça est arrivé un peu par accident. Oliver voulait partir en vacances en Europe avec sa meuf et il avait zéro thune. Il savait qu’il aurait pu partir en vendant une poignée de pédales, et c’est ce qu’il a fait. Finalement, 2-3 ans plus tard, Oli était toujours en train de bricoler des bouts de pédales en faisant des jobs de merde à côté. Je l’ai rencontré via un ami commun et je lui ai donné un coup de main. À cette époque, le mode de fonctionnement était le suivant : quelqu’un passait une commande et on commençait à lui fabriquer sa pédale en partant de rien. Tout était sur mesure et totalement désorganisé. J’ai fini par suggérer à Oli de carrément designer ses propres modèles et de faire de Death By Audio une vraie entreprise.
En fait, l’enseigne Death By Audio est vraiment née de notre rencontre. Je bossais avec Oli et notre proprio nous a un jour proposé de louer tout le rez-de-chaussée de l’immeuble où on habitait. On a dit oui et, de fil en aiguille, notre appart a fini par devenir une salle de concert. Notre projet était d’aménager plusieurs pièces et d’utiliser l’espace restant pour un studio photo. Et pour financer tout ça, on a évidemment décidé d’organiser un concert. Grace à l’argent de ce concert, on a pu finir les travaux mais les types qui devaient occuper le studio photo ont disparu dans la nature. Alors on a continué à faire jouer des groupes chez nous, et ça a pas mal marché. Ça ne s’est pas fait comme ça hein, on en a chié. Mais les choses otn évolué à leur rythme et ça nous a permis de garder tout notre espace.
Vous êtes surtout connu pour vos pédales fuzz. Comment vous expliquez ce succès ?
Honnêtement, je ne sais pas pourquoi les gens les aiment à ce point. J’adore aussi cet effet hein, mais je ne saurais pas vraiment te dire pourquoi non plus. Les gens essaient peut-être juste d’ajouter plus de puissance, de volume et d’intensité à leur son. Ce qui nous démarque des autres c’est que notre matos sonne VRAIMENT fort. Tu peux toujours baisser le volume mais je ne vois pas trop l’intérêt. On n’a d’ailleurs jamais compris pourquoi la plupart des pédales fuzz traditionnelles, en particulier les vieux modèles avec un super son, étaient en fait relativement basses. Notre truc, c’est d’essayer d’avoir le meilleur son, le plus fort possible. Des amis à moi et des gens qui jouent dans des groupes que j’adore nous passent des commandes régulièrement, je trouve ça super. On vient de faire une version customisée de notre pédale Fuzz War pour John Dwyer de Thee Oh Sees. Le son est encore plus strident et tranchant. C’est très cool d’avoir pu désigner cette pédale avec lui et de l’entendre ensuite sur ses disques. C’est une façon de particper à l’aventure.
Les trucs les plus dingues que vous avez conçus proviennent de commandes personnalisées. J’ai vu que vous aviez aussi bossé pour Trent Reznor, d’ailleurs.
Je crois qu’il nous avait mailé, lui ou quelqu’un de son staff. Trent Reznor avait visiblement acheté pas mal de nos pédales et les avait toutes aimées. Il nous a ensuite contacté pour qu’on fabrique un genre de filtre basé sur les réglages d’une vieille table de mixage devenue introuvable. Faire du custom c’est marrant, mais c’est toujours à double tranchant parce que même si c’est bien marqué sur notre site qu’on ne fait plus de commande personnalisée, on va toujours recevoir deux ou trois emails par semaine pour nous demander du sur mesure. Malheureusement, il faudrait que ça se calme un peu.
La plupart de vos modèles ont justement été créés à partir de commandes sur mesure.
Oui, complètement. D’une certaine façon, toutes nos pédales ont été créées comme ça. Tout part de projets custom, et si ce n’est pas le cas, on fait des prototypes qu’on fait tester à nos potes pour qu’ils nous disent ce qu’ils en pensent. Pour savoir ce qu’il manque, ou juste si ça sonne bien. Le modèle de John Dwyer est probablement le meilleur exemple d’une demande qui s’est transformée en produit de série. On le vend désormais sous le nom Thee Fuzz War Overload.
La Robot est ma pédale préférée de votre catalogue. Parlez-moi un peu de ce modèle.
C’est une pédale géniale, et elle est très intéressante parce qu’il y a ce truc 8-bit lo-fi dessus. Elle a aussi un son très clair. Il existe beaucoup de pédales similaires, mais avec un son bien plus brouillon et une qualité merdique. Je crois que la notre est un bon compromis entre le son destroy d’un Casio ou d’une console Nintendo tout en conservant une clarté qui permet à chacun de capter parfaitement ce qu’il entend.
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On dirait que vos pédales n’intéressent pas que les groupes à guitares. J’ai parlé avec des musiciens électroniques qui ne juraient que par Death By Audio en termes de synthés, de boîtes à rythmes ou de séquenceurs.
On se tue vraiment pour être sûr que nos pédales aient un son cool, et pas uniquement sur des guitares, mais aussi sur des basses, des synthés, des batteries… Beaucoup de gens nous demandent si l’on a des pédales optimisées pour les synthés… Les gens ne connaissent pas vraiment la partie technique des choses, ils ne savent pas que se servir d’une pédale de guitare sur une basse ne les conduira pas en enfer. Bon, certaines vont donner un son de merde, mais un tas de pédales pour guitare donnent aussi un son pourri sur une guitare. Ce qui nous branche vraiment, c’est la polyvalence de nos pédales, et je suis vraiment excité quand j’apprends que les gens se servent de nos pédales pour des trucs auxquels on n’avait même pas pensé.
Votre succès est à l’origine de toute une vague de fabricants de pédales DIY aux USA.
Ouais, c’est super. Mais on verra si ça dure avec le temps. Il y a beaucoup de choses sur le marché, et il faut faire le tri. Mais pour l’instant, ça va. Pour moi la musique n’entre même plus en considération, aujourd’hui on dirait que chaque putain d’être humain sort un album. J’ai beaucoup d’amis qui se plaignent de ça. C’est devenu vraiment dur d’écouter de la bonne musique parce qu’il y a trop de gens qui envahissent le marché avec des choses médiocres. Je ne crois pas que ce soit encore le cas pour les pédales.
Quelles sont les difficultés que l’on rencontre lorsqu’on lance un business comme Death By Audio ?
À peu près les mêmes que dans n’importe quel autre business. Respecter les commandes est un gros challenge. On est souvent débordés et on doit parfois trouver des combines improbables pour s’en sortir. De toute façon, on ne va jamais faire d’énormes bénéfices avec ça, on veut juste pouvoir payer nos loyers et bouffer. Nos produits sont tous fabriqués aux États-Unis ce qui est devenu assez rare. À un moment, c’était un truc dont j’étais très fier, mais aujourd’hui ça aurait plutôt tendance à me frustrer un peu, parce que je réalise que les gens qui achètent nos pédales n’en ont finalement rien à foutre.
Les gens veulent de la qualité, mais ils veulent aussi dépenser le moins possible, ce qui me gonfle assez. Bon ok, on vit tous dans le même monde et mon putain d’iPhone qui n’a pas été fabriqué en Utah… Mais on essaie vraiment de se battre du point de vue éthique parce que ce serait facile pour nous de faire grossir notre business en fermant les yeux sur ce genre de trucs. On a d’ailleurs hésité à un moment, mais la qualité du matos était, pour nous, bien plus importante que l’argent. Par exemple, notre pote Ty Segall utilise notre pédale Fuzz War et, il y a deux ans environ, il l’a cassée en plein milieu d’une tournée. Il nous a acheté une Big Muff en remplacement, et entre le moment où il a cassé la Fuzz War et celui où il nous a acheté une Big Muff, il a cassé trois Big Muff de marques concurrentes. Perso, je préfère dépenser 150 dollars d’un coup et être tranquille, plutôt que de casquer 50 dollars chaque mois, mais j’ai souvent l’impression d’être le seul à penser comme ça.
Vous avez fini par réparer la Fuzz War de Ty Segall ?
Oui oui, évidemment, et je ne sais pas si je dois vraiment mettre l’accent là-dessus vu notre emploi du temps, mais on répare chacune de vos pédales si elles cassent. Peu importe la raison. On ne vous posera jamais de questions là-dessus. J’ai même réparé des pédales qui avaient été plongées dans l’eau. Je ne sais pas si les gens savent que nous faisons ça. J’ai lu des trucs sur des forums, des mecs hyper énervés : « Nique Death By Audio, leur matos est pourri et ils ne m’ont même pas réparé cette pédale de merde que je leur ai acheté ». Et je suis là à me demander : « Est-ce que ce type m’a envoyé ne serait-ce qu’un email ? » Parce que s’il l’avait fait, j’aurais été plus que content de lui réparer sa pédale. C’est un truc qui nous tient à cœur. J’aimerais vivre dans un monde où tout serait garanti à vie.
Si ce n’est pas ultra-secret, vous avez un nouveau modèle en prévision ?
On vient juste d’annoncer la Ghost Delay. En gros, ce sont trois pédales de delay assemblées, et tu peux contrôler les retours sur chacune des trois. Il y a aussi une sortie auxiliaire qui créé ce très bon champ stéréo. Elle devrait être dispo début décembre.
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