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Death To The World : le metal au service de l’orthodoxie

Ne vous êtes-vous jamais demandé si l’esthétique chrétienne du groupe doom/stoner OM était un effet de style ou l’expression d’un véritable acte de foi ? Live à Jérusalem, album titré God is Good, split avec Curent 93 (groupe post-industriel et chrétien-gnostique) ; depuis 2003, OM ne rechigne pas à multiplier les références à la mystique chrétienne. Loin de pouvoir juger la sincérité réelle ou supposée de leurs engagements spirituels, il apparaît clairement qu’à une certaine époque, le combo d’Al Cisneros a gravité autour d’un mystérieux groupe orthodoxe destiné à convertir les amateurs de musiques extrêmes : Death to the World, fanzine puis mouvement créés par Justin Marler, ancien comparse d’Al au sein des groupes Sleep et d’Asbestosdeath.        

Début des années 1990 : Justin Marler, alors guitariste de Sleep se découvre une nouvelle ferveur spirituelle. Lassé, selon ses mots, « par le nihilisme et le caractère autodestructeur des scènes punk et metal » qu’il fréquente, Justin trouve refuge dans la foi orthodoxe. Dès lors, il n’aura plus qu’un objectif en tête : ramener les amateurs de musiques extrêmes dans le giron de la foi orthodoxe en utilisant les codes du DIY en vigueur.

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D’abord prosélyte au sein de son entourage, Justin, décide rapidement de lancer un fanzine vulgarisant la foi orthodoxe qu’il vend ou distribue lors de concerts. Death to the World est né. Aidé dans sa démarche par des moines d’un monastère de Californie, Justin se constitue peu à peu un réseau de fidèles attirés par l’esthétique particulière du fanzine.

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Conscient de l’intérêt des amateurs de musiques extrêmes pour les atmosphères sombres ou religieuses, Justin Marler et ses apôtres n’auront de cesse d’exposer, au sein de leurs publications, la théologie et l’esthétique la plus mystique et bigarrée de l’orthodoxie. En effet, dans Death to the World tout est histoire d’apocalypse et d’eschatologie, le discours sur la fin des temps.

Dans un livre anti-moderniste publié en 1995, Youth of the Apocalypse : And the Last True Rebellion,  etinspiré de la pensée du père Seraphim Rose (un admirateur de René Guénon), Justin Marler théorise la pensée du mouvement : l’occulte, les drogues, la violence, l’incrédulité et le nihilisme auraient complètement corrompu la jeunesse et empêcheraient la rédemption. Les hommes seraient ainsi sur une voie de souffrance et d’enfer ; voie qui prendrait fin si, selon Marler, l’homme acceptait l’amour du Christ dans cette obscurité. Ne reniant pas son passé hardcore, le musicien osa même une comparaison peu orthodoxe du christ au punk. Le christ aurait été le premier des révoltés, le premier punk à lutter contre l’ordre établi, c’est à dire le Mal.

La marque de fabrique de ce mouvement ? La prédominance de la figure des schema-monks, moines vêtus en noir reconnaissables par leurs capuchons ornés de différents symboles cryptiques dont les costumiers du groupe de black metal Batushka​ se sont récemment inspirés et qui se retrouvent sur la pochette du fameux live d’OM à Jérusalem.

À l’instar de certains mouvements protestants ou du metal chrétien (également appelé white metal), Death to the World ne condamne pas la pratique des musiques extrêmes : celles-ci peuvent être au service de la révélation du message de Dieu du moment qu’elles ne prônent ni l’athéisme ni le nihilisme.

Il est aujourd’hui difficile de savoir combien de personnes exactes gravitent encore autour de ce mouvement : Justin Marler, devenu moine pendant un temps, est revenu à la vie laïque et a fondé depuis le très passable groupe rock The Sabbians, dont le nom se réfère désormais au judéo-christianisme. Ayant maintenant opté pour un look d’ancien emo attardé, Justin semble avoir pris du recul quant à son implication spirituelle et semble avoir retrouvé les joies de la chair.

Prenant le relais, une nouvelle génération de fidèles à transformé le fanzine en véritable petit business proposant des livres théologiques ou différents T-shirts inspiré dont une parodie pour le moins efficace du Kill Them All de Metallica. Mais aucun groupe de musique ne s’est clairement réclamé du mouvement ; le metal toujours imperméable à l’orthodoxie et le patriarcat de Moscou condamnant souvent les musiques extrêmes, la peine semble perdue d’avance.

Pour plus d’informations : http://deathtotheworld.com