Le groupe italien Ente Nazionale Idrocarburi (ENI) a annoncé ce dimanche avoir découvert un énorme gisement de gaz naturel en mer Méditerranée, à près de 200 km au large des côtes égyptiennes. La découverte de ce qui est présenté par l’entreprise italienne comme le « plus grand gisement de gaz de la Méditerranée » est une nouvelle qui semble arriver à point nommé pour une économie égyptienne en difficulté, mais aussi pour le gouvernement du président Abdul Fattah al-Sissi qui fait face depuis plusieurs mois à la défiance populaire.
Le groupe ENI a annoncé cette découverte dans un communiqué publié ce dimanche, en estimant que ce gisement sera capable de satisfaire la demande de l’Égypte en gaz naturel « pendant des dizaines d’années ». Ce nouveau puits de gaz, baptisé « Zohr 1X NFW » — du nom du « Projet Zohr » donné à la campagne de recherche — contiendrait près de 850 milliards de mètres cubes de gaz répartis sur une zone sous-marine de 100 km carrés, selon les premières estimations fournies par ENI.
Videos by VICE
Cela représenterait près de 5,5 milliards de barils d’après ENI, soit une découverte dont la valeur marchande pourrait représenter les 13 milliards d’euros, d’après notre estimation basée sur le cours actuel du gaz.
La fin des coupures de courant ?
Localisé à environ 200 km des côtes égyptiennes, le puits Zohr est techniquement situé dans la zone économique exclusive de l’Égypte. « C’est une bonne nouvelle pour le pays, » estime un spécialiste en énergie, proche du dossier, contacté par VICE News ce lundi après-midi. Sous couvert d’anonymat, il nous explique que la production devrait intégralement servir à la consommation domestique de l’Égypte.
« C’est un pays qui consomme déjà tout ce qu’il produit, et qui a un besoin grandissant en énergie, » nous indique-t-il, précisant que « Cette découverte devrait mettre fin aux très nombreuses coupures de courant dont souffre l’Égypte tout au long de l’année, et relancer l’industrie, la fabrication de béton, les secteurs gourmands en électricité. »
La veille de l’annonce de la découverte, le président égyptien Abdul Fattah al-Sissi avait rencontré le PDG du groupe ENI, Claudio Descalzi, pour le féliciter au sujet « des activités de la compagnie en Égypte et de ses succès dans l’exploration pétrolière et gazière ». D’après la présidence égyptienne, cette entrevue a été l’occasion pour Al-Sissi de rappeler que son gouvernement fournira tous les moyens nécessaires aux « sociétés sérieuses », pour effectuer de nouvelles découvertes dans le domaine du gaz et du pétrole.
À lire : Voilà à quoi ressemblera la nouvelle capitale titanesque de l’Égypte
Hamdy Abdel-Aziz, le porte-parole du ministère égyptien du Pétrole a indiqué au média Ahram Online, dans des propos rapportés ce dimanche, que ce puits sera capable de produire du gaz d’ici trois ans. Toujours d’après ce porte-parole, le gouvernement égyptien envisagerait d’atteindre « l’autosuffisance » énergétique d’ici cinq ans, grâce à la récente découverte d’ENI.
Depuis quelques années, les quelque 83 millions d’habitants de ce pays doivent composer avec des coupures d’électricité récurrentes, qui durent parfois plusieurs jours. Un quotidien qui devrait donc être sensiblement amélioré une fois le puits Zohr ouvert et mis en activité.
« Le plus gros gisement de gaz »
ENI avait acquis les droits de prospecter dans cette zone (appelée Shobrouk Offshore) en 2014, suite à un appel d’offres international lancé par le gouvernement égyptien. Le groupe privé ENI, spécialisé dans les hydrocarbures — dont l’État italien reste actionnaire majoritaire — est présent en Égypte depuis 1955, date à laquelle sa filiale IEOC a commencé à forer au large des côtes égyptiennes.
Depuis, IEOC dispose d’une trentaine de sites d’exploitation répartis sur l’ensemble du territoire égyptien et au large du pays, faisant de cette entreprise le premier producteur d’hydrocarbures dans le pays avec 200 000 barils par jour. ENI jouit d’un accès exclusif au « plus gros gisement de gaz découvert en Méditerranée » d’après l’expression employée par le groupe.
Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi a joint par téléphone le président Al-Sissi ce dimanche pour évoquer avec lui ce que cette découverte pouvait changer en termes d’équilibre énergétique dans la région.
Le précédent plus gros gisement de gaz naturel dans la région — baptisé « Léviathan » — avait été découvert en 2010 au large d’Israël, à 80 km de la ville d’Haïfa.
La situation énergétique de l’Égypte est un enjeu clé de la présidence égyptienne, en vue des prochaines élections législatives d’octobre, qui ont été annoncées par la Commission électorale nationale ce dimanche.
Le président actuel, Abdel Fattah al-Sissi, était arrivé au pouvoir en 2014, à la tête d’un pays divisé par des années de tensions politiques. Ancien militaire, élu président avec 96,1 % des suffrages, Al-Sissi fait actuellement l’objet de vives contestations sur le plan national et international, notamment pour sa campagne de répression menée contre les Frères Musulmans, mais aussi pour les questions liées à la liberté d’expression dans le pays. Ce samedi, trois journalistes du média Al-Jazeera ont été condamnés à trois ans de prison ferme.
À lire (en anglais) : Les journalistes d’Al-Jazeera condamnés à de la prison ferme en Égypte
Le 6 août dernier, Al-Sissi avait reçu plusieurs dignitaires étrangers dont le président français François Hollande aux cérémonies d’inauguration du « nouveau » canal de Suez (sud du pays). L’Égypte a récemment signé plusieurs accords militaires avec la France et les États-Unis, qui comptent sur ce pays notamment pour limiter l’avancée du groupe État Islamique au Moyen-Orient.
À lire : L’Égypte a inauguré le nouveau tronçon « pharaonique » du canal de Suez
Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c