Quand les astronomes observent des phénomènes cosmiques qui défient toute explication rationnelle immédiate, le public prend le relais et a une fâcheuse tendance à invoquer des hypothèses délirantes à base de créatures extraterrestres, de mondes extraterrestres, d’artefacts extraterrestres – vous voyez le genre. Cette petite manie a été particulièrement visible en 2015, quand une curieuse étoile nommée KIC 8462852 a attiré l’attention de la presse suite à une découverte hors du commun : l’astre en question était régulièrement éclipsé par une structure inconnue de très grande taille.
L’étude qui a, la première, mis en évidence ce phénomène a été dirigée par Tabetha Boyajian, astronome à l’Université de l’État de Louisiane et responsable du projet de sciences citoyennes Planet Hunters. Son équipe a suggéré que les oscillations lumineuses que connaissait KIC 8462852 pouvaient être causées par des nuages de poussière ou des corps planétaires fragmentés.
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Mais quand l’astronome Jason Wright de l’Université Penn State a émis l’hypothèse selon laquelle l’agent bloquant la lumière de l’étoile pouvait être un essaim de mégastructures construites par une espèce extraterrestre technologiquement avancée, il a suscité un intérêt autrement plus nourri. Et si cette étoile un peu pâlotte, 50% plus volumineuse que notre Soleil et située à environ 1200 années-lumière de la Terre, pouvait abriter une civilisation alien ?
Une multitude d’indices non favorables à cette hypothèse se sont accumulés depuis, mais à présent, c’est tout à fait officiel : non. Mercredi, une étude majeure dirigée par Boyajian a été publiée dans la revue Astrophysical Journal Letters, et elle pulvérise l’hypothèse de la mégastructure extraterrestre.
Accompagnée de plus de 100 co-auteurs, dont Jason Wright, Boyajian a présenté des preuves observationnelles issues de la surveillance en temps réel de l’étoile. Or, ces dernières renforcent l’idée selon laquelle que les oscillations lumineuses seraient bel et bien causées par la présence de nuages de poussière.
“Nos observations marquent la première détection en temps réel d’une diminution brutale de la luminosité de KIC 8462852“, écrit l’équipe de Boyajian, en référence à la série d’oscillations lumineuses observées à partir de mai 2017 – la “série Elsie”.
Cet événement – subdivisé en quatre phases distinctes nommées Elsie, Celestre, Skara Brae et Angkor – a été surveillé depuis l’observatoire Las Cumbres, en Californie. Les observations des chercheurs montrent que seules certaines longueurs d’onde étaient bloquées par “les structures” occultant KIC 8462852, ce qui suggère que ces dernières étaient suffisamment transparentes pour laisser passer un peu de lumière, à l’image des nuages de poussière. À l’inverse, les mondes habités, mégastructures flottantes et autres essaims de robots extraterrestres sont, quant à eux, probablement opaques.
Cette étude ne signe pas pour autant la fin de la spéculation théorique autour desdits nuages de poussière. À cet égard, l’équipe de Boyajian a proposé un scénario particulièrement cataclysmique au cours duquel une collision planétaire survenue au cours des 1000 dernières années aurait propulsé les débris d’anciens mondes sur une orbite elliptique autour de l’étoile. Si cette hypothèse s’avérait juste, les chercheurs s’attendent à observer une nouvelle série d’oscillations lumineuses en juin 2019, instituant ainsi une périodicité de l’événement.
Ces révélations ne seront certes pas à la hauteur des fantasmes des amateurs d’extraterrestres, mais il faut noter que l’intérêt du public pour l’étoile – fortement encouragé par l’hypothèse des mégastructures extraterrestres habilement distillée par les chercheurs – a aidé Boyajian et ses collègues à trouver les financements qui leur permettront de mieux comprendre l’astre mystérieux. Quelle que soit leur origine, les oscillations lumineuses de KIC 8462852 constituent un événement aberrant et très rare, qui pourrait nous aider à étudier les étoiles possédant des signatures lumineuses similaires.
Il faut également préciser que les dernières études sur le sujet ne proviennent pas exclusivement d’institutions scientifiques prestigieuses, mais également de programmes de sciences citoyennes qui ont eu recours au crowfunding pour collecter leurs données et communiquer leurs découvertes. On pourrait voir un symptôme de la popularité croissante d’une approche plus collaborative et plus horizontale de l’astronomie.
“KIC 8462852 a captivé tout à la fois les scientifiques et le grand public”, précisent Boyajian et ses co-auteurs. “Ainsi, notre équipe fera tout pour que les nouvelles données concernant l’étoile soient communiquées publiquement, de la manière la plus transparente possible.“