Ce mardi le Burundi était toujours le théâtre de manifestations et d’appels aux rassemblements contre le troisième mandat présidentiel voulu par l’actuel président Pierre Nkurunziza. Des violences ont éclaté encore lundi, entre forces de l’ordre et manifestants, alors que la Belgique, ancienne puissance coloniale, a annoncé la suspension de sa coopération policière et de son aide au processus électoral, suite à la mort de manifestants lors de heurts avec la police.
Ce dimanche, des centaines de femmes ont pris part à ce mouvement de contestation en se réunissant dans la capitale Bujumbura, malgré l’interdiction de manifester du gouvernement et les risques de violences policières. Elles ont marché contre la décision du président Pierre Nkurunziza de se présenter à l’élection présidentielle pour un troisième mandat.
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« Nous sommes des mères. Ce sont nos enfants qui sont tués. Ce sont nos enfants qui sont en prison. Nous sommes ici pour respecter les droits humains. Nous sommes ici contre ce troisième mandat, » ont-elles scandé, rapporte la radio RFI.
Ce même jour, un manifestant a été tué par balle dans le quartier de Musaga, à Bujumbura, selon l’agence Associated Press, mais cette victime n’est apparemment pas l’une des femmes présentes dans le rassemblement. Selon des sources locales, la police a tenté de bloquer les femmes qui voulaient atteindre la place de l’Indépendance, dans le centre de la capitale, mais elle n’a pas utilisé la force. Le cortège de femmes a fini par se disperser pacifiquement.
Cette issue pacifique contraste avec les événements des semaines passées. Au moins 19 personnes ont été tuées depuis le 25 avril et l’annonce par le président Nkurunziza de vouloir aller au-delà de la limite de deux mandats imposée par la constitution du pays et chercher à être réélu une troisième fois. Des centaines de personnes ont été blessées et environ 600 auraient été détenues dans le contexte des manifestations.
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« Les femmes ont décidé de se lever aujourd’hui pour dire non à la violation de la constitution, » a déclaré à l’agence Reuters, l’une des meneuses de la manifestation, Beatrice Nyamoya.
Samedi dernier, le président tanzanien Jakaya Kikwete a annoncé la tenue d’un sommet avec d’autres leaders de l’Est de l’Afrique pour trouver un moyen de résoudre la violence et d’assurer des élections équitables, rapporte Reuters.
« Nous sommes tombés d’accord pour nous rencontrer… Pour débattre des moyens d’aider nos frères et soeurs au Burundi à tenir des élections réussies et assurer l’unité, la paix et la sécurité de leur nation, sans des conflits inutiles, » a déclaré Jakaya Kikwete dans un communiqué. Les responsables de l’Ouganda, du Kenya et du Rwanda sont attendus à ce sommet qui se tiendra dans la capitale Ethiopienne Dar es Salaam.
Selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), plus de 50 000 Burundais ont fui le pays vers le Rwanda, la Tanzanie ou la République démocratique du Congo, alors que les violences font rage ou menacent.
La semaine dernière, des manifestants anti-gouvernement ont brûlé le corps d’un homme suspecté de faire partie des Imbonerakure, l’organisation de jeunes militants du parti au pouvoir, le CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie). Les Imbonerakure ont été accusés de harceler, d’intimider les manifestants et d’agir comme la milice du président Nkurunziza.
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Après avoir officiellement prononcé sa candidature à la présidentielle vendredi dernier, Pierre Nkurunziza a minimisé les violences qui ont touché le pays. « Les Burundais n’ont pas de problème avec les élections… car 99 % du pays est pacifique, » a-t-il dit à la BBC. « Ces manifestations se sont transformées en insurrection, mais c’est quelque chose qui sera contrôlé… et je vous assure que les élections se passeront bien. »
Ancien chef rebelle, Pierre Nkurunziza a été nommé président en 2005 par le parlement national après une décennie de guerre civile. Ses partisans estiment qu’il peut prétendre à un troisième mandat parce qu’il n’a pas été élu lors d’élections populaires pour son premier mandat. La cour constitutionnelle du Burundi a décidé qu’il pouvait se présenter aux prochaines élections.
L’aspiration de M. Nkurunziza à sa réélection et les protestations qui ont suivi ont poussé les autorités américaines à agiter la menace de sanctions contre le Burundi. Selon Reuters, l’ambassadrice américaine auprès des Nations Unies, Samantha Power a affirmé qu’un « manque apparent d’impartialité judiciaire » entachait la décision de la cour constitutionnelle burundaise qui a validé la candidature de M. Nkurunziza.
« Les États-Unis sont très attentifs à la situation et nous sommes prêts à prendre des mesures ciblées, incluant des interdictions de visa et des sanctions contre ceux qui planifient ou participent à cette violence généralisée, » a déclaré Samantha Power.
Dieudonné Hakizimana et Kayla Ruble ont participé à la rédaction de cet article. @RubleKB
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