Culture

Des nouvelles de l’artiste qui avait imprimé son vagin en 3D

Vous avez sans doute entendu parler de cette artiste japonaise qui avait été poursuivie pour avoir construit un kayak sur le modèle de son vagin. Megumi Igarashi n’en a pas fini avec ses détracteurs puisqu’ils poursuivent toujours leur croisade au nom de cette bonne vieille morale, la dénonçant pour « obscénité ». La semaine dernière, ils ont à nouveau fait appel, auprès de la Cour fédérale de Tokyo, pour la pénaliser d’avoir vendu des modélisations 3D de sa kékette. Ils lui réclament 800 000 yen (environ 6 000 euros).

Cette auteure de mangas japonaise âgée 43 ans, à la bouille toujours barrée d’un sourire candide et qui se fait appeler « Rokudenashi-ko » (mauvaise fille ou bonne à rien en japonais), n’en est pas à son premier procès. Les émulations qu’elle provoque remontent à 2013, lorsqu’elle s’est mise à distribuer des figurines kawai à face de vulve et des simulations 3D de son « manko » à des donateurs consentants. Dans une interview au Temps, en décembre 2015, Megumi Igarashi raconte d’où vient sa lubie pour les parties génitales féminines. Outre les comptines sur des mignons petits pénis et vagins que son père lui apprenait enfant, c’est après une opération de chirurgie esthétique de sa petite fleur qu’elle dit avoir pris conscience de la censure japonaise autour de l’anatomie, notamment féminine. «Je me suis rendu compte à quel point j’avais intériorisé le discours véhiculé par les hommes et utilisé contre les femmes comme outil d’oppression.»

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Megumi Igarashi pose avec ses « obscènes » petites figurines lors de la conférence de presse suivant son procès en avril 2015 à Tokyo. Photo : AFP-JIJI.

Elle se met alors à réaliser des moulages de son vagin et le décline en sculptures, figurines, bijoux, lampes ou coques d’iPhone… Souhaitant que « les femmes se réapproprient cette partie de leur anatomie si souvent violée et abusée par les hommes », Rokudenashi-ko décide ensuite de voir plus grand et lance une campagne de crowfunding pour réaliser un kayak surmonté d’un moulage géant de la partie-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom. En contrepartie, on vous le donne dans le mille : des indications pour reproduire sa foufoune en 3D. Si la campagne atteint son objectif, les autorités japonaises décident que l’impertinente a poussé le bouchon un peu trop loin et viennent la cueillir à son domicile en juillet 2014. Elle passe plusieurs jours en détention. Si elle est relâchée, elle se retrouve à nouveau derrière les barreaux en décembre 2014, en attente d’un procès faisant recours à une loi anti-obscénité dont la définition reste très floue.

Si de vives réactions en soutien à l’artiste se font entendre à chacune de ses accusations ou arrestations, une décision de justice sera rendue, dit-on, le 9 mai prochain. Megumi Igarashi risque jusqu’à deux ans de prison ou une amende pouvant s’élever à 2,5 millions de yen (presque 20 000 euros). Elle refuse de plaider coupable, ne considérant pas ses œuvres « obscènes », comme l’a affirmé son avocat qui en appele à la liberté d’expression inscrite dans la constitution. Elle dénonce une société patriarcale connue pour être friande et grosse productrice de pornographie mais où il est choquant de prononcer le mot chatte. Pour illustrer tout le paradoxe, elle rappelle qu’un festival religieux, Kanamara, qui se tient tout les ans à Kawasaki, fait défiler des sculptures de bites géantes pour célébrer la fertilité. Au fond, elle se désole surtout qu’on lui reproche « de montrer “quelque chose qui devrait rester caché” ou de [se] moquer d’un organe dont on n’a pas le droit de rire ».

Un immense phallus rose est trimballé dans les rues de Kawasaki pour le festival Kanamara. Photo : Chris McGrath/Getty Images.

Notez bien : rendez-vous en mai pour la suite des festivités.
Voir notre vidéo sur l’art vaginal et le paradoxe de la censure au Japon :