Des proprios accusés de reprendre des logements pour les louer plus cher sur Airbnb

Photo : Wikimedia/Chicoutimi~commonswiki

Malgré un soleil étincelant, c’est dans la froideur de décembre que des locataires se sont rassemblés à Montréal jeudi pour dénoncer des évictions et reprises de logement sous de faux prétextes par des propriétaires.

Selon la quinzaine de citoyens réunis, des propriétaires de mauvaise foi profitent de certaines dispositions de la loi pour libérer des appartements qu’ils peuvent ensuite louer sur de courtes périodes sur des sites comme Airbnb, et en tirer des revenus bien plus substantiel.

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Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) s’est associé avec une équipe de chercheurs de l’UQAM pour faire la lumière sur ces activités.

Les données présentées ne démontrent pas que les reprises et évictions ont été faites pour favoriser la location de courte durée, plus lucrative. Ainsi, on ignore combien de locataires ont été mis à la porte au profit de touristes excités à l’idée de louer un loft trop cher sur le plateau et d’aller prendre des selfies sur le Mont-Royal avec un iPad.

On expose cependant que très peu de demandes de reprises de logement et d’avis d’éviction sont contestés.

Il est possible pour un propriétaire d’évincer un locataire pour se loger, loger un membre de sa famille, ou encore d’invoquer des travaux d’agrandissement ou de subdivisions. À moins de contester la démarche du propriétaire, aucune enquête ne sera faite à la Régie du logement pour en évaluer le bienfondé.

Or, lorsqu’on invoque des travaux pour reprendre un logement, il suffit d’avoir pour preuve une demande de permis à la municipalité, et la Régie du logement ne va « jamais vérifier si le projet sera réalisé ou non. Les intentions des propriétaires ne sont pas questionnées et la procédure se déroule en un clin d’œil », note le chercheur Richard-Alexandre Laniel.

Contestez, mes amis

Même si une demande semble fondée, il faudrait la contester, croit l’avocat Marc-André Émard, qui a défendu des locataires dans ce type de dossiers. « S’il y a 14 000 [demandes de reprises de logement et avis d’éviction] par an, et qu’il y en a seulement un faible pourcentage qui se retrouve devant la Régie, c’est de prime abord parce qu’un locataire a décidé de ne pas exercer son droit de s’opposer. »

Il presse les gens d’agir dans le délai d’un mois qui leur est imparti. L’avocat Émard a également a insisté sur la nécessité de la contestation, seul levier qui permet éventuellement d’obtenir l’indemnité qui couvre les frais de déménagement.

Une psychologue qui a participé au rassemblement insiste elle aussi sur l’importance de contester ces demandes. Elle raconte avoir gagné son combat auprès d’un nouveau propriétaire qui voulait l’évincer de l’appartement où elle loge depuis maintenant huit ans.

« Je parle aujourd’hui pour aider d’autres gens dans la même situation. Je trouve ça important que les gens se défendent, et j’ai envie de leur dire “Ça fonctionne”, parce que nous, on a gagné notre cas », a-t-elle affirmé.

Elle a choisi de ne pas divulguer son nom par peur de représailles de son propriétaire « extrêmement manipulateur et puissant », et également par souci professionnel.

Locataires exigent compensations

Pour dédommager les locataires « n’ayant commis aucune faute » et qui sont tout de même évincés de chez eux, le RCLALQ revendique une « indemnité automatique » « équivalente à douze mois du loyer médian de la région », en plus que soient défrayés les frais de déménagement et de branchement de services.

On demande également à la Régie du logement d’assurer un meilleur suivi des évictions, pour traquer les abus. Et sur une note plus radicale, le regroupement demande « ultimement l’interdiction de toute éviction et le respect du droit au maintien dans les lieux des locataires ».