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Des scientifiques ont mesuré la « couleur » de l’antimatière

Quand l’univers est né, il contenait autant de matière que d’anti-matière ; aujourd’hui, il contient presque uniquement de la matière. Toute rencontre entre ces soeurs ennemies finit en annihilation mutuelle dans une gerbe d’énergie. Dès lors, comment expliquer que la matière ait survécu à la violence du post-Big Bang et que l’antimatière soit devenue extrêmement rare ? C’est une affaire de détails, le genre qui pourrait expliquer pourquoi notre univers est devenu ce qu’il est.

Mercredi 4 avril, la revue scientifique Nature a publié un article consacré aux mesures directes de l’antimatière les plus précises jamais réalisées. Le CERN, où ces observations ont été effectuées, affirme qu’elles montrent la structure de l’antimatière « avec un niveau de détail sans précédent ». Il faudra tout de même s’acquitter de nouvelles mesures pour trouver les véritables différences entre matière et antimatière ; en dépit des dernières avancées scientifiques, toutes deux semblent toujours similaires.

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L’équipe ALPHA du CERN travaille avec de l’antihydrogène, le jumeau antimatériel de l’hydrogène. Ses membres ont été les premiers à « capturer » des atomes d’antihydrogène froid, en 2010. L’hydrogène a été étudié avec une grande précision, ce qui fait de lui un bon point d’appui pour ce genre de travail.

Pour obtenir de l’antihydrogène, l’équipe ALPHA a utilisé le Décélérateur d’antiprotons pour se fournir en antiprotons qu’elle a ensuite dotés de positrons – l’antiparticule de l’électron. Comme l’antihydrogène risque l’annihilation au contact de la matière, sa manipulation est délicate. L’étape suivante a donc consisté à l’immobiliser dans un piège magnétique, ce qui a permis aux scientifiques de braquer un laser sur lui pour effectuer leurs mesures.

En 2016, l’équipe ALPHA avait réalisé une expérience similaire et obtenu une mesure spectroscopique de l’antihydrogène. Depuis, explique le CERN, le niveau de précision de ce genre de mesures a été multiplié par 100.

La dernière expérience de l’équipe ALPHA a permis de mesurer la forme spectacle (ou dispersion des couleurs) de l’antihydrogène entre son état d’énergie le plus faible et son premier état excité, un moment appelé « transition 1S à 2S ». Bilan : il ressemble beaucoup à l’hydrogène.

« Appliqué à l’hydrogène, ce genre de mesure a produit les prédictions les plus précises de l’histoire de la physique, explique Scott Menary, professeur de physique à l’université York de Toronto et collaborateur de l’équipe ALPHA. Ce sont des mesures à 15 décimales. » À l’en croire, arriver à de tels résultats avec l’hydrogène serait comme mettre la main sur le « saint Graal » de ce champ d’étude. « Sur ce récent papier [sur l’antihydrogène], nous sommes arrivés à 12 décimales. »

« Malheureusement », ajoute Menary, l’antihydrogène et l’hydrogène continuent de se ressembler. C’est dommage, car la moindre différence aurait pu susciter de nouvelles idées et expériences. Dommage, mais la machine est désormais en route et des résultats encore plus précis sont sans doute à portée de laser. D’après Jeffrey Hangst, le porte-parole de l’équipe ALPHA, les découvertes annoncées la semaine dernière représentent un « changement de paradigme » préparé depuis trois décennies.

Après la publication des résultats des mesures de 2016, deux membres de la division canadienne des expériences ATLAS, Makoto et Fujiwara, avaient déclaré à Motherboard : « La matière et l’antimatière sont tellement fondamentales pour les lois de la physique. En cas de différence significative, nous aurions vraiment à réécrire l’histoire de l’univers. »