Au Sud-Soudan, des groupes armés commémorent le 20ème anniversaire du génocide rwandais de la façon la plus grotesque imaginable : ils transmettent sur les ondes des messages incitant au viol et au massacre ethnique.
La semaine dernière, après avoir combattu contre les forces gouvernementales pour prendre le contrôle de la ville pétrolière stratégique de Bentiu, des rebelles nuers ont massacré des centaines de civils de la région. Ils encourageaient dans le même temps les habitants à attaquer les Dinka et les Darfouriens vivant dans les environs.
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Les Nations Unies ont confirmé ce bain de sang lundi, ainsi que l’usage inquiétant qui a été fait de la radio pour inciter à la violence. La région abritant des rebelles darfouriens, qui se sont rangés du côté du gouvernement, les Nuers auraient cherché à se venger contre des membres innocents de chacun des deux groupes.
Certains des messages diffusés invitaient par exemple les hommes à « venger la violence infligée par le passé aux femmes de leur propre communauté », comme le relate Joseph Contreras, porte-parole de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS).
Lors du génocide rwandais, les stations de radio hutues avaient déjà joué un rôle clé dans le massacre, et des émissions invitant à « exterminer » les « cafards » tutsis avaient été diffusées. Le mois d’avril marque le début de 100 jours de commémoration du massacre au Rwanda.
D’après la MINUSS, le massacre a eu lieu entre mardi et mercredi de la semaine dernière, alors que les habitants tentaient de se réfugier dans l’hôpital de Bentiu et à l’intérieur d’une mosquée. Dans l’église située aux alentours, les rebelles semblent avoir réunis des civils, à qui ils ont demandé leur origine ethnique avant de les assassiner. Les civils nuers qui se cachaient au lieu de célébrer la prise de la ville étaient également exécutés.
Une vidéo publiée par Toby Lanzer, chef de mission humanitaire de l’ONU au Sud-Soudan, montre les corps qui jonchent le bord de la route ou sont empilés dans la mâchoire d’un bulldozer.
Depuis le début des combats en décembre dernier, les tensions ethniques ont ressurgi au cœur du conflit, les rebelles principalement nuers menés par l’ancien président Riek Machar affrontant les forces de l’Armée Populaire de Libération du Soudan (APLS) du président Salva Kiir, majoritairement Dinka.
Bentiu et les installations pétrolières qui entourent la ville ont déjà changé de mains plusieurs fois. En janvier, lorsque le gouvernement avait repris la ville aux rebelles, l’ONU avait déjà signalé des discours d’incitation à la haine similaires à l’encontre des rebelles et des civils, issus de la même station, Radio Bentiu FM. L’ampleur des violences ethniques de la semaine dernière rappelle les événements tragiques survenus au Rwanda il y a 20 ans.
La base des Nations-Unies à Bentiu, qui abrite 12 000 civils, a été la cible de tirs de roquettes mardi dernier. Aux dernières nouvelles, les personnes en charge de la sécurité au sein du camp tentaient encore de désarmer l’une d’elle qui n’avait pas explosé à l’impact.
Les casques bleus peinent à protéger les civils sud-soudanais. Vendredi dernier, 48 personnes ont été tuées lors d’un raid sur une base des Nations Unies à Bor, où se trouvent 5 000 civils, dont la plupart sont nuers. Le gouvernement de Salva Kiir a déclaré à ce sujet que les auteurs de l’attaque étaient furieux que les civils célèbrent la prise de Bentiu par les rebelles.
Les massacres de Bentiu et de Bor constituent chacun des crimes de guerre selon les critères des conventions de Genève.
Lundi dernier, la MINUSS a publié un communiqué visant à réprimander ses supérieurs et les États membres de l’ONU et exigeant des renforts. En décembre, le conseil de sécurité avait prescrit le déploiement de 5 500 casques bleus supplémentaires au Sud-Soudan, mais moins de 700 avaient finalement été envoyés.
« C’est difficile pour la MINUSS de maintenir la paix avec si peu de moyens », a indiqué Ryan D’Souza, analyste au Centre Mondial pour la Responsabilité de Protéger.
D’Souza affirme qu’aucun des deux camps ne pense pouvoir sortir définitivement vainqueur du conflit sud-soudanais. Ils se battent en revanche pour accroître leur influence en vue des négociations de paix qui ont lieu en Éthiopie de manière intermittente.
Si les rebelles et l’APLS ont la possibilité de battre en retraite lorsqu’une ville est attaquée, les civils sont moins mobiles. C’est sur eux que cette guerre pèse le plus. La saison des pluies, qui s’apprête à rendre les routes encore moins praticables, risque de leur laisser encore moins de chances de fuir en cas d’attaque.
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