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Des stagiaires ont manifesté devant l’ONU à New York contre les stages non payés

Plus d’une vingtaine d’actuels et anciens stagiaires des Nations Unies ont formé, ce mardi, une chaîne humaine devant le siège new-yorkais de l’organisation internationale. Ils protestaient contre le fait que les stages y sont, dans la grande majorité, non-payés. D’après eux, cela crée une discrimination dans le recrutement des stagiaires : seuls les riches et ceux qui ont des contacts peuvent se permettre de faire un stage à l’ONU.

Cette politique de la maison — de ne pas payer ses stagiaires — se retrouve remise en cause depuis qu’un stagiaire néo-zélandais du siège genevois des Nations Unies avait révélé, cet été, être contraint de dormir dans une tente. Il disait ne pas pouvoir se permettre de payer un loyer, sans être payé, dans la ville suisse. Si le stagiaire en question, David Hyde, a par la suite admis qu’il avait plus ou moins arrangé l’histoire, l’importante couverture médiatique de l’événement a permis aux stagiaires de se mobiliser pour faire changer cette politique jugée injuste.

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À Genève, des regroupements de stagiaires de l’ONU ont organisé plusieurs manifestations — mais ceux de New York s’étaient montrés plus discrets, jusqu’à ce mardi. Un groupe qui se fait appeler le « Quality and Fairly Remunerated Internship Initiative [L’initiative pour des stages de qualité et justement rémunérés] » a organisé cette chaîne humaine et a appelé le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, à se saisir du problème. Le mois dernier, le groupe avait écrit un mail au Secrétaire général, mais les membres du groupe attendent toujours un rendez-vous avec son équipe.

Nombre de ceux qui étaient présents ce mardi devant l’ONU ont tenu à dire qu’ils étaient là pour ceux qui n’ont pas les moyens de venir faire un stage ici — notamment les étudiants des pays en développements et passionnés par les Nations Unies, qui n’ont pas les ressources financières ou les connexions pour y rentrer par le bas de l’échelle. Le mois dernier, VICE News s’est entretenu avec plusieurs jeunes gens. L’un d’entre eux, Alfonso Abularach, a participé, pendant près de 10 ans, en Bolivie, à un « Modèle des Nations Unies (MNU), » une simulation de l’ONU qui permet de se former aux négociations internationales. « C’était très difficile, se rendre compte que cette très grande institution, dans laquelle je crois profondément, ne souhaitait pas payer des gens qui veulent la faire avancer, » explique Abularach.

« C’était vraiment décevant, » continue Abularach, qui explique qu’il n’a pas pu financer un stage à New York ou en Europe. « Je ne pense pas que ce soit juste. »

Alex Kucharski, un stagiaire anglo-polonais qui travaille au Secrétariat de l’ONU et qui manifeste ce mardi, explique à VICE News, que les stages — en particulier ceux aux Nations Unies ou toute autre organisation internationale de premier ordre — sont un prérequis quasiment obligatoire pour poursuivre une carrière dans les relations internationales.

« Je pense que c’est vraiment injuste que les stages ne soient pas payés, » explique Kucharski. « Et je ne parle pas seulement de mon cas personnel — j’ai dû économiser pendant 8 mois pour pouvoir venir ici, et encore je vais dormir dans le salon d’une connaissance. Le problème est aussi le suivant : puisque les stages ne sont pas payés, les étudiants des pays en voie de développement ne peuvent pas venir ici, sauf s’ils viennent de familles très riches. De fait, une grande part de la société est donc exclue des négociations qui se mènent ici. »

Claire Maizonnier vient d’Australie et fait partie des nombreux stagiaires qui reçoivent des allocations des gouvernements occidentaux pour effectuer ce stage non-payé. Pour elle, c’est la Suède qui paye, le pays où elle étudie. Le pays nordique a payé pour son voyage et l’hébergement à New York. Si cela part d’une bonne intention, les critiques de cette solution estiment qu’elle renforce en réalité les inégalités qui existent.

« Il y a de nombreuses personnes de talent qui n’ont pas cette opportunité, ou cette option, » explique Maizonnier à VICE News. « Ce n’est pas possible pour certains, particulièrement pour ceux qui viennent de pays en développement. »

Si certaines agences de l’ONU rémunèrent leurs stagiaires, la grande majorité ne le font pas — dont les plus grandes comme l’UNICEF et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Le bureau du Secrétaire général, faisant référence à de précédentes résolutions, explique que l’Assemblée Générale des Nations Unies doit autoriser le paiement des stagiaires, pour que l’ONU soit capable de le faire.

Deux anciens stagiaires, originaires d’Allemagne et qui sont désormais contractuels pour l’ONU, expliquent que, d’après leurs expériences, l’ONU ne pourrait pas fonctionner sans ces employés non-payés. Par exemple, la réunion annuelle des leaders du monde entier, qui commence la semaine prochaine pour l’Assemblée Générale, s’effondrerait sans les stagiaires d’après les deux anciens stagiaires.

« Pendant l’Assemblée Générale, il y a de nombreux officiels de l’ONU qui s’expriment, » explique Tjorven, l’une des deux anciens stagiaires, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. « Ils ont des fiches pour les aider à s’exprimer dont les premières versions viennent souvent des stagiaires — qui se retrouvent donc avec beaucoup de responsabilités. »

« Ils produisent véritablement du contenu, mais aussi des notes d’informations et d’autres plus succinctes. Ils ont donc un rôle crucial à remplir pour que l’organisation internationale continue de fonctionner, » explique Tjorven à VICE News. « Je suis pratiquement sûre que l’ONU ne pourrait pas fonctionner sans stagiaires. »

L’autre ancien stagiaire et actuel contractuel, qui est aussi allemand et a la vingtaine, explique que « le plus gros problème est qu’on essaye de hausser le ton pour des gens qui ne sont même pas là… Ce qu’on voudrait avoir c’est un système plus équitable. »

« Réduire les inégalités dans le monde fait partie des OMD [Objectifs du millénaire pour le développement de l’ONU décidés en 2000] -, explique-t-il. « Tout est une question de caractéristiques socio-économiques et de déséquilibre. »

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