Santé

Des Sud-Coréens s’enferment dans une fausse prison pour échapper à leur vie

o femeie din coreea de sud

Depuis quelques mois, des Sud-Coréens se tournent vers la prison comme échappatoire. Depuis 2013, plus de 2 000 personnes se sont inscrites à l’établissement Prison Inside Me à Hongcheon, dans le nord-est du pays – une fausse prison qui imite l’expérience abrutissante de l’incarcération.

Selon Reuters, les « détenus » de Prison Inside Me se font confisquer leur téléphone et se voient remettre un uniforme bleu, un tapis de yoga, un service à thé, un stylo et un cahier. Ils ne sont pas autorisés à se parler entre eux et on leur sert des repas très basiques qui incluent le strict minimum : une bouillie de riz au petit-déjeuner et une patate douce cuite à la vapeur pour le dîner.

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Tout cela est facultatif, et une grande partie des clients de l’établissement se compose d’employés de bureau et d’étudiants à la recherche d’un week-end bien loin de la culture du travail intensif de Corée du Sud. Dans un pays où les heures de travail sont longues et le taux de suicide élevé, cela pourrait sauver des milliers de vies.

En moyenne, l’employé coréen a travaillé 2027 heures en 2017, selon un sondage de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – ce qui fait de lui le troisième au monde à travailler le plus longtemps, derrière les employés mexicain et costaricien. C’est une culture hyper-compétitive de l’école et du travail que le Berkeley Political Review a récemment décrite comme « fatalement nocive », et les experts pensent qu’elle contribue au taux élevés de stress et de suicide dans tout le pays. Selon un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) datant de 2017, la Corée du Sud a le deuxième taux de suicide le plus élevé au monde, avec une moyenne de 28,3 personnes sur 100 000 qui se sont ôté la vie en 2015.

C’est de cette culture de cocotte-minute qu’est né l’établissement Prison Inside Me. Noh Ji-Hyang, co-fondatrice, dit que son mari lui a inspiré l’idée de cette fausse prison : ce procureur était souvent forcé à travailler 100 heures par semaine.

« Il disait qu’il aurait préféré être incarcéré seul pendant une semaine pour se reposer et se sentir mieux »

« J’étais épuisé physiquement et mentalement mais je n’avais pas le courage de démissionner de mon travail », dit Kwon Yong-Seok, le mari de Noh, à Al Jazeera. « Je ne savais pas quoi faire de ma vie. Puis j’ai pensé à être enfermé seul pendant une semaine. Sans cigarettes, boissons, relations humaines, boss et travail stressant, ça a clarifié la décision de ma destination future ».

Désormais, des centaines de Sud-Coréens s’enferment eux-mêmes dans des cellules de 6 mètres carrés pour 24, voire parfois 48 heures. Il n’y a ni horloges ni miroirs, et seulement des petites toilettes.

« Cette prison me donne un sentiment de liberté », dit Park Hye-Ri, une employée de bureau de 28 ans, à Reuters. « J’étais trop occupée. Je ne devrais pas être ici tout de suite, compte tenu du travail que j’ai à faire. Mais j’ai décidé de faire une pause et de penser à moi pour avoir une meilleure vie ».

Park a payé l’équivalent de 75 euros pour passer 24 heures dans l’établissement – et elle n’est que l’une des nombreuses personnes qui optent pour cette nouvelle et improbable forme de retraite de santé mentale. Selon Noh, l’enfermement solitaire n’est rien quand on le compare à la vie extérieure. Pour certains, cela peut même être une réponse à cette dernière.

« Vous êtes littéralement enfermé là-bas, ce qui est tout le concept du programme », dit-elle. « Mais les participants disent qu’ils y ressentent un grand bonheur et une incroyable liberté. La plupart des gens étaient réticents au début parce qu’on leur disait que c’était de la prison. Mais après qu’ils sont restés à l’intérieur, ils disent que la cellule n’est pas la petite prison, mais plutôt le monde extérieur ».

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