Des usines nord-coréennes produisent du crystal meth depuis 15 ans

Selon des responsables américains ayant testé deux échantillons l’année dernière, la crystal meth nord-coréenne serait incroyablement pure. Leurs analyses ont démontré que ces cristaux aux allures de glace étaient purs à 98 et 96%. Selon l’acte d’accusation émis contre les fournisseurs – qui ont été arrêtés en 2013 -, la drogue était si pure que « les New-Yorkais et les Bostoniens en ayant consommé étaient devenus fous ».

Selon un rapport du docteur Sheena Chestnut Greitens, professeure adjointe en sciences politiques à l’université du Missouri, le gouvernement nord-coréen tire profit de la drogue et d’une foule d’autres activités illicites depuis les années 1970, quand le régime a rencontré des difficultés à rembourser ses prêts. Certains de ses hauts fonctionnaires, et notamment l’ambassadeur nord-coréen en Norvège, ont alors essayé de « faire de la contrebande de marchandises illicites, et notamment 4 000 bouteilles d’alcool (principalement de la vodka polonaise) et 140 000 cigarettes en Suède, et 400 bouteilles, 4,5 millions de cigarettes et 147 kilos de haschich au Danemark ». Leur plan a échoué et les responsables ont été déclarés persona non grata dans les pays concernés.

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Après la chute de l’URSS, la Corée du Nord a perdu ses soutiens financiers. Combiné aux lourdes sanctions financières qui ont été imposées au pays et à des décisions politiques désastreuses, cela a conduit à la famine des années 1990 et à la mort d’environ un million de personnes. Les usines ont fermé et, en raison du manque d’essence, les pêcheurs se sont retrouvés à mourir de faim sur les docks de leurs ports. Prêt à tout pour survivre, le royaume des Kim a alors ordonné aux fermes communautaires de cultiver le pavot à opium et a réclamé jusqu’à 60 kg d’opium brut par récolte. « Nous devrions faire pousser des céréales, pas du pavot », a déclaré un transfuge cité dans le rapport du Dr Greitens. « Mais le gouvernement s’est dit que vendre l’opium récolté permettrait d’engranger un bénéfice dix fois supérieur à celui des céréales et que l’argent pourrait être utilisé pour acheter du blé. »

Après la fin de la famine dans les années 2000, les usines nord-coréennes ont commencé à produire un type de drogue plus moderne : la méthamphétamine. « Des fonctionnaires de diverses agences de sécurité du pays auraient été impliqués dans la garde des usines », écrit le Dr Greitens. Ces sociétés embauchaient de véritables Walter White ayant pour tâche de créer des cristaux de méthamphétamine à la fois purs et puissants. « Des experts qui supervisaient la production ont aussi été recrutés. »

Une ligne de crystal meth ou de “bangdu” en Chinois.

Selon le docteur, la meth et l’héroïne nord-coréennes étaient très prisées de la Triade et des Yakuzas qui les distribuaient ensuite en Chine, au Japon et aux États-Unis. « Les gangs récupéraient des paquets de drogue balancés dans la mer. Les produits étaient aussi transportés par train (et d’autres méthodes) à travers la Corée du Nord jusqu’à la frontière avec la Chine. »

Mais pourquoi s’appuyer sur des gangsters quand des agents diplomatiques bénéficiant d’une immunité se trouvent eux-mêmes officiellement sur le territoire de pays cibles ? Ainsi, les expulsions de membres du personnel d’ambassades nord-coréennes ont continué. Non seulement les fonctionnaires ont été condamnés pour trafic de drogue, mais aussi pour trafics de cornes de rhinocéros et d’ivoire, de cigarettes contrefaites et de faux billets de 100 dollars si bien reproduits que les employés du Trésor américain les ont qualifiés de « super-billets ».

« Compte tenu de la variété de produits concernés et l’implication répétitive de diplomates nord-coréens dans ces incidents, ceux-ci semblent être le résultat d’une politique “d’auto-financement”. Certaines ambassades ont ainsi pour rôle de subvenir elles-mêmes à leurs besoins et de transférer des fonds au régime de Pyongyang », écrit le docteur.

Depuis 2005, le régime a visiblement revu à la baisse sa production officiel de méthamphétamine. « Le gouvernement nord-coréen a détruit tous ses laboratoires de sorte à faire croire aux Américains que la vente avait cessé. Mais finalement, les usines ont été réimplantées à un autre endroit », a affirmé l’un des importateurs de meth arrêté l’an dernier. Dans un autre paragraphe de son acte d’accusation, il prétendait « qu’aujourd’hui, seuls les Nord-Coréens peuvent se procurer le produit authentique fabriqué dans le pays ».

La fermeture des laboratoires gouvernementaux a laissé des dizaines de talentueux chimistes sans emploi. Beaucoup ont alors décidé de continué à opérer dans ce que le Dr Greitens appelle des « espaces hybrides mi-privés mi-publics ». Dans ces marchés gris, les élites politiques tirent elles-aussi profit de ces cuisines clandestines de méthamphétamine construites dans des maisons et des écoles abandonnées.

Bien que le régime prétende que les Nord-Coréens « sans problèmes psychologiques particuliers n’ont pas l’intention de consommer ou d’exporter des stupéfiants », il est clair qu’un marché d’une si grande ampleur ne puisse pas prospérer sans une approbation tacite du pouvoir.

Le leader nord-coréen, Kim Jong Un, et des généraux.

Sans surprise, l’usage domestique de la meth a explosé au sein des frontières. Les élites de Pyongyang qui se retrouvent dans les restaurants de la capitale s’offrent un « trait » après leur diner, la classe moyenne utilise le produit comme médicament contre le rhume et comme remède au mal de dos et les pauvres s’en servent afin de se remplir le ventre, à défaut d’avoir de la nourriture. La drogue est devenue si banale que les Nord-Coréens s’en proposent automatiquement. « Il n’est pas rare qu’on goûte aux cristaux de proches afin de voir si les leurs sont plus puissants », a confié un transfuge au Dr Greitens. « On s’échange la drogue comme si on s’échangeait des cigarettes. » Selon un autre transfuge, « les gens soulagent leurs maux de dos en consommant ce produit. Ceux qui ont été victimes d’un AVC récupèrent grâce à la crystal meth. »

Bien que le régime nie en exporter, la méthamphétamine continue à quitter le pays en grande quantité. En 2011, les autorités chinoises ont annoncé avoir saisi de la crystal meth en provenance du royaume ermite pour une valeur de plus de 40 millions d’euros. Dans la région de Jilin, située à proximité avec la frontière, le nombre de toxicomanes était officiellement de 44 en 1991. Aujourd’hui, il a grimpé à un nombre estimé à 10 000.

L’implication de la Corée du Nord dans l’industrie de la drogue est une conséquence directe des nécessités économiques du pays et de son idéologie autonomiste. En conséquence, de nombreux citoyens nord-coréens sont devenus accros à cette drogue que le pays n’a jamais cessé d’exporter à l’étranger. Comme quoi, il n’y a pas que le Cher Leader à compter dans la vie d’un Nord-Coréen. Il y a aussi la meth.

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