La plupart des gastronomes chinois vous diront que leur pays compte huit grandes cuisines. A priori, délimiter ainsi la cartographie culinaire chinoise, c’est prendre le risque de réduire le paysage gastronomique chinois à quelque chose de beaucoup moins complexe que ce qu’il est vraiment. Mais cette catégorisation semble être si bien assimilée par tout le monde que plus personne ne se demande pourquoi les régions du Shandong, du Jiangsu, du Zhejiang, de l’Anhui, du Fujian, du Guangdong, du Sichuan et du Hunan sont les seules à avoir droit de cité au palmarès des cuisines chinoises. Personne ne semble non plus se demander si ces régions méritent vraiment leur statut de grande région culinaire. D’ailleurs, sur quoi reposent réellement leurs réputations ? Les régions non-citées, ou diront nous, culturellement et gastronomiquement exclues, ont-elles leur mot à dire ? Pourquoi certaines cuisines sont-elles mises sous le feu des projecteurs tandis que d’autres ne sont jamais mises à l’honneur ?
Toutes ces interrogations méritent d’être un peu contextualisées. La Chine est un territoire riche de plus de 5 000 ans d’histoire et de sept milliards d’habitants – c’est considérable. Il faut aussi ajouter que le pays regroupe un grand nombre de climats et presque tous les milieux géographiques possibles : des déserts sans bornes aux jungles profondes en passant par les chaînes de montagnes aux neiges éternelles. Le tout est divisé en vingt-trois provinces, quatre municipalités, cinq régions autonomes et deux régions administratives spéciales. L’ethnie Han est majoritaire et représente 92 % de la population. C’est elle qui est, en grande partie, responsable de l’identité culturelle du pays et aussi de ses saveurs. Mais la nourriture en Chine a aussi été marquée en profondeur par la rencontre d’autres cultures et d’autres peuples.
Videos by VICE
Est-ce donc pertinent de diviser les traditions culinaires chinoises en huit grandes cuisines ?
Cela fait presque une décennie que j’essaye d’appréhender tous les éléments qui font de la gastronomie chinoise l’énigme qu’elle est. Et j’ai l’impression que cette grille de lecture est on-ne-peut-plus arbitraire. Ne parler que des huit grandes cuisines de Chine, c’est oublier toutes les contributions des autres groupes ethniques au patrimoine culinaire chinois. C’est mettre de côté l’importance des manières de table des élites, la variété des cuisines de rue, des religions et des influences extérieures. En plus d’être problématique, cette façon de présenter les choses exclut plus qu’elle n’inclut.
L’Occident a souvent tendance à penser que la Chine est cet endroit mystérieux et plus ou moins monochromatique en termes de culture, de langue et de cuisine. Mais en réalité, la Chine et le continent européen se ressemblent : leur superficie est presque identique et chacun comporte une grande variété de cultures.
D’un côté, il est vrai que les « huit grandes cuisines » représentent les points clé de la cuisine Han de la première moitié du XXe siècle. Chacune de ces provinces est en effet de berceau d’une (à trois) gastronomie(s) réputée(s). Mais même avec ça, le nord et le sud de la Chine restent peu représentés puisqu’il n’y a que le Shandong qui est clairement au Nord et le Guangdong clairement au Sud. Les provinces fortes en épices que sont le Hunan et le Sichuan représentent le centre de la Chine et toutes les autres régions appartiennent à l’est du pays. Bref, les trois quarts du pays restent dans le noir.
Mais l’argument le plus important est sans doute de dire que cette classification en « huit grandes cuisines » n’aide pas du tout à comprendre la cuisine chinoise. Par exemple, il faut supposer que la cuisine de Pékin tombe dans la catégorie de la cuisine du Shandong – mais qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que le Shandong a influencé la gastronomie de Pékin ? La cuisine pékinoise a-t-elle d’autres influences ? Qu’en est-il des cuisines impériales, des communautés musulmanes, manchoues et mongoles ? Et des marchands de la Route de la Soie ? Qu’en est-il de toutes ces guerres, de ces migrations, de ces influences étrangères et de ces révolutions ? Rien de tout cela n’aurait eu d’impact sur la cuisine pékinoise ?
Bien sûr que si. La cuisine pékinoise montre par bien des aspects le syncrétisme inhérent à l’histoire de la capitale. Pékin est depuis des siècles le terrain de jeu de chefs politiques ambitieux ; c’est aussi le carrefour de nombreux migrants et de voyageurs. Elle est au cœur de la culture de l’est asiatique. Sa cuisine est unique en son genre. Bien sûr, elle est liée à la cuisine du Shandong ainsi qu’à d’autres cuisines du nord de la Chine pour la simple et bonne raison qu’elles partagent toutes un certain nombre d’ingrédients, de coutumes et d’ethnies. Elles dépendent d’une même géographie et d’un même climat. Le fait est que Pékin et le Shandong ont beau faire partie du nord de la Chine, la cuisine du Shandong n’équivaut pas celle de Pékin et inversement. À l’évidence, chaque région de Chine pourrait faire un tel procès pour revendiquer une cuisine qui lui est propre de par son histoire, ses influences et ses coutumes.
Historiquement, la Chine était plus pragmatique quand il s’agissait de catégoriser ses nourritures, ses cultures et ses populations. Car avant, il suffisait d’une distinction Nord/Sud prenant le cours du Yangzi Jiang comme ligne de démarcation. La première tentative de dichotomie entre les deux parties du pays date d’il y a environ 1 700 ans, quand Zhang Hua écrivait : « Les habitants du sud-est mangent des créatures de l’eau tandis que ceux du nord-ouest mangent des créatures terrestres. » Et ensuite, sept siècles plus tard, on retrouve Shen Kuo qui observe que « la plupart des gens du sud aiment le goût salé alors que les gens du nord préfèrent le sucré ». Cette méthode de distinction a perduré ainsi jusqu’assez récemment. Ce n’est qu’il y a 200 ans que Qian Yong notait que « les gens du nord aiment les plats lourds et riches en goûts alors que les gens du sud aiment ce qui est léger et frais ; les gens du nord apprécient les grandes tables et aiment avoir une abondance de plats tandis que les gens du sud attachent de l’importance à la présentation et apprécient plus que tout la fraîcheur de leurs fruits et des autres ingrédients ». En fait, l’idée qu’il n’y aurait que « huit grandes cuisines » n’est pas une méthode établie depuis des lustres pour représenter la gastronomie en Chine – cette façon de voir n’existait même pas il y a encore quelques décennies. Néanmoins, cette catégorisation des styles culinaires du pays est mystérieusement acceptée par tous comme parole d’évangile alors même que personne n’arrive à dire quand elle a été établie, ni par qui ni pour quoi faire.
Il faut aussi rappeler que la Chine a une autre façon de présenter sa cuisine : celle des « quatre grandes cuisines ». Il s’agit probablement d’une catégorisation antérieure de quelques décennies à celle des huit grandes cuisines. Même cette division-là est floue : sa première mention semble dater du début du XXe siècle et se trouve dans un carnet de voyage : le Shandong, la ville de Suzhou dans le Jiangsu, le Guangdong et le Sichuan sont mentionnés en guise de points cardinaux. Cette délimitation est bien plus générale que celle comptant huit cuisines. Mais là encore, le livre de Xu Ke reste assez obscur quant au nord qui semble n’être qu’un ; il ne passe que très rapidement sur les variétés gastronomiques du sud et de l’est ; il ne fait qu’évoquer les tendances à cuisiner épicé dans le Yunnan, le Guizhou, le Hunan, le Sichuan ; enfin, il ne fait que citer les cuisines du Hubei et du Fujian.
Il n’existe pas de cuisine globalement européenne comme il n’existe pas « une » cuisine chinoise. Ce pays a donné naissance à toute une constellation de cuisines toutes bien particulières. Chacune reflète une culture, une histoire, un climat, un sol et des ingrédients bien particuliers.
À la suite de ces tentatives de classifications, personne n’a réussi à justifier pourquoi les régions du Shandong, du Guangdong, du Sichuan et la ville de Suzhou seraient si importantes au point d’exclure le reste du territoire. En 1980, le grand chef sichuanais Chen Kenmin (il s’agit du père du chef Chen Kenichi qui a participé à l’émission Iron Chef’s) proposait encore une autre division, en quatre grandes catégories : les terres au nord du Fleuve Jaune abritent les cuisines du nord, représentées par Pékin ; les terres en amont du Yangzi Jiang abritent la cuisine sichuanaise et les autres cuisines de l’ouest ; l’aval du Yangzi et Shanghai les cuisines de l’Ouest ; le Guangdong et la zone de la Rivière des Perles les cuisines du Sud. Mais il a tout de suite nuancé sa division en précisant que « quand il s’agit de définir les cuisines chinoises, chaque province et chaque ville produit en réalité sa propre cuisine ».
J’étais en plein dans la rédaction d’un livre de recettes chinoises qui s’appelle « All Under Heaven : Recipes from the 35 cuisines of China » (ndlt : « all under heaven » ou « tout sous le ciel » est une périphrase qui désignait autrefois l’empire de Chine – en mandarin : « tianxia ») quand j’ai réalisé qu’il fallait présenter les choses différemment. Cela fait des décennies – depuis que je suis adulte – que je ne fais presque que manger et cuisiner des recettes issues des différentes cuisines chinoises et j’avais, par conséquent, un très bon aperçu de la multiplicité de la réalité de cette question.
Par exemple, le goût pour le sel ou la sauce soja ainsi que l’usage de certaines pâtes fermentées peuvent définir certaines zones. Une préférence pour le porc ou le poulet ou l’agneau ou encore le poisson ou le tofu suggère un paysage ou une ethnie particulière. Le riz nourrit le sud humide tandis que les céréales graminées comme le blé et le maïs tiennent au corps des gens du nord pendant les rudes hivers. Les moines mahayana sont végétaliens et ont développé une remarquable cuisine sans viande sur les bords du Yangzi. Les musulmans ont fait évoluer les goûts au nord et à l’ouest avec leurs merveilleuses pâtes et leurs pains. Les bouddhistes ésotériques de Mongolie et du Tibet sont parvenus à lier leurs traditions alimentaires particulières avec celles des Ouighours pour vivre ensemble au Xinjiang. Les piments des Amériques se sont développés dans les montagnes du centre du pays et ont introduit un goût pour les plats épicés. Les anciennes traditions du peuple Hakka se retrouvent ici et là : les plaines du nord utilisent leurs méthodes de préparation tandis que la côte s’inspire de leurs assaisonnements.
C’est en partant de ce genre d’observations que j’ai tracé ma propre délimitation des cuisines chinoises – prenant soin d’y inclure sa moitié ouest trop souvent laissée de côté. J’y ai pris en compte les principaux ingrédients de base, les climats, la géographie, les ethnies, les religions, les principaux mouvements migratoires et les dialectes. Tous ces facteurs se sont finalement retrouvés divisés en cinq principales régions culinaires.
L’Occident a souvent tendance à penser que la Chine est cet endroit mystérieux et plus ou moins monochromatique en termes de culture, de langue et de cuisine. Mais en réalité, la Chine et le continent européen se ressemblent : leur superficie est presque identique et chacun comporte une grande variété de cultures. Et il faut bien se souvenir qu’en Europe aussi, on range les traditions gastronomiques en grandes familles centrées sur certaines zones géographiques qui utilisent certains ingrédients et abritent certaines ethnies : la cuisine méditerranéenne, celle d’Europe de l’Est, de la Scandinavie, etc. Et après ça, on fait encore des subdivisions : il y a la cuisine française, et dans cette catégorie il a encore la cuisine provençale, la cuisine lyonnaise ou bien la cuisine parisienne.
Il n’existe pas de cuisine globalement européenne comme il n’existe pas « une » cuisine chinoise. Ce pays a donné naissance à toute une constellation de cuisines toutes bien particulières. Chacune reflète une culture, une histoire, un climat, un sol et des ingrédients bien particuliers.
Les premiers habitants de Chine vivaient sans doute entre les rives du fleuve Jaune et celles du fleuve Bleu (le Yangzi). Des milliers d’années plus tard, l’ethnie Han s’est déplacée pour s’approprier de nouvelles terres, poussée par la pression démographique, les guerres, les famines et la violence.
La majorité de ces Hans se sont installés sur les terres fertiles et tempérées au niveau de la côte et jusqu’au sud-est tandis que d’autres ont remonté le cours des fleuves pour aller s’installer plus à l’intérieur des terres, jusqu’aux passages des Routes de la Soie à l’ouest et jusqu’en Mongolie et en Mandchourie au nord. Ils se sont alors mélangés aux premiers habitants de ces terres, que ce soit dans les forêts tropicales ou les steppes glaciales. Ils se sont aussi fait soumettre par les tribus nomades qui ont ensuite nommé leurs propres descendants en guise d’empereur Du Milieu et se sont finalement intégrées à ce pays ayant déjà diverses influences culinaires. Plus je m’intéressais à l’un ou l’autre des éléments à prendre en compte, plus ces cinq zones culinaires se démarquaient. Et une fois que j’avais ces cinq régions, j’ai pu ensuite recomposer les superpositions entre chaque zone pour finalement retrouver les 35 cuisines de Chine que j’avais identifiées.
Le Nord et le Nord-est
Le Shandong, Pékin, Tianjin, le Hebei ainsi que le Liaoning, le Jilin et le Heilongjiang au nord-est.
C’est l’endroit où la cuisine han se mélange le mieux avec celle des musulmans Hui, des Mongols, des Mandchous et même celle des slaves. On peut y trouver de la soupe russe avec de la queue de bœuf et des carottes aussi bien que le ragoût de Tianjin qui prouve bien le goût chinois pour le porc plutôt que le traditionnel bœuf halal – on peut aussi tomber sur des ailerons de poulet infusés au vin rouge.
De grands déserts recouvrent l’essentiel de la moitié nord de la Chine. Rien, si ce n’est la Grande Muraille, n’existait pour protéger les premiers Hans installés aux bords du Fleuve Jaune – cette muraille qui s’est d’ailleurs montrée plusieurs fois inefficace pour repousser les tribus étrangères qui pénétraient alors pour appuyer leur influence. Certains de ces étrangers se sont bien plus dans ce territoire et s’y sont installés, agglomérant à ce qui allait former plus tard la grande famille chinoise. Ils ont ramené avec eux un goût prononcé pour l’agneau, le bœuf, les nouilles et le pain. Les autres influences de cette région sur la nourriture locale furent apportées par les caravanes venues du Levant et de l’Asie Centrale en la matière d’épices et d’ingrédients : c’est pour cette raison qu’on utilise ici de la cannelle, du fenouil, du concombre et des aubergines.
Les berges du Yangzi Jiang
La région de la rivière du Huai He, le Jiangsu, le Zhejiang, Shanghai et le nord du Fujian forment le cœur de cette zone. Les provinces de l’Anhui, du Henan, du Hubei et du Jiangxi, plus en amont, en sont la périphérie.
Si la culture alimentaire chinoise devait avoir un épicentre, celui-ci devrait sans nul doute être situé vers le delta du Yangzi où la gastronomie s’est sophistiquée de manière très poussée. On trouve dans cette zone des inspirations venues de tout le pays : des anciennes techniques du Henan et du Shandong jusqu’aux plats les plus cosmopolites de Shanghai.
Ici, les beignets au crabe de l’Anhui trouvent une seconde maison. Les préparations véganes à base de pois et de farines des bouddhistes parviennent à créer des plats qui donnent l’illusion de la viande. Le poulet du Daokou, infusé de plusieurs épices doux, est devenu un plat emblématique pour plusieurs provinces de cette région. Le Yangzi étant assez profond pour que des bateaux maritimes s’enfoncent dans les terres, les différentes communautés égrainées au fil des berges du fleuve sont en contact et échangent entre elles des marchandises depuis longtemps. Ainsi, on retrouve certains goûts dans leurs différentes cuisines : on y apprécie particulièrement les poissons d’eau douce et les crustacés, les jeunes pousses de bambou, les vinaigres pas trop prononcés, les vins de riz et les sauces soja de qualité.
La côte du sud-est
Les différentes zones hakkas, le Chaozhou, le sud du Fujian, Taïwan et ses familles militaires ainsi que le Hainan forment la partie nord de cette zone, où la cuisine est plus familiale. Le Guangdong et le sud du Guangxi, le delta des Perles, Macao et Hong-Kong constituent la zone où cette cuisine se veut plus raffinée.
Les arômes subtils sont préférés dans ce climat chaud et humide. Influencés par la Rivière des Perles, les plats de la capitale du Guangdong, Canton, sont incroyablement légers. Citons ici les faussement simples recettes du poisson à la vapeur ainsi que celle du poulet au gingembre. On retrouve des variations de ces recettes dans tout le Delta des Perles et jusqu’à Hong-Kong et Macao. Plus dans les terres, là où de nombreuses collines marquent le territoire caractéristique du sud de la Chine, on préfère une cuisine plus familiale. Trois styles se démarquent : la cuisine hakka, celle de Chaozhou et celle du sud du Fujian. Ces cuisines mélangent d’anciennes techniques de cuisine héritées de celles des plaines du nord du pays avec un goût pour le salé et les pâtes fermentées. On trouve ainsi du tofu farci ou encore des zongzis (des « tamales » chinois) chez les Hakkas. Cet héritage culinaire s’est transmis pour devenir la base de la culture gastronomique à Taïwan et dans le Hainan.
Les plaines centrales
Sichuan, Hunan, Yunnan, Guizhou et le nord du Guangxi.
Les piments ne sont arrivés des Amériques en Chine que depuis quelques centaines d’années mais cette introduction a complètement changé la façon de cuisiner des peuples des plaines centrales de Chine. Consommés crus, cuits, séchés, réduits en poudre ou fermentés en pâte, conservés dans du vinaigre, transformés en huile – la chaleur des piments est le dénominateur commun des différentes cuisines de cette zone. Les nouilles dandan et le mapo dofu ne sont que les deux plus connus d’une infinité de plats locaux. La préférence han pour des plats moins épicés se retrouve cela dit dans le jambon au miel du Hunan aussi bien que dans le canard fumé au thé du Sichuan.
Ici, les épices marquent la présence de différentes ethnies minoritaires : le poulet à la citronnelle du peuple Dai, le poisson à la sauce croustillante du Yunnan. C’est ce qui distingue les cuisines des plaines centrales des autres zones culinaires du pays. Cette zone au sud de la Chine comprenant des montagnes et des forêts a permis à ces peuples indigènes des contacts avec la Birmanie, le Laos et le Vietnam. D’autres assaisonnements d’Asie du Sud-Est ont ainsi influencé les cuisines locales.
Les terres arides
Shaanxi, Shanxi, Gansu, Xinjiang, Qinghai, Ningxia, Mongolie Intérieure et Tibet.
À partir du premier millénaire avant Jésus-Christ et tout au long de cinq puissantes dynasties (celles des Zhou, des Qin, des Han, des Sui et enfin des Tang), l’influence de la province du Shaanxi et des meilleurs cuisiniers impériaux s’est diffusée dans la région. Aux confins de l’empire, la moitié supérieure du pays s’étend à l’ouest de l’ancienne capitale impériale qu’est Xi’an. L’alimentation y est riche en produits laitiers, en viande et en blé. Certains ingrédients de cette région, comme le bulbe de lys ou la baie de goji, donnent de nouvelles saveurs et des textures bien particulières aux plats des terres arides.
Avec ses grandes étendues de terres peu fertiles – les grandes plaines de Mongolie, les dunes de sable du Xinjiang et l’Himalaya toujours enneigé – cette zone utilise davantage le sel que les sauces fermentées. Les ingrédients frais sont préférés aux ingrédients conservés et on retrouve des épices indiennes dans certains plats tibétains. Les traditions de la cuisine Han se mélangent avec celles des musulmans Huis, Ouighours et Kazakhs dans des plats tels que le kebab d’agneau au cumin et son riz pilaf, des beignets de lotus à la rose ou encore l’omelette au vinaigre qu’on appelle ici les rouleaux de Bouddha.
On peut essayer de les saisir d’une manière ou d’une autre mais les traditions culinaires de Chine sont beaucoup trop complexes pour rentrer dans quatre ou même huit cases. Mieux vaut donc enfin prêter attention à chaque région dans son individualité. Elles le méritent bien.
Toute une vie n’est sans doute pas suffisante pour réussir à apprécier toutes ces cuisines et goûter chaque plat que ce pays a à offrir. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer de relever le défi.
Carolyn Phillips est une critique gastronomique renommée, lauréate aux James Beard Awards. C’est également une universitaire et une artiste. Elle a écrit et illustré deux livres : All Under Heaven : Recipes from the 35 cuisines of China ainsi que The Dim Sum Field Guide : A Taxonomy of Dumplings, Buns, Meats, Sweets and Other Specialties of the Chinese Teahouse, publiés en 2016. Elle tient le blog Madame Huang’s Kitchen (madamehuang.com), le compte Twitter @madamehuang et vous la trouverez sur sur Instagram à @therealmadamehuang.