Comme prévu, « Battlefield 1 » défonce tout

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Gaming

Comme prévu, « Battlefield 1 » défonce tout

La Première Guerre mondiale n'a jamais été aussi excitante que depuis mon canapé.
Paul Douard
Paris, FR

Image tirée de Battlefield 1

La scène est terrible. Je me trouve sur ce qui était autrefois un champ. S'étend devant moi un terrain vague parsemé de trous d'obus, de barbelés et de corps sans vie. Les balles ne fusent pas encore mais les arbres sont déjà déchiquetés. Soudain, le coup de sifflet sonne la charge. J'enfile mon masque à gaz, je sors de ma tranchée et fonce avec une centaine d'autres soldats vers l'armée allemande, baïonnette au fusil. Au bout de quelques mètres, après avoir planté quelques Boches, je me fais tuer par une rafale de balles. C'était génial.

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Dire que ce nouvel opus de Battlefield était attendu est un euphémisme. Annoncé il y a plus d'un an, Battlefield 1 est enfin là. Trois ans après un Battlefield 4 réussi et un Battlefield Hardline – développé par Viceral Games – un poil chiant, le studio suédois D.I.C.E a repris sa licence en main afin d'en faire un truc qui éclate tout. Et c'est le cas. Alors que la mode semble être aux combats de robots qui marchent sur les murs et aux batailles spatiales un peu nazes, Battlefield 1 s'inscrit à contre-courant pour nous plonger dans la Grande Guerre – la vraie, la sale, la meurtrière, l'absurde. Un choix a priori risqué à l'ère du tout-technologique mais qui s'avère payant, sans doute parce que plus personne n'a envie de se battre avec des flingues qui font les mêmes bruits qu'une arme de paintball. Là, on se tue à coups de baïonnette dans le cœur, de marteau sur le crâne ou d'explosion d'obus – à l'ancienne, pourrait-on dire, en sachant pertinemment que c'était mieux avant, surtout la guerre virtuelle.

Graphiquement, le jeu est une claque, tout simplement. Inutile de vous expliquer à quel point les textures des arbres ou les effets de lumière sont au poil. Vous allez en prendre plein la tête, difficile d'en dire plus.

Au-delà de cette satisfaction somme toute naturelle quand on connaît le moteur du jeu, je dois avouer qu'en tant que fan des combats ultra-scriptés , j'ai pris mon pied avec Battlefield 1, qui renoue enfin avec un mode solo digne de ce nom. Contrairement à la plupart des FPS du genre, qui placent le joueur dans la peau d'un soldat d'élite – charismatique, blanc et américain –, le mode solo de Battlefield 1 vous plonge dans le quotidien d'une multitude de soldats lambda, soldats qui n'ont ni charisme ni talent particulier. Ce sont juste des mecs envoyés se faire tuer sur des champs de bataille, de la chair à canon que vous tentez de sauver d'une mort anonyme.

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Les choses deviennent encore plus évidentes lorsque vous débutez une partie, quand s'affiche sur un fond noir cette phrase : « Nous n'attendons pas de vous que vous surviviez. » Là où la plupart des jeux sont basés sur un système classique de « die and retry », Battlefield 1 rend la mort inéluctable et l'intègre à son scénario. Concrètement, le solo vous envoie sur le front dans la peau d'un soldat. Vous allez, comme des millions d'autres, mourir lors de l'assaut. Au lieu de recommencer le niveau pour retenter votre chance, vous passez instantanément dans la peau d'un autre soldat – qui, lui aussi, mourra peu de temps après. Et ainsi de suite.

C'est sans doute là que réside l'intelligence de Battlefield 1. Mourir devient une fatalité, s'impliquer dans la Première Guerre mondiale un suicide. Le jeu nous plonge dans la tête de nos ancêtres, en nous laissant imaginer ce que c'était de faire la guerre quand tu n'as rien demandé, mon grand. Il n'y a pas de héros qui tue à lui seul 190 Allemands, simplement des milliers de jeunes soldats sacrifiés. C'est toujours la guerre qui gagne, en somme. Chaque fois que votre soldat meurt – et ça arrive très souvent, croyez-moi – son nom et ses dates de naissance et de mort s'affichent à l'écran, avant de vous « plonger » dans un autre soldat.

Image tirée de Battlefield 1

Un tel choix résulte de l'un des grands paradoxes des jeux de guerre. Lorsqu'ils sont à gros budget, ces jeux se doivent souvent d'être « fun » pour convaincre le plus de joueurs possible de l'acheter – un mécanisme courant quand il s'agit de grands studios. Sauf que rendre une guerre aussi dégueulasse amusante pose toujours quelques problèmes. C'est d'ailleurs sans doute pour cela que la Première Guerre mondiale est très peu traitée dans les jeux vidéo – à l'exception des nombreux jeux de combats aériens, assez désincarnés.

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Si les plus célèbres sont Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre – un jeu d'aventure – ou encore Iron Storm – un FPS sorti en 2002 traitant d'une Première Guerre mondiale s'étalant sur 50 ans –, le plus proche de Battlefield 1 est sans doute Verdun, un FPS multijoueur daté 2013, se voulant réaliste et axé principalement sur les batailles de tranchées. Lorsque l'on joue au mode solo de Battlefield 1, on a donc l'étrange sensation de vivre une expérience assez unique, ce qui est toujours appréciable dans un genre aussi foisonnant que celui du FPS de guerre.

Après, ne vous attendez tout de même pas à vous retrouver nez à nez avec un jeu qui vous fait vivre ce qu'était ce conflit dans toute sa cruauté. Les corps déchiquetés sont absents, les cuites au pinard pour désinhiber les soldats restent invisibles et les jeunes hommes mourant n'appellent pas leur mère en gémissant.

Image tirée de Battlefield 1

Malgré ce gouffre qui subsiste entre ce que peut vous offrir ce jeu et ce qu'ont vécu ces soldats – mais les joueurs ont-ils vraiment envie de le voir s'atténuer ? –, l'absence de soldats français et russes en multijoueur et quelques combats un poil trop « Seconde Guerre mondiale », ce nouveau Battlefield est une réussite, tout simplement. Vous pourrez d'ailleurs participer à la destruction totale de la ville d'Amiens, ce qui est toujours agréable quand il s'agit d'expulser toute l'agressivité que vous avez accumulée au cours de votre journée de travail dans un open space anonyme.

De son côté, le multijoueur, classique, vous permettra de vous défouler avec 63 autres joueurs sur neuf maps, et vous proposera même un mode de jeu baptisé « Pigeons de guerre », un genre de capture the flag où les joueurs doivent choper un pigeon pour déclencher d'un tir d'artillerie sur l'adversaire. Non, ce n'est pas une connerie, et ce mode défonce. Il m'a d'ailleurs appris que pendant la Première Guerre mondiale, lorsque des soldats étaient encerclés par l'ennemi, ils lâchaient un pigeon voyageur pour prévenir leurs potes ou donner un ordre. C'était peut-être extrêmement rare, mais ça n'en demeure pas moins mortel.

Je ne sais pas pour vous, mais quand j'étais au collège et au lycée, je révisais mes cours d'histoire avec Medal of Honor , et ça fonctionnait très bien. Il se pourrait bien que ce Battlefield 1 vous donne envie d'en savoir plus sur la chute de l'Empire ottoman ou sur le gaz moutarde. Si vous n'en avez rien à foutre, il vous défoulera un bon coup, et c'est déjà pas mal.

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