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Musique

Rettsounds - Scream

Le nombre de groupes hardcore 80s qui se sont réunifiés ces dernières années est impressionnant. Sans surprise, la plupart sont des quadragénaires pétés en pleine crise existentielle, qui portent des cuirs achetés au centre commercial.

Le nombre de groupes hardcore 80s qui se sont réunifiés ces dernières années est impressionnant. Sans surprise, la plupart sont des quadragénaires pétés en pleine crise existentielle, qui portent des cuirs achetés au centre commercial. Sauf pour Scream, de Washington DC, qui, réunifiés depuis peu, ont l’air d’avoir redémarré exactement là où ils s’étaient arrêtés à la fin des années 1980, sans jamais retomber dans le « CASSE-TOI REGAN ! » de leurs débuts. Leur dernier album, Complete Control Sessions, est une bombe et leurs récentes performances live ont prouvé au monde entier qu'ils étaient encore opérationnels. Du coup, quand j’ai eu l’opportunité de rencontrer leur chanteur, Pete Stahl (également membre de Goatsnake, Wool et Earthlings?), j’ai sauté dessus comme John Brannon sur un pack de bières.

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VICE : Dans la presse, on dit souvent « Ils se sont réunifiés et sont repartis de là où ils s’étaient arrêtés » pour parler des groupes qui viennent de se reformer. C'est souvent faux, mais en l'occurrence, on a vraiment cette impression là avec votre nouvel album et le single « Mardi Gras ». C'est un bon point.

Pete Stahl : Je pense qu’on a toujours cherché à rester nous-mêmes, on s’est construit dans le temps et chacun a développé son propre son. Je suis très content du nouvel album parce qu’il est vraiment dans l’esprit du groupe. Pour moi, on a toujours eu du mal à retranscrire ce qu’on avait dans la tête sur un disque, mais là, pour cet album, ça a bien marché. Ce que tu viens de me dire est un vrai compliment, merci beaucoup. Je suis content que t’aies pas dit un truc horrible du genre : « On dirait qu’on est de retour en '82 »

On dirait que vous avez hiberné pendant 15 ans et que vous êtes ressorti de votre sommeil avec cet album. C’est exactement ce que vous seriez devenus si vous n’aviez pas disparu.

J’aurais bien aimé avoir fait ça, je crois. J’ai enregistré avec Jerry Williams des Bad Brains avant qu’il meure, et je vais vendre les chutes de cette session pendant notre tournée. La cassette s’appelle Jerry’s Free. On a enregistré avec lui en 1982, comme d’autres groupes de DC, New York et Boston. Les Bad Brains voulaient sortir une compilation à l’époque, mais ça ne s’est jamais fait. Tout ce qui est ressorti de cette session, c'est la cassette que j’avais. J’ai appris que Jerry habitait dans la Yucca Valley, à côté des studios Rancho de la Luna, où moi et mon frère on avait bossé sur différents projets, donc on a essayé de rentrer en contact avec lui, d'abord sans succès. Quand on a enfin réussi à le voir, il n'était pas très bien ; je lui ai proposé de venir au studio enregistrer quelques trucs, histoire de passer du temps entre potes. À la fin il vivait reclus, mais on a réussi à enregistrer deux chansons avant sa mort. On a tout fait en une journée - c’était un peu éprouvant pour lui, je me souviens. J’ai ensuite fait la cassette, avec une chanson enregistrée ensemble et les sessions des studios 171A de 1982. Comme ils étaient tirés de la vieille cassette, le son s’en ressent, mais c’est une pièce historique. Il m’a aussi donné une compilation d’inédits des Bad Brains ce jour-là.

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Apparemment tout le monde était invité sur cette compil. Il y avait un groupe qui s’appelait Autistic Behaviour, qui venait d'à côté de là où j’ai grandi.

Ouais, mec ! Je me souviens, des mecs de de Pennsylvanie.

En fait, ils venaient de Jackson dans le New Jersey, mais après ils ont bougé à Philadelphie. J’ai toujours les morceaux qu’ils avaient enregistrés pour la compil.

Moi j’ai toute la putain de compilation en double CD. J’ai jamais demandé à Jerry s’il avait toujours les originaux, mais je lui ai suggéré de parler à Ian MacKaye pour trouver un endroit où les archiver. Ian a numérisé tout le catalogue Dischord. C’était son grand projet ; il est allé à New York et a numérisé tout, même les démos et les répétitions. Il a tout sauvé. Chez Dischord, c’est presque un musée, maintenant.

Il m’a beaucoup aidé sur mon projet de bouquin. C’est bizarre les gens qui gardent tout comme ça. Je me demande s’il savait qu’un jour, quelqu’un allait s’y intéresser.

Ça fera probablement partie du Smithsonian un jour. Je sais que ça peut paraître fou, mais je pense sincèrement que ça finira là-bas. Il est toujours passé par Southern Records pour distribuer Dischord, donc quand ils ont fait faillite, il a tout repris et tout réinstallé dans le garage de chez Dischord, comme au tout début. Un peu comme chez Motown. Il a tout préservé, et rien n'a changé, c'est comme quand on y répétait ! J’aimerais bien y retourner d'ailleurs, et enregistrer dans le garage.

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Comment ton frère et toi avez découvert le punk ?

On a toujours été dans la musique. Mon père était manageur de groupes de rock dans les années 1960 et ils nous traînaient à des concerts les week-ends. J’avais dix ans et mon frère huit à l'époque, et je crois que c’est là qu’on a découvert le truc. Il y avait des super stations de radio étudiante à Washington, comme WGTB et WAMU. J’ai entendu Iggy Pop et les Stranglers pour la première fois dans l’émission de Steve Wilbur. Après, j’ai commencé à m’intéresser aux groupes new wave du coin. Mon frère et Skeeter (Thompson, bassiste) étaient trop jeunes pour entrer dans les bars, donc je faisais l’éclaireur. Je descendais dans les caves pour voir des groupes comme Slickee Boys et Urban Verbs puis je leur faisais des comptes-rendus, parfois je les appelais du téléphone du club pour leur faire écouter.

Comment vous avez fait la connaissance des Bad Brains ?

Assez tôt, je les ai vus dans une petite galerie d’art, chez Madame’s Organ. On jouait déjà à l’époque, mais on était plus branché garage punk. Écouter les Bad Brains nous a fait soudainement nous rendre compte du rôle de la vitesse et du beat. Mais ce n’était pas juste la vitesse, c’était aussi l’exécution, parce que tous les groupes qu’on aimait bien avant le punk, comme Parliament ou les Allman Brothers, étaient des groupes vraiment « musicaux », tu vois. Même si on aimait bien le côté brut du punk, ça nous a scotché de voir Bad Brains combiner son énergie avec une telle précision d’exécution. On a commencé à jouer nos chansons plus vite et, en y repensant, j’aurais aimé qu’on évolue un peu plus naturellement après avoir vu Bad Brains et m'être dit « Wow, moi aussi je veux jouer super vite ! » On a abandonné pas mal de chansons après les avoir vus, c'est débile. Puis Skeeter est devenu pote avec eux et ils nous ont invité à venir jouer au Wilson Center de Washington et au CBGBs à New York. Ils nous ont vraiment aidé à nous faire notre place, ils nous ont ouvert des portes.

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C’est bien d’en apprendre un peu plus sur les origines musicales des membres du groupe parce que je me souviens que mon grand frère ramenait à la maison les premiers albums de Dischord et Touch & Go, et même enfant, en entendant l’album de Scream, je m’étais dit « Ces gars-là savent vraiment jouer ! » Ça s’entendait que vous aviez joué de la musique avant de vous mettre au punk.

Une chose est sûre, c’est qu’on a pas peur de le reconnaître ! Quand j’avais 14 ans, j’ai pris le bus pour descendre voir les Allman Brothers. Le southern rock a été une influence énorme. Putain, on vient de Virginie, sous la ligne Mason-Dixon, on est des putain de sudistes !

Je me souviens que vers 14 ans, j’étais dans le jazz fusion. Heureusement que j’ai découvert la new wave et le punk parce que je me demandais : « À quoi bon essayer ? Je ne jouerai jamais comme Miles Davis ». Le punk et la new wave nous ont donné cette énergie DIY dont on avait besoin.

Dans le livre Dance of Days, vous êtes présentés comme des outsiders de la scène hardcore de DC. Est-ce que ça s’est passé comme les auteurs le présentent ?

Là où on habitait, à Baileys Crossroads en Virginie, on jouait surtout avec des groupes de southern rock. Les mecs se battaient pour un rien et musicalement, on n’allait nulle part. C’était marrant de déconner avec les gens du coin, mais on voulait vraiment s’inscrire dans quelque chose de plus grand et de plus « cool ». Malheureusement au début, on n'était pas assez cool pour la scène de DC, et on a eu du mal à s’y faire accepter.

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C’était quoi le problème ? Vous ne portiez pas les bonnes fringues ?

On était vraiment perçu comme des rednecks. Tous les mecs de DC étaient de Georgetown, ils fréquentaient des écoles d’arts et étaient bien plus au courant de ce qui se passait dans le reste du pays que nous. Nous, on était au courant de rien.

Une fois, on a joué avec The Faith et DOA à Arlington, et quand on est monté sur scène, tout le monde est sorti ! Ça nous a vraiment sapé le moral, parce qu’on avait enfin l’opportunité de jouer avec tous ces groupes qu’on trouvait super cool, et ils nous dédaignaient. Après le concert, Jello Biafra, qui tournait avec DOA, est venu me voir et je ne savais même pas qui c’était. Il m’a dit : « Vous êtes bon les gars, vous laissez pas abattre par ça », pour nous remotiver, et il m’a donné son numéro et son adresse. Il a aussi parlé de nous dans quelques interviews après coup, et j’ai vraiment trouvé ça cool de sa part.

Vous pensez que Scream a toujours un public en 2011 ?

J’en sais rien, à vrai dire. On s’est réuni sans attente particulière. On a joué à Gilman Street et il y avait des kids dont ça devait être le tout premier concert. Ils chantaient les chansons du premier album en chœur. Ça m’a vraiment tué. On joue de la musique pour écrire des chansons qui nous parlent à nous ainsi qu’à notre public, on voulait juste se retrouver tous ensemble et nous marrer. Je crois que ça ne va pas plus loin que ça.