Souvenez-nous, c’était le 5 novembre 2012, sortie officielle de la compilation Education Française, un disque qui faisait la une de tous les journaux. C’était l’insouciance et la légéreté génréalisée, Christine était à peine mature, Fauve, Feu! Chatterton ou Hollysiz n’existaient pas encore. On était bien, non ? Non. Les expressions Néo Jeunes Gens Modernes (toujours eux), ou Nouvelle New Wave, allaient bon train au long d’une fièvre qui touchait aussi bien Paris que Nice ou Nantes. La frontière entre underground et mainstream, était sur le point d’être brisée à tout jamais, tout était pop, même si certains avançaient déjà depuis des années que la machine indie était cassée. Là, plus personne ne pouvait le contester.
L’Histoire ne nous dit pas combien Sony vendit d’exemplaires de cet album, ni non plus ce qu’il est advenu du potentiel Volume 2, mais était-ce le but au fond ? Cette musique homogène et téléphonée (pour ne pas dire téléphonie), sans style, sans substance, sans véritable identité non plus, malgré le grand renfort de cocarderies, renvoyait surtout à un profil Linkedin de bon élève qui criait : « Regardez-moi ! Je suis là ! Je m’ennuie alors j’ai monté ce groupe, je ferais tout pour travailler dans la musique ! » L’absence des groupes Aline ou Mustang, autre génération, autre conception, faisait écho au constat : l’avènement médiatique d’une scène jetable, sans passé et sans futur. Mais qui continue quand même de bien nous faire marrer. On a regardé où ces fers de lance en étaient, 3 ans après, et qui était la relève.
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01 – CONCRETE KNIVES
2012 fut sans aucun doute l’année Concrete Knives. Après avoir été qualifiés tour à tour de « rois du monde », de « patrons normands » mais aussi d’« artiste Ouest France », le groupe de Flers avait réussi à accaparer l’attention du label anglais Bella Union (qui leur signa un unique album dans la foulée, Be Your Own King). Plus récemment, ils ont retenu l’attention de Kev Adams qui les a signé pour la B.O. de Profs 2. Bango !
La relève : Elecampane, un trio composé de trois ex-CK qui, en 2015, réussit la prouesse de ne ne jouer ni de la synth-wave, ni du garage, ni du rock psyché.
02 – LESCOP
Celui que la presse s’amusait à surnommer Etienne Curtis était le plus aguerri des participants à Educ Franc. En effet, Mathieu Lescop avait 4 ans lors du terrible hiver que traversa la France en 1982. Il a également connu la sécheresse qui s’est abattue sur l’hexagone en 1986. Ce Rochelais, lecteur assidu de Thoreau, avait déjà pris d’assaut cette industrie de catins des années auparavant, pas uniquement avec sa bite et son petit canif, mais à l’aide de son groupe, Asyl. Aujourd’hui, Lescop a 37 ans, un album à son actif, les royalties des lyrics qu’il a écrit sur La Vague (oui, c’est son label Pop Noire qui était derrière le comeback cold wave d’Izia) qui tombent tous les mois, et cette bio, aussi vénéneuse que flamboyante, qui restera à la postérité.
La relève : Perez.
03 – SAINT MICHEL
On comprend pourquoi Saint Michel est le seul groupe que Columbia ait signé ensuite. La musique du duo versaillais était clairement celle avec le plus gros potentiel « spot pour téléphonie mobile (+ possib. tablette tactile) ». Les mecs sont même allés jusqu’à décryogéniser John Helliwell, de Supertramp, afin qu’il vienne coller son gros sax’ sur leur album, celui-là même qui a été mixé par Alex Gopher et dont la pochette contenait un palmier. On n’a plus eu de nouvelles depuis. L’ardoise devait être salée. La relève : le forfait 4G Starter.
04 – SINGTANK
Après un premier album sur EastWest, le duo formé par Joséphine de la Beaume (fiancée de Mark Ronson on le rappelle, da pop genius) et son frère, Alexandre de la Beaume, tapait en plein dans le zeitgeist National Geographic ; pochette en forme de montagne, musique en suspend, vêtements de créateurs bariolés, pour un résultat qui faisait passer Superbus pour Blondie. Singtank est revenu plus dark l’année dernière avec l’album Ceremonies, que personne n’a pris la peine d’écouter, car au fond, on sait pertinemment que c’est toujours le contenu musical qui se rapproche le plus d’un édito d’Audrey Diwan.
La relève : Jalouse nouvelle formule.
05 – THE SHOES
Le groupe de Reims a toujours été réputé pour ses clips subversifs, avec ou sans bicross, ils étaient là avant « la nouvelle scène pop », ils sont toujours là après (leur nouvel album Chemicals vient de sortir) et même si leur musique me fait le même effet que cette goutte d’eau tiède sur la selle Italia de mon Peugeot Performance 2000, je ne pourrais jamais avoir une dent contre les gars qui ont fait ça.
La relève : Pas besoin.
06 – SEVERIN
Séverin relevait le défi, avant tout le monde, du chant en français et de se saper entièrement en bleu-blanc-rouge. Tout était raté évidemment mais on peut au moins le saluer pour ça. Depuis, Séverin s’est éteint. Salut à toi, petit ange parti trop tôt.
La relève : Pharaon de Winter.
07 – THE POPOPOPOPS
J’ai abandonné définitivement l’idée de retourner vivre en Bretagne depuis que ce groupe s’est formé.
La relève : Pony Pony Pop Pop Pop ?
08 – EQUATEUR
C’était la première GROSSE révélation de la compile, leur teint briton, leurs habits au col engagé pour l’angine, leur amour de Metronomy, de la Dune du Pyla, des triangles, des imprimés galaxie, des newsletters Modzik… Que reste t-il d’Equateur en 2015 ? Une reprise de Flavien Berger et un commentaire évocateur : « Does anyone have the lyrics ? Please »
La relève : OK Lou.
09 – BENGALE
Heureusement pour nous, le tramway de Bengale est resté bloqué au dépôt depuis 2013. On raconte même que la ligne n’est plus en service car ses usagers, une fois à bord, étaient aussitôt pris d’une envie furieuse de se peinturlurer le corps et de monter des groupes pop influencés à la fois par la naïveté, Radio Nova et le prêt jeune à 0,7 % de la Caisse d’Epargne.
La relève : Pendentif.
10 – VON PARIAHS
Finalement, ce combo nantais était certainement le groupe le plus indie-rock de la compile, dans la plus pure redéfinition du terme établie en 2005 par Editors et Interpol. Gang of Four ? Oui, si vous voulez les érudits. Von Pariahs sortent encore des morceaux, avec des clips, et vous tomberez toujours sur leur nom cinglant au hasard d’un Lylo dans 10 ans, car Von Pariahs fait partie de cette tradition du rock qui, à l’image de cette phrase, pourrait continuer à l’infini et que rien ne forcera à stopper mais que, bon, il reste encore 10 groupes derrière.
La relève : 10 groupes derrière.
11 – PEGASE
C’était la deuxième grosse révélation du sampler. Le collectif tribal tout droit sorti des Beaux Arts de Nantes cumulait les clichés comme aucun autre groupe auparavant, touchant à la performance d’esthète. Le mécanisme ne fit que s’amplifier sur leur premier album, Tumblr, sorti en 2014. Vous pouvez me jeter autant de clés USB que vous voulez mais je maintiens que le style gameboy de College était tout de même bien plus ludique.
La relève : Bagarre.
12 – LA FEMME
Malgré leur Victoire de la musique catégorie révélation de l’année en 2014, vous pouvez toujours croiser les membres de La Femme à la terrasse du Mauri7, entre un voyage au Népal, et une tournée au Mexique. Et si c’était pas ça, au fond, la vraie définition du rock’n’roll ?
La relève : Minuidoïd.
13 – CAANDIDES
« Si tu vas à Rioooo … » Bah restes-y ! C’était le cas, jusqu’à ce que la nouvelle tombe, en cette matinée moîte du mois de mai, sur le webzine Les Inrocks : « Repérés par le radar du lab, il y a déjà quelques années déjà, les fougueux Caandides sont de retour avec le clip dansant et barré de Winter XIII, extrait de leur prochain album qui sortira à l’automne chez Cracki Records. Réalisé par Florent Cornier, la vidéo compile nombreuses figures 3D, géométrie élémentaire, voyages sur des îles tropicale, le tout couvé par la divinité du Bouda. » Et merde.
La relève : Eux-mêmes.
14 – LOU DOILLON
#jesuisloudoillon.
La relève : Alice Attal.
15 – HYPHEN HYPHEN
C’était la troisième ENORME révélation de la compilation, et sûrement la plus évocatrice. Le symbole de toute une généation, la prédiction du drame à venir, le bafouement de tous les acquis sociaux, une pisse chaude sur la tombe de Léon Blum, un doigt d’honneur à Descartes, Abélard envoyé boulé dans un amas de fumigènes toxiques, de roches coupantes, de noms doublés, de boules de feu mystique… Et comme si notre chute vers les Enfers n’était pas assez rapide, elle s’accompagne désormais d’un nouvel album du groupe niçois, s’ouvrant sur le titre « I Cry All Day ». Plus qu’à chialer, chaque jour, en attendant Elohim.
La relève : Baden Baden.
16 – DAMIEN
Quelqu’un connaît ce type ? Vous pensez qu’il a réussi à piner depuis ce morceau ? Qui écoute ça ?
La relève : Fauve, 49 rue Saint-Sabin, 75011 Paris.
17 – THE BEWITCHED HANDS
Aaaah Reims, sa cathédrale, son champagne, ses biscuits roses, son electro-rock, son palais, ses pavés, sa boutique La Hutte (RIP), son putain d’electro-rock, ses musées, sa rue de Vesle, sa qualité de vie, son air vivifiant… Et ce putain d’electro-rock, toujours en mutation, qui réapparaît toujours sous un nom différent.
La relève : Naive New Beaters !
18 – GRANVILLE
C’est fou quand même de se dire que des gens ont réussi à trouver d’autres gens afin de monter un groupe ensemble, qu’ils ont mis de leur argent pour trouver une salle de répétition, qu’ils ont pris sur leur temps libre pour jouer le week-end, dans des lieux ingrats, parfois même en semaine, à plusieurs centaines de kilomètres, qu’ils ont un jour décidé de sortir un album, qu’ils ont réfléchi à des paroles, les ont écrites, ont cherché des mélodies, sont ensuite entrés en studio, qu’ils ont participé à des tremplins, trouvé un label, peut-être même tapé dans l’oeil d’une major, que des dossiers de presses ont été constitués, des interviews effectuées, des chroniques rédigées, des livrets imprimés, des disques pressés, installés dans des circuits de distribution, que des consommateurs se les sont procurés, les ont mis dans leur lecteur, et ont écouté la musique pour finalement se dire, tout au bout de la chaîne : « hey, mais va niquer ta mère toi et tes films de Rohmer ! »
La relève : The Pirouettes.
19 – JUVENILES
Le magazine Snatch n’aura pas survécu au split de Juveniles. À moins que ce soit l’inverse. À moins que les deux existent toujours. À moins qu’on s’en branle.
La relève : Grand Blanc.
20- WOODKID
Voilà. C’était Paris en 2012, ou Brooklyn, on ne sait plus, j’espère que vous avez bien profité, parce que 2016 arrive, et que tout ça n’était rien comparé à ce qui vous attend !
Rod Glacial souhaite un joyeux anniversaire à Noisey France. Il est sur Twitter.