Avant, les chirurgiens se contentaient de faire un trou. Mais chez moi, vous ne percevrez aucune différence avec le sexe d’une femme « d’origine ». J’ai tout : vagin, clitoris, petites lèvres et grandes lèvres. Et je connais tous les orgasmes : clitoridien, vaginal, les deux à la fois… Une révolution, car pendant des années, je n’ai jamais ressenti le moindre plaisir sexuel.
Je suis née dans un corps d’homme – à l’époque, je m’appelais Wilfried. Mais au fond de moi, j’ai toujours été Chloé. Enfant, j’avais une poupée et c’était elle que j’appelais Wilfried. Parce que c’est un prénom de garçon et que moi, j’étais une fille. Très vite, ma famille a senti que quelque chose n’allait pas. Elle me croyait homo. Or, je le suis, mais pas comme mes proches se l’imaginaient. Je n’étais pas un homme qui aime les hommes : je suis une femme qui aime les femmes. Vers mes 15 ou 16 ans, j’ai quand même essayé de faire l’amour avec un garçon. Mais le blocage était trop fort, cela n’a pas été possible. Ensuite, j’ai eu des petites amies. Mais dès que l’on commençait à se rapprocher physiquement, je prenais la fuite. Au premier contact sexuel, je mettais fin à la relation. Sans donner d’explication – ou, en tous cas, pas la bonne. La vérité, c’est que je ne supportais pas mon corps.
Videos by VICE
Je ne suis jamais sentie à l’aise dans ce corps de garçon mais à la puberté, quand il a changé et s’est virilisé, il m’est devenu intolérable. Je le cachais sous des couches et des couches de vêtements – même en plein été. Aller à la piscine me terrifiait. Alors, me déshabiller devant quelqu’un d’autre, dans ce corps qui n’était pas le mien… Utiliser ce sexe, cet organe génital… Rien que d’y penser, j’en étais malade. Ma mère voyait que j’allais mal, elle s’inquiétait pour moi. Au lycée, j’ai vu un psy. Dès la première séance, je lui ai dit mon problème. Elle a été très compréhensive et m’a répondu « ma pauvre, le monde n’est pas prêt à vous accueillir comme vous êtes ».
« Recevoir une fellation m’était impossible. Quel dégoût ! »
Pendant des années, j’ai enfoui ma transidentité. Je l’ai même cachée à Marie-Jeanne, celle avec qui j’ai fait l’amour pour la première fois, à 21 ans. Celle qui est devenue ma femme et la mère de mes trois garçons. Donc, oui, techniquement, j’avais des érections et des éjaculations. Mais je n’appellerai pas ça jouir ou avoir un orgasme. Disons que je ressentais du plaisir à la voir en prendre, elle. Quoi qu’il en soit, s’aventurer hors du missionnaire me rendait malade. Il m’arrivait de lui faire des cunnilingus, mais recevoir une fellation m’était impossible. On a essayé une fois : quel dégoût ! Au final, nous ne faisions l’amour qu’une fois par mois, pas plus. Je sais que c’est une fréquence habituelle pour beaucoup de couples mais…s’aiment-ils vraiment ?
En 2010, à 41 ans et après 13 ans de mariage, je n’ai plus pu continuer. Je n’en pouvais plus et Marie-Jeanne non plus. Alors, nous avons tous les deux fait notre coming out respectif : son homosexualité, à elle ; mon identité de femme, pour moi. Nous sommes quittés en excellents termes : au fond, nous nous rendions notre liberté. Très vite, j’ai entamé des démarches pour changer de sexe et huit mois plus tard, je me suis envolée pour la Thaïlande.
« J’avais fait une croix sur le plaisir charnel »
Je n’ai pas fait ce choix pour une question de sexualité. Franchement, à l’époque, j’avais fait une croix sur le plaisir charnel. En plus, il y a une légende urbaine qui raconte que lorsque l’on change de sexe, on n’a plus aucune libido. Donc, je n’attendais rien de ce point de vue là. Moi, je voulais simplement être bien dans mon corps – dans mon corps de femme. Alors, ma découverte de l’orgasme a été un bonus !
À l’époque, j’étais en couple avec Catherine. Avant l’opération, nous n’avions eu aucun rapport sexuel – pour les raisons que j’ai déjà expliqué. Après, il nous a fallu attendre un an, le temps que cela cicatrise. D’autant que je prenais un médicament, l’Androcur, qui accélère le processus de féminisation du corps, mais coupe toute libido. Mais petit à petit, j’ai commencé à ressentir des sensations, des désirs, des fantasmes… Je me suis d’abord exploré moi-même – pour savoir comment ça marchait. Et puis, il y a eu ma première fois. Ma première « vraie » fois. Un soir où l’on s’embrassait et se câlinait avec Catherine, je me suis laissée aller. Et j’ai été surprise, non pas seulement par les sensations mais surtout, par leur intensité. Je ne savais pas qu’un tel plaisir pouvait exister ! Pour la première fois, je découvrais l’orgasme. Les orgasmes.
Encore maintenant, chaque partie de sexe est une redécouverte du bonheur. D’autant qu’en tant que femme, je peux le faire une fois, deux fois, trois fois de suite ! Mon vagin se lubrifie naturellement. J’ai une glande séminale, qui a la même fonction que la cyprine, même si cela met un peu plus de temps. Avec Hélène, ma compagne actuelle, j’ai tout expérimenté : la pénétration avec un, deux ou trois doigts – avec un gode, aussi. J’ai même essayé le sexe anal, mais je n’aime pas tellement.
Après ma séparation d’avec Catherine et ma rencontre avec Hélène, j’ai voulu retenter de coucher avec un homme. Mais… c’est lui qui a eu une panne ! Depuis, l’occasion ne s’est pas représentée. Est-ce que ça me manque ? Non. Mais, est-ce que la curiosité est toujours là ? Oui.