Il y a trois ans, Marie-Élise* cessait de boire. C’est un anniversaire qu’elle ne célèbre pas, mais qu’elle note dans son agenda, avec un autocollant à côté de la date. Elle n’est plus la même depuis.
Sa blonde ne la reconnaissait plus. La personne aventureuse et spontanée qu’elle avait été, c’était du passé. « Je ne montais plus sur la table en plein milieu d’un repas pour la frencher. Je ne voulais plus me coucher après minuit », raconte-t-elle.
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Marie-Élise a commencé à moins vouloir sortir. Les personnes qui consommaient autour d’elle ne la dérangeaient pas. Et ce n’est pas qu’elle n’avait pas peur de recommencer à boire. Elle était juste un peu plus craintive des gens. « L’alcool me dégênait. Je pouvais devenir la meilleure amie de tout le monde en deux minutes. Ça me prend trop d’efforts maintenant, le small talk. »
La copine de Marie-Élise a tenté de s’ajuster aux changements dans sa personnalité. Elle a même essayé de reprendre des traits de caractère de la Marie-Élise qui buvait, en étant plus impulsive et divertissante. Mais ce n’était pas elle, celle qui buvait sans compter les verres. Et ce n’était plus son amoureuse, celle qui préfère boire un thé tranquille à la maison.
Au bout de trois mois, la distance s’était creusée entre elles et leur couple n’a pas survécu.
Laure* a eu deux enfants avec un homme qui a tenté de cesser de boire drastiquement à quelques reprises. Il est présentement en cure, pour vaincre ses dépendances à l’alcool et à la drogue, pour la deuxième fois cette année. Elle n’a pas peur du choc de le trouver différent : elle espère qu’il le sera, et beaucoup. « C’est une bonne personne, mais il ne se sent pas aimé. Il ne se sent jamais à la hauteur, dans rien. Il consomme pour oublier », illustre-t-elle. Pour rendre leur quotidien doux et apaisant, elle a tendance à mettre de côté ses besoins et à jouer à la mère forte et parfaite. À la recherche de conseils pour mieux gérer la situation, elle a parlé de ses difficultés sur un forum de mamans.
Sous les recommandations d’une autre mère, elle a commencé à assister à des rencontres Al-Anon, un programme de soutien pour les membres de la famille et les amis qui souffrent de la dépendance à l’alcool d’un de leurs proches. Elle a réalisé en rencontrant d’autres personnes dans sa situation que d’oublier ses propres besoins survient souvent dans l’entourage de personnes alcooliques.
Sur la page web du groupe, il est indiqué que pour aider une personne à cesser de boire, il faut rendre l’atmosphère de son foyer plus saine, mieux comprendre la maladie de l’alcoolisme et ses conséquences, prier et méditer. « Le côté religieux m’a surprise au début, mais ça me dérange pas trop. Ça me permet de m’accrocher. J’ai confiance que mon chum choisira notre famille, plutôt que de s’enfoncer, même si ça demande beaucoup d’efforts », dit Laure, résolue à garder espoir.
Noëlle*, en couple avec une personne sobre, a aussi entendu parler des rencontres Al-Anon, mais elle ne considère pas que c’est ce dont elle a besoin. Le manque de flexibilité du programme en douze étapes, comme pour les Alcooliques Anonymes, l’irrite, et elle ne s’imagine pas aller parler de son quotidien à des inconnus : « Pas question que je conduise jusqu’à Saint-Eustache pour me faire dire que je devrais plus souvent cuisiner des tartes aux pommes et arrêter de boire. » Elle continue de consommer de l’alcool devant son copain, sans y voir un quelconque problème. « J’expose pas les bouteilles que j’achète. Ce n’est plus la déco de notre cuisine. Je bois parfois en sa présence, mais j’essaie le moins possible », explique-t-elle.
Les deux fument des joints pour se détendre, en fin de soirée, et quand Noëlle décide de prendre un verre, elle sent parfois que son conjoint le lui reproche. Elle se souvient d’une fois où, alors qu’elle buvait, il a tenté de lui faire prendre conscience qu’elle aussi était peut-être dépendante à l’alcool. « C’est ce côté-là de lui qui me dérange : comme si arrêter de boire avait été ce qu’il y a de mieux pour lui. Il n’est pas parfait parce qu’il ne boit plus. Sa vie non plus n’est pas parfaite même s’il a arrêté de boire », explique-t-elle.
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Cesser de consommer peut donner l’impression de régler des problèmes importants : mais en couple, ça peut en provoquer d’autres. Devenir une autre personne, ou souhaiter qu’un partenaire devienne une autre personne, pour un cheminement vers la sobriété en duo, n’est pas adapté pour tout le monde. « Depuis que j’ai arrêté de boire, je suis toute seule, déclare Marie-Élise. Mais je me sens importante, pour moi. Je n’ai pas besoin de quelqu’un pour me sentir bien. » Besoin ni d’une amoureuse ni d’un dernier verre.