Ils guettent depuis un hôtel huppé sur la corniche. Le regard rivé dans la lunette de leur fusil, les snipers des forces irakiennes sont postés, jour et nuit, à 200 mètres des djihadistes de l’organisation État islamique (EI). Autour d’eux, le décor ne trompe pas. Les murs en marbre, les moulures au plafond, et la vue imprenable sur le Tigre, témoignent du passé glorieux de cet ancien hôtel de luxe, où sont postés les snipers.
Mais l’endroit est devenu macabre. Une odeur de soufre embaume les chambres à 100 000 dinars la nuit. Le sol est recouvert de poussières, de douilles et d’objets à l’abandon. Les murs de la façade sont parsemés de trous dans lesquels les soldats jettent en permanence un oeil inquiet sur la ligne de front qui les séparent des hommes de l’EI.
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Parmi ces 18 hommes de la police fédérale, chargés de tenir le front en bordure du fleuve, six ont été formés pour être des tireurs à longue distance, d’après le capitaine Hussein Souaeb, en charge de ce bataillon. « Les snipers sont des hommes intelligents, qui ont été bien entraînés, » raconte-t-il.« Une école a été ouverte spécialement pour cette discipline. »
Au cinquième étage, dans une petite pièce rose recouverte de matelas, Youssef, tireur d’élite, surveille la vieille ville de Mossoul-ouest. « Je suis ici depuis quatre jours. Il y a quelques jours, un djihadiste a traversé la route, je me suis concentré et je l’ai abattu, » lance le jeune homme de 20 ans d’un air satisfait. « J’ai tué un homme à 350 mètres une fois. »
Comme pour stimuler leur motivation, les différents tireurs ont instauré une sorte de concurrence. « Quand j’entends à la radio qu’un autre tireur a réussi à tuer un ennemi, j’ai envie d’en tuer davantage, » confie Youssef.
Le capitaine confirme. « Ils ont l’esprit de compétition. Ils veulent être les meilleurs, cela les rend plus forts ».
Trois étages en dessous, d’autres hommes sont allongés sous des couettes et profitent d’un peu de répit pour se reposer. Dans la pièce d’à côté un soldat surveille une mosquée à quelques centaines de mètres. « Nous avons repéré du mouvement dans le minaret en face. Nous pensons qu’un sniper de l’EI s’y est caché. »
Le danger est omniprésent. Les tirs fréquents qui retentissent non loin de l’hôtel sont là pour le rappeler. « Certains tireurs peuvent rester une journée et une nuit sans bouger, ni boire, ni manger », explique le capitaine Hussein. « D’autres sont constamment en mouvement pour éviter d’être repérés. »
Contre toute attente, une voiture piégée de l’État islamique a explosé derrière la ligne de défense de l’armée irakienne, mercredi dernier, à quelques dizaines de mètres du bâtiment. De quoi stopper la progression des soldats de la police fédérale et de l’Unité d’intervention rapide.
Une caméra, plantée sur le toit de l’immeuble, permet néanmoins d’avoir un aperçu des difficultés qui se dressent devant les soldats pour l’une des dernières batailles face à l’État islamique en Irak. « Les rues sont étroites et de nombreux civils sont encore dans la vieille ville, » explique Muntadhar Kadhum, lieutenant d’un bataillon de l’Unité d’Intervention Rapide.
Grâce aux images de la caméra, les soldats aperçoivent à quel point le quartier est dense. L’un d’entre eux balaye la ville d’un coup de joystick et s’arrête sur le pont en face de l’hôtel : un drapeau noir continue de voler au vent.
Suivez Charles Thiefaine sur Twitter : @chthiefaine