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“Enderal” est ce qui est arrivé de meilleur à “Skyrim”

Vous ne pourrez jamais revivre les premières heures que vous avez passées sur un jeu.

Pendant ces quelques heures si précieuses, vous vous familiarisez petit à petit avec le monde qui vous entoure et les mécanismes qui vous permettent d’interagir avec lui. Votre perception et votre compréhension des deux sont toujours assez malléables. Vous êtes comme de l’argile, qui durcit à mesure que vous jouez, que vous façonnez le jeu comme bon vous semble. Et quand un jeu prend une place spéciale dans notre coeur, quand il nous touche d’une certaine manière, à un certain moment, et qu’il résonne en nous, ces quelques heures nous paraissent rétrospectivement inestimables.

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Dans les jeux vidéo, il est assez commun de chercher à retrouver des sensations passées tout en proposant quelque chose de neuf. La nostalgie est au fondement-même d’innombrables projets et achats ; des campagnes lancées sur Kickstarter promettent ouvertement d’évoquer des jeux bien connus tout en innovant, et les franchises les plus célèbres enchaînent les suites, les successeurs spirituels et les imitations plus ou moins ratées.

Pas besoin d’avoir grandi avec un jeu pour vouloir revivre cette précieuse période de découverte. De temps en temps, je me refais quelques trailers de mes jeux récents préférés, ce dont j’ai suivi le développement pendant des mois, et je me souviens – ou plutôt, j’essaie de me souvenir – de ce que ça m’a fait de lancer le jeu pour la première fois, d’y passer mes premières heures, de peu à peu découvrir et comprendre de quoi il était question.

Ces trailers me donnent parfois encore des frissons, et je peux même me refaire l’intro du jeu avec passion et tendresse, mais ça s’arrête là. L’ancien ne redevient jamais nouveau.

Cinq après sa sortie, nous avons presque tous des impressions de Skyrim qui ont vieilli. Elles ne sont pas tout à fait immuables, mais recommencer le jeu n’aura jamais la même saveur que la toute première fois. Même en jouant avec des mods qui changent le point de départ, améliorent les graphismes, ou modifient le jeu en profondeur, tout cela reste familier. On peut jouer avec la surface, mais le fond reste reconnaissable.

Pour moi, c’est ce qui rend Enderal (un mod pour Skyrim qui écrase tous les autres) aussi spécial. Ce n’est pas un add-on pour l’univers de The Elder Scrolls. C’est plutôt un monde complètement nouveau, et même s’il recycle beaucoup d’aspects de Skyrim, il propose aussi d’innombrables choses totalement nouvelles.

Capture d’écran d’Enderal via SureAI.

Si de nombreux ennemis ou bâtiments semblent familiers, Enderal propose quelque chose d’unique, une toute nouvelle aventure, de nouveaux personnages à rencontrer, de nouvelles histoires à raconter. Parfois, vous croyez reconnaître quelque chose, mais ça ne dure qu’un instant. Le contexte a changé, et cet élément reconnaissable se trouve en fait dans un lieu inédit, ou s’exprime d’une façon nouvelle.

C’est comme une sensation de déjà vu, mais en version RPG.

Après avoir créé des centaines de personnages sur Skyrim au fil des ans, ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point les objets m’ont paru précieux pendant mes premières heures sur Enderal.

C’est l’inverse de ce à quoi je m’attendais quand j’ai installé le mod et lancé le jeu. Dans Skyrim, l’intro du jeu vous couvre immédiatement de toutes les armes et armures que vous pouvez porter, et si vous voulez trouver mieux pour votre personnage, il suffit de se souvenir où chercher – ce qui n’est pas très compliqué.

Du coup, on se sent presque un peu trop gâté. Vous pouvez vite vous retrouver couvert d’enchantements si vous savez où aller ; en vous plaçant dans un monde totalement nouveau, Enderal vous empêche de vous appuyer sur votre expérience. Le tout premier cadavre habillé et pillable que j’ai trouvé m’est apparu comme une sorte de don de Dieu, et même si l’on en croise plus facilement par la suite, ce sentiment – de tomber sur quelque chose de spécial – m’est resté.

Certains aspects nouveaux du jeu rendent même les objets les plus communs plus précieux. Le fromage, le pain, les patates, ils m’ont tous sauvé la vie. Les potions et les sorts de soin sont nombreux, mais ils font grimper votre niveau de Fièvre, une affection qui touche les individus sensibles à la magie (même ceux qui ne la pratiquent que peu) dans l’univers d’Enderal. Votre fièvre augmentera aussi si vous vous promenez dans des lieux chargés de magie, mais les objets valent souvent le coup.

On trouve des potions de soin un peu partout, mais il est beaucoup plus difficile de trouver des anti-fièvre. Du coup, les aliments, même les pommes et les morceaux de fromage, sont beaucoup plus importants que dans Skyrim puisqu’ils vous permettent de vous guérir sans accroître votre fièvre.

Skyrim ne m’a jamais fait ressentir le besoin de m’intéresser à la nourriture ou à la cuisine, même si j’en ai parfois eu envie sans raison particulière, et c’était généralement la première chose que je moddais à l’époque où je jouais souvent. Le fait qu’Enderal s’en charge sans s’en remettre à des mécanismes de survie trop vus et revus lui confère là encore un aspect novateur, et ça fait du bien.

Par certains aspects, Enderal n’est pas aussi vaste que le monde bâti par Bethesda sur lequel il repose, mais il est meilleur sur certains points cruciaux. Enderal propose un monde un peu plus compact mais aussi un peu plus inspiré que celui de Skyrim.

On ressent parfois une certaine forme de lassitude à explorer des mondes ouverts qui semblent sans limites et parfois assez aléatoires. Le monde d’Enderal semble beaucoup plus sensé, mieux pensé. C’est peut-être parce qu’il est légèrement plus petit. Mais tout semble avoir été mis à un certain endroit pour une bonne raison, et pas seulement pour remplir du vide.

J’aurais du mal à dire exactement ce que j’ai ressenti en jouant à Enderal après plus de 200 heures passées sur Skyrim (et sans doute au moins autant de mods), au-delà de cette idée d’argile à façonner. Si je n’avais pas un tel passif avec le jeu, je dirais sans doute que son point fort est de proposer un RPG original, passionnant et suffisamment vaste – 100% gratuit ! – en se basant sur un jeu extraordinairement populaire, sans juste le répliquer.

C’est déjà très bien en soi, mais il y a plus. On reconnaît à peine Skyrim à travers Enderal. Ce morceau d’argile semble presque tout nouveau, prêt à être modifié à loisir grâce à n’importe quel outil. Vous ne pourrez jamais revivre les premières heures que vous avez passées sur un jeu, mais avec Enderal, je n’en ai pas été loin.