Depuis quelques années, le cosplay est beaucoup moins marginalisé qu’il l’était. Cette pratique qui consiste à se costumer en personnages de la culture populaire, d’animés japonais ou de jeux vidéo est de plus en plus connue du grand public. Les rassemblements comme le Comic Con et le Otakuthon n’y sont pas pour rien.
Ce que plusieurs ignorent, c’est que parmi les cosplayers les plus populaires au monde figure une Québécoise : Marie-Claude Bourbonnais. Si vous êtes adepte des événements mentionnés plus haut, il y a de fortes chances que vous l’ayez croisée. Votre regard s’est probablement posé sur l’un de ses costumes élaborés mettant en vedette sa volumineuse poitrine tout droit sortie du fantasme d’un geek présent sur place. Sinon, vous êtes peut-être tombé sur une de ses photos érotiques dans le Summum ou ailleurs sur le web. En effet, avant de tomber dans l’univers du cosplay, Marie-Claude était connue comme mannequin glamour. Elle ne s’en cache pas —au contraire, cette facette est aussi présente sur son site web.
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Mais Marie-Claude n’est pas seulement la Barbie à la poitrine volumineuse qu’on pourrait s’imaginer à première vue. Est-ce que les trolls de l’internet le savent? Est-ce qu’ils la harcèlent? J’ai décidé de lui demander et d’en apprendre plus sur elle du même coup.
Comment en es-tu venue à faire du cosplay?
En 2009, j’étais déjà connue comme modèle glamour, mais personne ne savait que j’avais étudié en design de mode et que j’étais costumière. J’avais demandé à un ami photographe s’il accepterait de faire un photoshoot différent, autre chose que de la lingerie et du maillot. Je suis une fan de Mortal Kombat et j’avais confectionné une version du costume de Frost. Les photos ont été plus populaires que nos habituelles photos glamour et on ne savait pas pourquoi. J’ai découvert le cosplay, assisté à mes premiers événements et j’ai eu la piqûre !
Pourquoi crois-tu que tu es devenue si populaire?
Ce qui m’a établi comme cosplayer, c’est ma présence remarquée au Comic Con de New York en 2010 avec mon costume de Sue Storm. Ce costume a littéralement créé une nouvelle tendance dans le monde du cosplay. Avant 2010, personne n’avait jamais vraiment pensé utiliser le latex comme matériel spécifiquement pour le cosplay.
Au fil des ans, je me suis fait un nom comme costumière. J’ai fabriqué des costumes techniquement complexes comme celui de Scorpion de Mortal Kombat X. Je me suis aussi associée à une compagnie américaine de jeux de table, Ninja Division. En 2015, j’ai construit pour eux un robot en fibre de verre de 10 pieds de haut que nous avons présenté à Gen Con, le plus gros rassemblement d’Amérique du Nord. Puis en 2016, j’ai construit une araignée en fibre de verre géante, un cosplay de Rachnera, personnage de l’animé Everyday Life with a Monster Girl.
Voyages-tu beaucoup à travers le monde?
Oui, le cosplay m’a étonnamment fait beaucoup voyager. Il y a tous les événements auxquels j’assiste avec Ninja Division aux États-Unis. Puis il y a les événements à l’étranger. J’ai entre autres souvent été invitée au Mexique et en Amérique du Sud. J’ai aussi voyagé en Europe à quelques reprises. En septembre, je serai d’ailleurs reçue comme invitée à un événement en Italie.
Quel est ton plus beau souvenir relié au cosplay?
J’en ai plusieurs… Un voyage en Uruguay où j’ai été couverte de cadeaux. Une jeune fille m’a dit, les larmes aux yeux : « Merci d’être venue nous voir. Personne ne vient jamais dans notre petit pays. » Et puis il y a eu le Chili, où j’ai fait la rencontre de jeunes femmes remarquables, des cosplayers passionnées, sans prétention, cent fois plus talentueuses que la majorité des starlettes populaires sur les réseaux sociaux. Mes plus beaux souvenirs de cosplay, c’est ça. Des jeunes fiers de venir me montrer ce qu’ils ont cousu ou construit, peu importe le niveau technique.
Est-ce qu’il y a une grosse différence entre les fans d’un marché à l’autre?
Les États-Unis préfèrent leur pop culture et la qualité des costumes compte peu, alors que partout ailleurs dans le monde, c’est l’animé japonais et les jeux vidéo qui règnent. Dans ma niche, je suis très populaire pour des raisons différentes selon la région. De façon générale, le marché américain m’aime pour mes costumes sexy, alors que mes fans européens apprécient la qualité de mon travail de costumière.
Reçois-tu beaucoup de fanmail ou de hatemail?
Je reçois très rarement du hatemail. Ça en est presque surprenant. Je crois que c’est beaucoup une question d’attitude et de personnalité. J’aime mes fans. Je leur dois beaucoup. C’est grâce à eux si je gagne ma vie. Je réponds à toutes les questions, en fait. Rien ne m’offusque. Je crois que je réponds à des courriels qui seraient peut-être considérés comme du hatemail par d’autres personnes. Pour moi, ce sont de simples questions. On me demande régulièrement, par exemple, combien je charge comme escorte. Je réponds simplement que je n’offre pas ce genre de service. Si on ne demande pas, on ne sait pas. Et en contrepartie, je reçois des tonnes de fanmail. Des milliers de courriels chaque mois. Je ne fournis pas. Mais mes fans sont patients. :)
Est-ce que ton identité a déjà été usurpée? Est-ce que ton image est parfois utilisée à ton insu?
Évidemment, comme la plupart des modèles, connues et inconnues, et comme beaucoup de personnalités publiques. Toutes les agences d’escortes d’Internet utilisent des photos de belles filles prises sur Internet. Le hasard fait qu’un jour ou l’autre, mes photos finissent par se retrouver quelque part de louche! Il y a beaucoup de faux profils qui portent mon nom sur les réseaux sociaux, des sites de rencontre, des agences d’escortes, des publicités de tout et n’importe quoi.
As-tu déjà eu peur pour ta sécurité, soit à la suite de messages en ligne ou en personne lors d’événements?
C’est assez rare. Mais si je sens que quelque chose pourrait peut-être dérailler, soit je mets fin à la conversation, soit je passe à la personne suivante dans la file ou je pars doucement. Je me fie beaucoup à mon instinct et je sais réagir à toutes sortes de situations. Les événements sont en général très sécurisés. Lors de mon passage en Uruguay, on avait posté un garde armé à côté de ma table. L’événement s’est déroulé sans incident.
Es-tu une cosplayer qui fait de l’érotisme ou le contraire?
J’ai toujours pris grand soin de garder les deux domaines bien séparés dans ma carrière. Je sais que plusieurs cosplayers font de la photo glamour pour être plus populaires et que des modèles glamour se sont mises à porter des costumes de cosplay pour profiter de la vague de popularité du mouvement geek et de la pop culture. Mais en ce qui me concerne, j’ai travaillé très fort pour être reconnue comme couturière et designer d’accessoires. Même si je présente des costumes souvent sexy, ils ont tous un aspect technique que j’essaie de mettre de l’avant. La photo glamour est une opportunité dont j’ai eu la chance de pouvoir profiter dans ma vie. Le cosplay a été une belle découverte qui m’a permis d’expérimenter de nouvelles techniques et de donner une visibilité internationale à mon travail de costumière. Mais d’abord et avant tout, je suis une couturière. C’est mon expertise véritable.