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Avec les Français qui font des orgies malgré la pandémie

Après avoir tenté leur chance sur Zoom, certains ont préféré revenir aux bonnes vieilles partouzes à l’ancienne.
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Image : Getty Images  

« La situation sanitaire ne peut pas réprimer l'envie de baiser », nous dit Robin* depuis Paris, où il organise régulièrement des soirées libertines. Avec un couvre-feu strict de 18 heures à 6 heures du matin, les boulevards bordés de marronniers de la capitale sont pratiquement vides ces jours-ci.

Malgré une pandémie qui continue de faire rage dans le monde entier, Robin et d'autres continuent à organiser des orgies et des fêtes échangistes pour lutter contre la soif de liens sociaux. À la fin du mois de janvier, la police a fait une descente dans une orgie de masse impliquant 100 personnes dans un entrepôt de la banlieue parisienne. 

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Dans le passé, le libertinage était associé à l'élite politique, sociale et intellectuelle française qui se réunissait dans les clubs ultra-sélectifs de Paris, comme Les Chandelles, dont le code vestimentaire strict a fait l'objet d'un article dans Vogue en 2015. Si des clubs comme Les Chandelles existent toujours, beaucoup des gens qui s'identifient comme libertins aujourd’hui ne sont pas nécessairement issus des hautes sphères de la société. Quelle que soit la sémantique du terme, ils s'accordent tous à dire que le libertinage n'est pas une activité, mais plutôt un mode de vie qui peut être à la fois libérateur et épuisant, et qui fait partie intégrante de leur identité sexuelle. 

« Les libertins se reconnaissent entre eux n'importe où. Le libertinage se situe quelque part entre l’orientation sexuelle et le style de vie, explique une personne que nous avons interrogée. C’est aussi une question de respect : le respect du corps et des désirs de vos partenaires, le respect de votre propre corps, et surtout le respect de la vie privée. »

Les orgies en temps de pandémie s'accompagnent toutefois d'une série de risques très particuliers, le premier étant évidemment celui de contracter le virus. Il serait sans doute impossible, ou du moins très difficile, d'organiser une orgie masquée et socialement distante. En novembre dernier, par exemple, 41 personnes ont été testées positives au Covid-19 après avoir participé à une convention échangiste à la Nouvelle Orléans. 

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Un couple d'une quarantaine d'années nous explique qu'il n'assiste qu'à des soirées privées où tout le monde a été préalablement testé, et seulement avec des personnes qu'il connaît, bien qu'il reconnaisse que le risque est toujours là.

Il y a aussi les restrictions du gouvernement concernant les rassemblements et les déplacements. Les personnes qui ne respectent pas le couvre-feu sont passibles d'une amende de 135 euros, celles qui l’enfreignent de manière répétée risquent une amende pouvant atteindre 3 750 euros, voire une peine de prison.

« En raison du couvre-feu, les gens prennent plus de précautions lorsqu'ils sortent, dit Robin. Déjà, ils font attention à ne pas être trop défoncés au cas où ils rencontrent les flics. Sinon, les choses n'ont pas trop changé. L’envie de sexe a pris le pas sur les restrictions sanitaires. Il y a une soif de rencontres. »

« Les gens vont et viennent, poursuit-il. Il peut y en avoir cinq dans la chambre et quatre dans le salon. Nous sommes responsables de nous-mêmes et des autres. Nous ne poussons à rien : si vous ne voulez pas être touché, vous pouvez vous installer, fumer des clopes et discuter. Ce n’est pas que de la baise en continu. »

Pour les habitués du monde vaste et parfois chaotique des clubs libertins, la pandémie a été une période d'expérimentation. Certains se sont tournés vers Internet, optant pour des rapports sexuels par webcam devant des spectateurs et/ou des fêtes échangistes virtuelles. Dans certains cas, c'était aussi l'occasion de nouer des liens plus intimes avec les personnes avec lesquelles ils couchaient.

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« Le fait d'être à la maison, dans un canapé confortable, nous a permis d’explorer notre bisexualité, mais aussi des activités qui nécessitent plus d'intimité, de temps et de patience, comme le pegging, dit un couple au milieu de la trentaine. Nous avons pu nouer une relation spéciale avec certaines personnes ; nous apprenons à connaître leurs fantasmes et développons une réelle complicité. Une discussion sur le sexe à la maison sera toujours plus honnête qu'une discussion au club avec de la musique forte. »

Ils savent que, dans le contexte d'une crise sanitaire mondiale, leur comportement sera remis en question. Réconcilier le besoin de satisfaction sociale, sexuelle et émotionnelle avec cette réalité peut être une lutte difficile pour certains. 

« Il nous arrive de culpabiliser, mais nous faisons de notre mieux pour essayer d'éviter le Covid, nous dit une personne qui fréquente régulièrement des orgies avec son partenaire. Et de toute façon, je suis sûr que les gens qui nous jugent ont aussi enfreint les règles d’une manière ou d’une autre. C'est tout à fait naturel. C’est hypocrite de dire le contraire. Certes, réunir 100 libertins dans un même endroit n’est pas forcément une bonne idée, mais qu'en est-il des milliers de ravers qui ont fait la fête pendant deux jours sans que personne ne les arrête ? » 

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Pour d’autres, la question ne se pose pas. « J'emmerde Macron, lance un autre libertin. Nous avons tous besoin de liens sociaux et de rencontres. Tout est fermé, nous sommes seuls et n’allons pas rester abstinents pour toujours. » 

Selon le Dr Justin Lehmiller, psychologue social à l'Institut Kinsey, le paradoxe du sexe en groupe est que, pour certains, il offre un antidote au vide d'intimité sociale et physique qui accompagne la pandémie.

« Je pense que le sexe en groupe permet à certaines personnes de combiner leurs besoins sexuels et leurs besoins de connexion sociale, dit-il. Il y a aussi le frisson d'enfreindre les règles, d'être potentiellement pris, qui amplifie l'excitation et le plaisir. » 

Bien sûr, il y a aussi des libertins qui ont décidé de ne pas participer aux rencontres en personne, ce qui est plus facile pour certains que pour d'autres. Un couple affirme que certains de ses amis sont même devenus dépressifs. Mais pour d'autres, la transition vers un mode de vie plus modéré sur le plan sexuel s'accompagne de ses propres plaisirs.

« Le changement n'a pas été si difficile, dit un couple. Disons que nous voyons désormais nos amis "horizontaux" dans un contexte "vertical". Mais l'échangisme attendra que nous puissions baiser en toute sécurité. C'est comme s’il fallait choisir entre une bouffe entre amis et un dîner aux chandelles en amoureux. Les deux sont sympas et ne s’excluent pas mutuellement. »

« Bien sûr, en tant qu'éducateur et chercheur dans le domaine du sexe, je me dois d'encourager les gens à être responsables, conclut Lehmiller. Je dois dire que le sexe le plus sûr que l'on puisse avoir est avec soi-même, mais bien sûr il est irréaliste de s'attendre à ce que les gens restent totalement célibataires pendant des mois ou des années. Si vous avez des relations sexuelles avec d'autres personnes, veillez à prendre des mesures de sécurité. » 

*Le nom a été modifié.

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