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J'ai essayé de devenir millionnaire en vendant des NFT

Conclusion : peut-être que je devrais apprendre à utiliser un logiciel 3D. Ou abandonner le dessin, pour toujours.
Hatti Rex
London, GB
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
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Photos : Tara Sadeghi 

Il y a quelques semaines, lorsque je suis tombée sur le terme NFT pour la première fois, j'ai pensé que cela avait un rapport avec la NFL ou la crypto-monnaie. Ayant la phobie du sport et une compréhension nulle de la « finance », je n'y ai pas prêté la moindre attention. Il se trouve que j'aurais dû faire un effort. Je m’intéresse beaucoup à l’art digital, et quand Grimes a vendu une collection de NFT pour 6 millions de dollars, le sujet est devenu incontournable sur les parties de l'internet où j'ai tendance à rôder.

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Ne voulant pas être à la traîne, j'ai demandé à mon colocataire de m'expliquer les bases. Voici ce que j'ai appris (soyez indulgents) :

Les crypto-monnaies fonctionnent grâce à la technologie blockchain. Une blockchain est une base de données qui stocke les informations dans des blocs qui sont « enchaînés » ensemble. La base de données est contrôlée par tous les utilisateurs, et non par des personnes ou des groupes spécifiques, et toutes les transactions effectuées depuis le système sont enregistrées de manière permanente avec une signature cryptographique, ou un « hash ».

Les non-fungible tokens, ou NFT, sont des jetons cryptographiques uniques basés (principalement) sur la blockchain de l’Ethereum, la deuxième plus grande crypto-monnaie après le Bitcoin. En gros, ce sont des morceaux de code immuable qui prouvent que vous possédez ce jpeg, ce GIF ou cette sex tape audio d'Azealia Banks.

Bien que vous ne puissiez pas les échanger, comme vous le feriez avec une crypto-monnaie, vous pouvez les revendre lorsqu’ils prennent de la valeur, de la même manière que vous vendriez une « malle vintage » sur Le Bon Coin. Bien entendu, vous pourriez tout aussi bien faire une capture d'écran du NFT, mais ce n'est pas la même chose que de savoir, au fond de vous, que vous êtes le véritable propriétaire de l'objet en question.

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« Jusque-là, l’art digital était un segment de niche du marché de l'art, mais parce que tant de gens sont scotchés à leur ordinateur pour des périodes indéterminées, sans la possibilité de voyager et de visiter des institutions culturelles, les NFT ont connu une grosse montée de popularité », explique Elena Zavelev du Crypto and Digital Art Fair (CADAF). Le bond soudain de la valeur de ces œuvres d'art habituellement oubliées a créé un buzz pour les NFT, d'autant plus que la technologie permet à l'artiste original de gagner une part chaque fois que l'œuvre est vendue. « L’année 2020 est devenue un point de pivotement, avec beaucoup de battage autour des crypto d'une part, et la prolifération de l'art digital chez les créateurs de l’autre », poursuit-elle.

Si Elena admet que ce qui se vend dépend entièrement des goûts des collectionneurs, un tour sur les marketplaces NFT comme Rarible, Foundation et SuperRare révèle que les plus performants ont tendance à être les animés et les images inspirées de la culture Internet. Des artistes que je suivais sur Instagram, notamment Serwah Attafuah, Kyt et Emma Stern, ont toutes récemment vendu leurs images de femmes en 3d pour des milliers de dollars. C'est exactement ce que l'on attend d'un marché de l'art dicté par une bande de geeks.

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« Les plateformes que tu as mentionnées, et bien d'autres, reposent sur un processus simple qui ne nécessite aucune compétence en codage, m’explique Elena. Puisque l'espace est si populaire en ce moment, il y a souvent de longues listes d'attente pour que les artistes puissent vendre leurs œuvres. »

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Parmi les plates-formes qui n'ont pas de liste d'attente, citons OpenSea, la « plus grande place de marché numérique au monde », qui abrite des collections tristement célèbres (dans le domaine des NFT, du moins) comme CrytoPunks et CryptoKitties. En tant que rédactrice impatiente et pressée par le temps, je me suis dit que ce serait ma meilleure chance de réussir en tant qu'artiste NFT.

Tout d'abord, j'ai dû investir dans l'Ethereum, la crypto-monnaie responsable du maintien de ce marché de l'art en blockchain. Heureusement, mon colocataire susmentionné avait une offre chez Coinbase, un portefeuille numérique où vous pouvez facilement acheter, vendre et stocker diverses formes de crypto. Une fois la monnaie achetée, j'ai dû la transférer sur Metamask et ajouter l'application à mon navigateur. Si vous suivez toujours, félicitations.

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Ensuite, j'ai dû trouver quel truc idiot de mon bureau je pouvais transformer en NFT. Partant du principe que les mèmes ont toujours du succès, j'ai opté pour un hommage à ce maudit « chat persan » que j'avais fait il y a quelque temps et qui a déjà fait plus de 7 millions de vues sur Giphy.


Comme je n'ai aucune expérience dans la réalisation de ce qui ressemble de près ou de loin à un paysage fantastique en 3D, je me suis dit que cette humble recréation d'un mème serait sûrement un moyen sûr de gagner de l'argent. Je l'espérais en tout cas, car on m'a facturé 0,066156ETH (environ 100 euros) de « gas fees » pour le processus.

Bien qu'il soit possible de laisser une œuvre sur la plateforme indéfiniment, pour qu'elle prenne la poussière jusqu'à ce qu'elle soit finalement vendue, la troisième période de confinement commençait à me peser. Comme j'avais envie d'une montée d'adrénaline digne d'eBay en mettant mon GIF aux enchères au plus offrant, j'ai fixé la limite de temps à trois jours et j'ai attendu. J’ai attendu encore et encore.

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Le deuxième jour, j'ai baissé mon prix de départ à l'équivalent de 28 euros. Même s'il se vendait, j'aurais vendu à 71 % de perte, alors j'ai de nouveau contacté Elena pour lui demander conseil. « Je pense que ce n'est pas le bon moment pour cette pièce, m'a-t-elle dit, gentiment. Il vaut mieux traiter tout cela comme on traiterait n'importe quel nouveau genre, vraiment, tout comme dans l'art traditionnel. »

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C'est alors qu'il est devenu évident que je ne savais pas vraiment ce que je faisais. Sans surprise, mon stupide petit GIF n'a pas obtenu la moindre offre.

Il semble que je ne sois pas la seule à subir ce sort ; même Beeple, un artiste qui a récemment vendu un NFT pour 50 millions de livres sterling, pense que le boom du crypto-art est une « bulle » et que vous risquez de perdre plus de temps que vous ne gagnerez d’argent (ce qui, bien sûr, est exactement mon cas). Et ce, avant même de considérer les autres inconvénients, comme l'impact environnemental massif des crypto-monnaies ou les vols de NFT.

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Néanmoins, si des collectionneurs d'avant-garde veulent acheter le dernier fragment de ma dignité, il est actuellement en vente sur OpenSea pour l'équivalent de 1,44 euro. C'est une bonne affaire, et c'est plutôt réussi.

En conclusion : la vente de NFT n'est clairement pas la voie vers l'argent facile que beaucoup prétendent. Peut-être que la prochaine fois, j'essaierai quelque chose de plus viable financièrement, comme le dropshipping. Ou peut-être que je devrais apprendre à utiliser un logiciel 3D… ou abandonner le dessin, pour toujours ?

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