Le Salon Parapsy s'est tenu du 13 au 17 février dernier du côté de la porte de Champerret. Comme son angle « arts divinatoires, forme et bien-être » et son affiche sur laquelle s'ébroue une femme à la poitrine convenablement floutée nous ont immédiatement séduits, VICE France a envoyé plusieurs de ses grands reporters sur place, dont votre obligé. Ma mission : dépenser 200 euros tirés du coffre de la boîte en babioles diverses pour améliorer mon quotidien. Après mon retour du salon vendredi dernier, une collègue nous a quitté pour le week-end en me souhaitant de revenir changé. J'ai une mauvaise nouvelle pas si surprenante : je suis toujours une larve. Ci-dessous, les tests des objets qui ont tenté de me rendre meilleur.
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Les mules de réflexologie plantaire
Les fraises de cosmonaute
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En bouche, les fraises sont d’abord parfaitement insipides, il faut les mâcher pour faire sortir le goût. Après, elles sont bonnes quoi qu’un peu sucrées. Difficile d’en manger plus de trois d’affilée quand on n’a pas huit ans. Je ne ressens aucun effet particulier, évidemment. J'ai posé le sac en papier marron bizarrement puant dans lequel elles trônent sur la table basse dans le salon mais mes colocataires d’ordinaire adeptes du vol de denrées alimentaires ne tapent pas dedans.
La bague anti-ronflements
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Quelques jours plus tard, j’enfile la bague avant de dormir. Au réveil, l’être humain qui a partagé ma couche dans l’obscurité m’annonce que j’ai ronflé au volume habituel mais avec des trémolos inédits. Apparemment, la bague ou le hasard m’a fait m’étouffer dans ma luette. La bague anti-ronflement a-t-elle échoué parce que je ne croyais pas en son pouvoir ? Ça n’a pas pu aider, c’est sûr. Tant pis, je me ferai opérer vers 50 ans quand ma femme menacera de me larguer si je continue à l’empêcher de dormir.
L’élixir lacto-fermenté
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Délesté de 24 euros, je dévisse le bouchon et constate que le goulot est équipé d’un disque de plastique percé d’un seul petit trou, genre lotion démaquillante. Tant pis, je m’envoie une grosse giclette du machin dans la bouche. Surprise, c’est vraiment comme du vinaigre et donc dégueulasse. Où est la grenade, la canneberge ? On dirait un mélange de vinaigre de vin et de vinaigre de cidre. Au cours des jours suivants, j’en mets quand même un peu partout : sur des œufs durs (dégueulasse), dans un grand verre d’eau comme recommandé par la notice (dégueulasse), comme ça (turbo-dégueulasse). Force est de reconnaître que je suis moins courbaturé que d’habitude les lendemains de salle de sport, mais quelque chose me dit que les poids légers de la reprise post-vacances d’hiver sont plus responsables que le vinaigre magique.
La pierre autocollante anti-ondes
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Il suffirait de coller la pierre au niveau de l’antenne de son téléphone pour équilibrer son biochamp et lui redonner le dessus sur les ondes du boîtier maléfique. Je vais être honnête avec vous, je n’ai même pas utilisé ce truc. Il ne m’inspire pas confiance dans son petit pochon. L’étiquette-notice ne mentionne aucun producteur, aucun lieu de fabrication, aucun label, pas la moindre information. Cette pierre venue de Dieu seul sait où est peut-être faite ou imbibée de merdes réellement dangereuses, contrairement aux ondes qu’elle entend combattre. Comme la quasi-totalité des produits du salon et les pamphlets antisémites de Céline, cette « plaque protectrice pour téléphone » ne convaincra que les convaincus.Le biochamp humain a nature électromagnétique. Les radiations des téléphones portables, opérant dans le champ des radio-fréquences, étouffent le biochamp d’un individu, et donc exercent une influence néfaste sur le corps. Plaque de shungite, utilisant l’énergie d’ondes d’un téléphone portable allumé, augmente la tension du biochamp jusqu’à ses valeurs normales. Elle compense les effets néfastes des ondes radio de téléphone mobile.
Le quartz rutile et l’ouvrage consacré
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Force est de reconnaître que la pierre est jolie et que le livre a été conçu avec un soin particulier : il est riche en contenu, bien mis en page, agrémenté de nombreux dessins explicatifs. L’auteur introduit son travail en tentant de se distancer de l’image charlatanoïde du secteur : les informations contenues dans son livre ne remplacent pas les traitements médicaux, allez chez le médecin si vous avez un problème, les pierres peuvent aider à « guérir votre corps, si celui-ci doit guérir »… Voilà un disclaimer parmi les disclaimers. Une phrase est particulièrement révélatrice : « Je tiens à vous rappeler, avant de continuer, que tout ce que je vais expliquer tient de la philosophie et de l’étude du comportement, et non de la physique scientifique. » Après ça, forcément, c’est roue libre.« Aller au cœur du quartz rutile permet d’en rapporter la splendeur et la force qui émane de ses filaments », assure la double-page consacrée à mon minéral élu. Sa « souche énergétique » : « Lignée Richesse, Souche 07, Effort surhumain. » Il aide à entreprendre de grandes passions. Il renforce l’indépendance. Il aide à développer le ressenti aurique. J’ai beau tenir la pierre et me concentrer dessus comme recommandé par la gentille dame, je ne sens rien de spécial. Mais une fois de plus, je n’ai pas envie de croire que le quartz rutile et sa manipulation peuvent quoi que ce soit pour moi. Peut-être qu’ils soulagent l’arthrite de grande-tante Jeanne, ce qui est formidable. Mais pour ma part, j’ai hâte de lâcher le caillou chaque fois que je médite dessus. Je le ressortirai peut-être quand j’aurai peur de mourir à cause de mon cancer.
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