Culture

Le top 10 des meilleurs films censurés

La réalisatrice Prano Bailey-Bond nous parle de ses films comico-gore préférés et de la façon dont ils ont influencé son nouveau film d’horreur « Censor ».
PranoBailey-Bond
Photo : Mark Chapman 

Dans les années 1980, l'essor des cassettes VHS a entraîné la circulation de films bannis en Europe, dont beaucoup contenaient des contenus extrêmes. En réponse au malaise croissant suscité par l'influence de ces films violents, également connus sous le nom de video nasties, leur possession et leur distribution ont été interdites. C'est dans ce contexte anxieux que se déroule Censor, le premier long-métrage de la réalisatrice galloise Prano Bailey-Bond.

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Censor suit une jeune femme appelée Enid qui, alors qu'elle travaille comme censeuse cinéma, découvre dans un film quelque chose de désagréable qui suggère un lien avec la disparition de sa sœur. Stylé, troublant et placé dans le contexte de la Grande-Bretagne conservatrice, le film de Bailey-Bond explore la panique morale qui entoure la pop culture, tout en s'inspirant du cinéma de genre vilipendé de l'époque.

Allant du navet décomplexé à la provocation arty, cette liste de films est aussi vaste que chaotique, à l’image des attitudes effarouchées et réactionnaires qui ont conduit à leur censure.

10 : « Frères de sang » (1982, Frank Henenlotter)

PB-B : Il a été banni des vidéoclubs mais ne fait pas officiellement partie de la catégorie des videos nasties, sinon il figurerait plus haut dans ma liste. J’aime tellement ce film. Il est parfait pour une séance de minuit au cinéma avec un groupe d’amis, parce qu’il est vraiment drôle et assez dingue. Ce que j’aime le plus, ce sont les figurants. Chaque personnage, même s’il ne fait qu’une brève apparition dans une scène, est complexe et identifiable. J’aimerais savoir d’où viennent ces acteurs, parce qu’ils semblent tous jouer leur propre rôle.

9 : « Nightmare » (1981, Romano Scavolini)

PB-B : On y trouve ma scène de décapitation préférée, que j’ai utilisée dans le générique d'ouverture de Censor. C'est dingue, complètement dingue. Je ne sais plus si c’est Romano Scavolini qui a dit que Tom Savini avait réalisé les effets spéciaux, mais Tom Savini a toujours nié. Je trouve ça drôle que quelqu’un essaie de faire croire que quelqu’un a bossé sur un film alors que ce n’est pas le cas. D’ailleurs, le distributeur de Nightmare a été condamné à 18 mois de prison parce qu'il a refusé de couper ne serait-ce qu'une seconde du film. Pouvez-vous imaginer qu'un distributeur aille en prison de nos jours pour avoir sorti un film ?

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8 : « Orgie sanglante » (1963, Herschell Gordon Lewis)

PB-B : Il a été réalisé par Herschell Gordon Lewis, qui est considéré comme le père du gore. Quand je regardais des video nasties dans le cadre de mes recherches pour Censor, je me rappelle avoir noté certains dialogues tant ils étaient drôles et stupides, du genre : « Espérons que le dîner de ce soir nous fera oublier tous ces terribles meurtres. » Des trucs comme ça qui me font beaucoup rire. Je pense que ce qui a posé problème au British Board of Film Classification (BBFC) avec ce film, c’est la glorification d'images de femmes mortes. C’est sujet à débat, mais au-delà de ça, je trouve ce film magnifique et je le recommande souvent aux gens. 

7 : « California Axe Massacre »  (1974, Frederick R. Friedel)

PB-B : Ce film a été interdit et a fait l'objet de poursuites, mais je pense que c’était vraiment à cause de son titre. Il est assez lent et ne dure que 68 ou 70 minutes. Il a eu des critiques hyper mauvaises à sa sortie. Il a été tourné avec un budget d'à peine 20 000 dollars et une équipe très réduite. Il s'agit essentiellement d'un film de vengeance sur le viol, mais il est très calme. Encore une fois, c'est une surprise qu'il figure dans la liste des films bannis, et je pense qu’il aurait pu être complètement oublié s'il n'y avait pas figuré.

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6 : « L’Au-delà » (1981, Lucio Fulci)

PB-B : Lucio Fulci est une énorme source d’inspiration pour moi. Je crois que L’Au-delà est un film que j’ai montré à la plupart des membres de mon équipe. C'est l'une des fins les plus cauchemardesques qui soient et je l'adore pour cette raison. J'ai toujours admiré l'univers visuel de Lucio Fulci, et je me suis également référée à certains passages de L'au-delà pour les rêves [dans Censor] – des séquences vraiment magnifiques, colorées de rose et de violet.

5 : « The Thing » (1982, John Carpenter)

PB-B : J'oublie toujours que celui-ci a été interdit. Je suis étonnée que les gens ne l'aient pas aimé à sa sortie, car c'est un film incroyable et, encore une fois, très drôle. Je ne sais pas quoi dire sur The Thing, à part que je l'adore.

4 : « Evil Dead » (1981, Sam Raimi)

PB-B : Ce n'était pas tellement une influence pour Censor, mais ça l'a certainement été pour moi en tant que cinéaste. J’ai grandi en regardant Evil Dead en boucle et, lorsque j’étais étudiante en arts du spectacle à l'université, ma performance scénique finale était inspirée d’Evil Dead et de La Compagnie des loups. Ça s’appelait « Tue-la si tu peux, joli cœur », qui est une réplique d’Evil Dead. C’était sans doute une performance très mauvaise, mais ce film m’avait époustouflée à l’adolescence. C’est une comédie horrifique comme Sam Raimi sait si bien les faire. Jusqu’en enfer m’a également marquée.

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Quand je faisais mes recherches pour Censor, j’ai passé beaucoup de temps à éplucher les archives du BBFC et j’ai eu la chance de tomber sur le dossier d’Evil Dead. C’était vraiment intéressant parce que le film a été réévalué au bout de quelques années. L’un des examinateurs avait initialement jugé que le film était « inapproprié et susceptible de dépraver et corrompre les esprits ». Après l’avoir visionné une nouvelle fois, il a écrit : « Je n’arrive pas à croire que nous avons réagi à ce film de cette façon » et « nous avons dû être influencés par l’atmosphère de l’époque, parce qu'il y avait tellement de choses dans la presse, tellement d'hystérie autour du genre… » Il était donc intéressant de voir que les opinions sur ce type de films changeaient très rapidement. Puis, quand j’ai réalisé mon court-métrage Nasty en 2016-2017, il a été projeté avec Evil Dead en Allemagne – et ce fut la toute première projection légale d’Evil Dead en Allemagne, car il avait été interdit jusque-là.

3 : « Suspiria » (1977, Dario Argento)

PB-B : C’est le chef-d’œuvre d’Argento. J’adore le fait que Suspiria lui ait été inspiré des films Disney. Les couleurs, le son et la vision de ce film sont immenses. Il y a quelques années, lorsqu'il a été restauré, je l’ai vu lors d’une séance en compagnie du réalisateur. C’était une expérience incroyable de le voir sur grand écran. J'ai vraiment étudié la couleur en relation avec les séquences de rêve d'Enid. Le film s’ouvre sur une sorte de Grande-Bretagne des années 80, grise, bleue et morne. C'est lorsque nous commençons à entrer dans les rêves que nous introduisons du rose et du violet, qui sont ensuite réintégrés dans le monde réel d'Enid. Je me suis beaucoup inspirée de l'œuvre d'Argento, et en particulier de Suspiria, pour ces références de couleurs, et j'en ai également parlé à mon directeur de la photographie.

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2 : « The Witch Who Came From the Sea » (1976, Matt Cimber)

PB-B : Je suis déçue parce que j'ai vu ce film après avoir tourné Censor. J'aurais aimé le connaître avant, notamment parce qu’il traite de la violence sexuelle. C’est l’histoire d’une femme qui, traumatisée par un père incestueux, se lance dans une folie meurtrière. Il y a un aspect flou et onirique dans ce film, ainsi qu’un personnage central très intéressant qui se replonge dans ses souvenirs et son passé. Et Dean Cundey, qui a été directeur photo sur des films comme Jurassic Park et La mort vous va si bien, a également bossé en tant que photographe associé sur ce film. Ce qui est intéressant, car il est classé dans la liste des films de série B de qualité médiocre, alors qu'en fait, c'est un peu un chef-d'œuvre. Ou du moins, c'est une perle que peu de gens connaissent.

1 : « Massacre à la tronçonneuse » (1974, Tobe Hooper)

PB-B: Pour moi, il s’agit de l'une des expériences cinématographiques les plus crues et les plus intenses. Marilyn Burns a été traumatisée par le tournage et, à la fin, on voit que sa peur est en quelque sorte réelle. On raconte qu'elle était tellement désemparée qu'elle a dû revenir et tourner d'autres scènes parce que l’expérience a été vraiment horrible.

Dans Massacre à la tronçonneuse, toutes les courses dans les bois sont filmées sur les mêmes quelques mètres ; ils ont simplement installé une piste et ont couru en avant et en arrière. C'était une démarche assez intéressante, car il est difficile de tourner dans la forêt. Nous ne l’avons pas reproduite pour Censor, mais nous nous en sommes inspirés.

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Bonus :

 « Frozen Scream » (1980, Renee Harmon)

PB-B : Il y a un passage de ce film dans Censor. Je l’ai vu au moins six fois, mais disons que de tous les films que j’adore, c’est de loin le pire. Il est incroyablement mauvais, et c’est pour ça qu’il est marrant à regarder.

« Cannibal Holocaust » (1980, Ruggero Deodato)

PB-B: C'est un film vraiment incroyable et il y a tellement de choses intéressantes à dire à son sujet, mais je ne l'ai pas retenu dans ma liste car je ne supporte pas la cruauté animale. Ce n'est même pas seulement de la cruauté, mais des massacres d’animaux qui ont donné lieu à un procès.

D'ailleurs, les juges ont pensé que c'était un snuff movie parce que le réalisateur avait fait signer aux acteurs des contrats stipulant qu'ils ne pourraient plus apparaître dans quoi que ce soit d’autre pendant un certain temps après la sortie du film, car il voulait que le public pense qu’ils étaient réellement morts. C'est pourquoi il a fait appel à des inconnus : il voulait faire croire qu'il s'agissait d’un found footage. Les acteurs ont dû venir au tribunal pour montrer qu’ils étaient bien vivants et que c'était juste de la comédie, ce qui, je pense, est une idée de film en soi.

Le BBFC m’a dit récemment qu'il y avait une scène où une sorte de rongeur était poignardé qui a été coupée au montage et qui se trouve dans très peu de versions du film. Ils ont dit que c'était l'une des pires choses qu'ils aient vues. J'ai pourtant l'impression de l'avoir vue, mais je ne sais pas si je l'ai juste imaginée…

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