Bassora sous une chaleur écrasante. Photo : Hussein Faleh/AFP via Getty Images
En été, les températures y sont insupportables, dépassant souvent 50 °C et faisant de Bassora l’une des villes les plus chaudes de la planète. Sous ce soleil implacable, les journées sur les chantiers sont épuisantes. « Alors, avec deux de mes amis, j’ai acheté un sachet et on a essayé aussi », raconte-t-il.Il y a dix ans, le crystal meth n’était pas encore un problème en Irak. Si la drogue transitait par Bassora, c’était dans le cadre d’une route commerciale illégale depuis l’Iran, où elle était fabriquée pour être vendue en Arabie saoudite, au Koweït et dans le golfe Persique.« Il nous faudrait un ministère entier pour s’occuper des problèmes liés à la drogue. Un département au sein des forces de police ne suffit pas »
La meth transite par Bassora en provenance de l'Iran avant de se répandre dans le golfe Persique
Ayant peu d’expérience en matière de stupéfiants, la méthamphétamine et les autres drogues constituent un vrai défi pour les autorités irakiennes. On assiste donc à un nouveau conflit entre l’État irakien et les trafiquants de drogue, ces derniers ayant des liens avec un vaste réseau de milices soutenues par l’Iran, elles-mêmes soutenues par de puissantes tribus qui se disputent le territoire et les routes de contrebande dans les zones frontalières.« Il y a énormément d’argent en jeu dans cette affaire, et tout le monde y est mouillé. »
Les habitants, fiers de la grandeur passée de leur ville, s’insurgent aujourd’hui contre la corruption chronique et le fanatisme religieux qui étouffent désormais la vie quotidienne.Cette ambiance pesante a poussé certaines personnes vers l’engrenage de la toxicomanie. Le crystal meth, principalement consommé par des jeunes coincés dans la pauvreté, et la montée en puissance de sa consommation ont confronté la ville, déjà en prise à de fort troubles, à ses propres limites.Et cela impacte négativement des habitants issus de tous horizons, comme Abbas, le propriétaire d’un magasin d’électronique. Les consommateurs fabriquent des pipes en dévissant la tête des ampoules électriques pour y attacher une paille. « L’autre jour, un type est venu quémander un paquet d’ampoules et s’est énervé quand je lui ai dit non », nous a raconté Abbas en choisissant de ne nous donner que son prénom.« Parfois, les consommateurs de méthamphétamine cassent les feux arrière des voitures ou des motos pour en retirer l’ampoule afin d’en faire une pipe »
Uday Hussein en 2000. Photo : AFP via Getty Images
Il n’existe pourtant aucune estimation fiable de la quantité réelle de drogue circulant actuellement sur le marché. Et ce malgré le fait que les responsables irakiens ont déclaré avoir arrêté plus de 20 000 personnes pour consommation et trafic de drogue au cours des deux dernières années, tout en saisissant des centaines de kilos de méthamphétamine et des millions de pilules. Les habitants eux-mêmes doutent de l’efficacité de cette branche récente des forces irakiennes à lutter contre les gangs de trafiquants.« La frontière est notre principal problème, mais le gouvernement ne peut pas faire grand-chose. Au bout du compte, ce sont les groupes armés qui ont le dernier mot. Personne n’est prêt à risquer sa vie pour lutter contre des milices armées », a déclaré un agent des douanes irakiennes connaissant bien les itinéraires de contrebande à la frontière entre l’Iran et l’Irak. Il se confie sous couvert d’anonymat, car il n’était pas autorisé à parler aux médias.« La frontière est notre principal problème, mais le gouvernement ne peut pas faire grand-chose. Au bout du compte, ce sont les groupes armés qui ont le dernier mot. »
Photo : Mohammed Rasool
Ces dernières années, les autorités ont pris des mesures sévères contre l'alcool. Photo : Essam Al-Sudani/AFP via Getty Images
« Il y a quelque chose de pas normal à l’intérieur de cette canette. Ce n’est pas du whisky », explique un habitant de Karrar en buvant une bière fraîche. Lui aussi a refusé de donner son nom.« La vie est dure pour les enfants qui grandissent par ici. Les choses changent très vite, et il est plus que probable que ce qui nous attend soit encore pire. »
La situation portuaire de Bassora est idéale pour la contrebande de meth. Photo : Haidar Mohammed ALI/AFP via Getty Images
Le sectarisme chiite est devenu une partie importante de la vie à Bassora. Photo : Hussein Faleh/AFP via Getty Images
« Dix consommateurs de drogue sur dix sont menacés de torture et d’aveux forcés lorsqu’ils sont arrêtés, ce qui est, malheureusement, le moyen le plus facile pour les policiers d’obtenir plus d’informations sur les réseaux de distribution et de capturer des cibles plus importantes », dit Hassan. « Les soins médicaux et les centres de désintoxication sont les solutions au problème de la méthamphétamine. Cependant, le manque d’expérience du système irakien face à ce type de crise fait que les prisons sont surpeuplées et que des personnes innocentes et vulnérables se retrouvent condamnées à de longues peines sur base d’aveux forcés. » « L’autre problème, c’est que dans notre société, les gens ignorent que les avocats peuvent leur venir en aide. Les officiers persuadent les suspects que nous ne servons à rien et que coopérer avec la police est leur seule porte de sortie », a ajouté Abdulrazzaq.« Les prisons sont surpeuplées et des personnes innocentes et vulnérables se retrouvent condamnées à de longues peines sur base d’aveux forcés. »
Photo : Mohammed Rasool
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