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Baccalauréat 2017

Les pires trucs qui nous sont arrivés au bac

Papier toilette coincé dans les lunettes, bastons et danse macabre : on vous dit tout sur ce qu’on a dû affronter pour enfin nous tirer de chez nos parents.
Photo via l'utilisateur Flickr Prentsa Aldundia

Jeudi 15 juin, 6 h 45. Vous n'avez pas dormi de la nuit, puisque vous avez préféré passer vos précieuses heures de sommeil à écouter une émission dédiée au baccalauréat sur Skyrock, animée par la version jeune d'un Difool cryogénisé il y a de ça vingt ans. Vos parents vous attendent de pied ferme dans la cuisine pour prendre le petit-déjeuner, et les premiers mots qui sortent de leur bouche sont : « Alors, la forme ? ». L'idée d'un parricide vous traverse brièvement l'esprit. Une fois devant la grille du lycée, vous enchaînez les cigarettes tout en relisant des fiches Bristol vaguement surlignées, avant de mesurer l'étendue du bourbier dans lequel vous vous êtes enlisé. Vous rejoignez votre salle aseptisée où tout le monde semble s'être accordé à porter du gris. Alors que vous consultez votre sujet d'examen, votre voisin commence à convulser avant de marmonner « Je me sens pas bien » tout en plaquant sa main devant sa bouche. Il est déjà trop tard.

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Le bac est un triangle des Bermudes où se déroulent des choses que l'on ne voit habituellement que dans les séries Netflix. N'espérez pas passer une semaine d'épreuves sans encombres. Votre état de stress avancé vous poussera sans doute à faire des choses totalement absurdes. Pour vous rassurer tant bien que mal, on a fait le tour de notre bureau pour vous balancer les pires trucs qui nous étaient arrivés pendant le bac.

« Mon souvenir le plus marquant du bac, c'est probablement l'épreuve de musique. Oui, il existe des gens qui prennent l'option musique au bac, en pensant qu'il suffira de donner la date de naissance de Mozart après avoir joué "Au clair de la lune" sur un xylophone en plastique. Pas du tout.

L'humiliation a été immédiate. Les examinateurs ont commencé à me poser des questions sur une œuvre au programme, le Plein du vide de Xu Yi, après m'avoir fait écouter un extrait musical qui ressemblait plus ou moins à de l'ASMR bricolé avec une machine à laver et un vibreur de 3310. Je ne m'y connaissais ni en plein, ni en vide, ni en musique contemporaine chinoise, alors j'ai commencé à transpirer. Il faisait 35 °C. Une examinatrice m'a fait remarquer que la compositrice n'était pas chinoise, mais française. J'ai transpiré un peu plus. J'ai raconté n'importe quoi sur les énergies et le taoïsme en visualisant des trucs qui vibrent, avec une petite punchline sur le yin et le yang à la fin pour montrer que, eh !, je m'y connaissais un peu en New Age quand même.

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Après ça, il a fallu montrer mon talent interprétatif à la flûte. Mon instrument avait été tellement bien entretenu pendant toutes ces années que le métal ne brillait plus du tout et qu'il y avait du moisi sous les clés. Pendant que les types levaient les sourcils assez hauts pour se faire un claquage, j'ai lâché des séries de sons abominables en crachotant dans l'embouchure, glissant sur les clés à cause de la transpiration. On m'a fait recommencer trois fois, sans doute pour me faire payer la maltraitance de ma flûte, jusqu'à ce que je ne sois plus qu'un immense bain de fluides. C'était enfin terminé. Je me suis approchée d'un examinateur, triomphante, pour récupérer ma carte d'identité. Ma flûte s'est inclinée de 40° au-dessus de sa tête. Il a reçu environ 50 ml de salive, en plein sur les lunettes. Bavante, transpirante et désormais chouinante, j'ai tourné les talons. J'ai pensé à la mort pendant trois jours, mais j'ai eu mon bac. » – Marie, rédactrice en chef de Motherboard « Lors de mon oral du bac de français, je suis arrivé légèrement en retard et me suis rendu compte que mes lunettes étaient dégueulasses. Je suis passé aux toilettes pour les essuyer avec du PQ, avant de revenir en vitesse à mon épreuve, de m'installer à ma table et de tomber sur Madame Bovary. J'ai sorti un argumentaire béton de la manière la plus naturelle possible, devant un examinateur étrangement hilare. Même si je ne comprenais pas vraiment son air amusé, j'en ai profité pour imiter Flaubert lorsqu'il beuglait ses phrases dans sa cave afin d'en vérifier la tonalité et la richesse acoustique. J'étais plutôt content de moi, tandis que l'examinateur semblait aussi enjoué qu'amusé – mais toujours avec ce petit air espiègle déconcertant. Quand je suis sorti de la salle, tout le monde s'est foutu de ma gueule, jusqu'à ce qu'une bonne âme me signale que j'avais un petit morceau de PQ rose coincé dans l'articulation de la branche de mes lunettes. J'ai eu 17. » – Bertrand, Head of AdOperations

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« C'était pendant l'une de mes épreuves d'EPS. Désireux de ne pas gâcher mon 19 en handball et mon héroïque 16 en acrosport, décroché après quatre roulades arrière parfaites, je me suis entraîné pendant un mois pour être certain d'avoir la meilleure note possible en athlétisme. Le jour J, j'étais fin prêt. Alors que je sortais d'un cours de maths et que je me dirigeais vers le stade qui allait devenir le théâtre de mes exploits sportifs, j'ai croisé un pote qui m'a solennellement déclaré "Paul, c'était ce matin l'épreuve, tu as eu 0", tout en me tapotant l'épaule. J'ai eu l'impression de me prendre un coup de pelle derrière la tête, suivi d'un passage à tabac orchestré par l'intégralité de mes professeurs. Effectivement, je m'étais trompé d'heure et tous mes efforts n'ont servi à rien. J'ai quand même eu mon bac. » – Paul, journaliste

« C'était pendant mon oral de grec ancien. On était deux dans la même salle, un qui passait tandis que l'autre préparait son texte. Le mec qui me précédait était évalué sur Œdipe et n'avait visiblement rien foutu de l'année : il ne connaissait pas l'histoire, était incapable de lire trois mots en grec ou de citer le moindre auteur. Bref. L'examinatrice, visiblement lasse, lui demande de simplement résumer l'histoire d'Œdipe du mieux qu'il peut. Le gars lui répond « Bah… j'sais pas. C'est super connu, c'est une grande histoire. Œdipe, il pète sa mère. Dans tous les sens du terme. » Côté négatif : j'ai mis cinq minutes à arrêter de ricaner dans mon coin. Côté positif : quand tu enchaînes après ça, tu sais que ça ne peut que bien se passer pour toi. » – Orane, stagiaire éditoriale

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« Comme 99 % des fils de profs, j'ai dû m'inscrire à toutes sortes d'options choisies par mes parents au lycée – histoire de m'extraire de la fange et de rattraper le reste de mes notes. J'ai donc passé un bac ES option européenne anglais, alors que je parlais déjà anglais couramment.

L'oral du bac se déroulait dans ce septième cercle des enfers qu'est la maison des examens d'Arcueil. Convoqué quatre par quatre à attendre dans une sorte de sas avant de pouvoir enfin disserter sur les aspects les plus britanniques de diverses guerres, j'ai patienté la boule au ventre, flanqué de trois inconnus. Sans que je ne comprenne trop pourquoi, l'un d'eux s'est subitement mis à cracher au visage d'un autre, puis ils se sont copieusement insultés avec un anglais aussi fleuri que celui des frères Gallagher. Des coups ont été échangés pendant que je me terrais dans un coin, avant que des enseignants ne viennent les séparer. J'ai dû attendre la fin de la journée pour savoir si j'allais pouvoir passer l'épreuve ou recevoir un blâme – synonyme de redoublement. Je l'ai finalement passé le soir, en dernier. J'ai eu mon bac, mais pas la mention européenne alors que je parlais déjà anglais couramment. » – Pierre, rédacteur en chef de Creators

« Je suis une piètre danseuse, et ce n'est malheureusement pas de la fausse modestie. Mais cette tragique absence de grâce – que j'ai choisi d'imputer lâchement à une sombre forme d'amusie congénitale appelée « surdité rythmique » – ne m'a pas empêchée d'affronter mes démons en Seconde, lors des cours d'APEX qu'on nous a obligés à suivre en EPS. Pour l'occasion, mes camarades et moi avons inventé une chorégraphie sur la bande originale de Requiem for a Dream, où chacun de nous devait faire semblant de tuer une autre personne à grand renfort de gestes grandiloquents. Après avoir feint d'étrangler ma pote Stéphanie avec un foulard rouge, je me suis appliquée à mimer ma propre mort par électrocution (mon amie Carole ayant accepté d'endosser le rôle un peu bâtard de chaise électrique). On a eu 17, et 15 l'année suivante en reprenant la même routine sans le moindre scrupule.

Bien entendu, rien ne s'est passé comme prévu à l'épreuve du bac de Terminale, où j'avais choisi de refaire exactement la même chose. Le CD de Clint Mansell était rayé, tout le monde a paniqué et on a fini par reprendre seulement la moitié de la chorégraphie et improviser autant que faire se peut pour le reste, tandis que notre camarade de classe Quentin jouait un vague air de flamenco sur sa guitare acoustique. Voilà comment je suis morte, trois années de suite, sur un tatami bleu du gymnase Joachim du Bellay. » – Julie Le Baron, rédactrice en chef VICE

« En Terminale, mon oral d'histoire-géographie a bien évidemment été fixé à une heure indécente – à savoir 8 heures du matin. Parce qu'un malheur n'arrive jamais seul, je me suis retrouvée à attendre ma sentence en compagnie de mon ancienne meilleure amie, avec qui je m'étais embrouillée suite à une sombre histoire impliquant mes prétendus troubles de l'attention. Dans un état de stress profond, j'ai attendu l'examinateur pendant une bonne trentaine de minutes, persuadée que je m'étais plantée d'horaire ou de salle. Finalement, un pion est venu nous informer que l'examinateur avait eu un accident de voiture et que notre oral était reporté. Deux jours, plus tard, même salle, même heure, j'ai une nouvelle fois attendu mon examinateur – qui, selon la feuille A4 attachée à la porte de la salle de classe, répondait au doux nom de Monsieur Sida. Diverses images fantasques m'ont traversé l'esprit : un type à la calvitie naissante dont les rares cheveux étaient mystérieusement gras, avec une dent de devant en moins, une odeur âcre et un regard lubrique – parce qu'il est de notoriété publique que tous les profs d'histoire-géo sont un brin pervers. Quand le moment fatidique est arrivé, je suis entrée dans la salle avant d'être accueillie par un éphèbe âgé d'une trentaine d'années, ce qui m'a naturellement fait perdre tous mes moyens – j'ai donc balbutié l'intégralité de ce que je connaissais sur les enjeux énergétiques moyen-orientaux. Monsieur Sida m'a quand même mis 18. » Inès Khaldi, stagiaire éditoriale

« L'année où j'ai passé le bac, le sujet en philo c'était "Qu'est-ce que l'audace ?", et au moment où j'écrivais "C'est ça" sur ma copie pour avoir 20, mon collègue Bertrand – qui passait le bac la même année – est entré dans la salle, les yeux révulsés et un morceau de PQ collé aux lunettes, et m'a expliqué que non, l'audace c'était de réussir une campagne transmédia disruptive et engageante avec kpi THROUGH THE FUCKING ROOF en partner content et reach optimisé à destination des millennials, alors j'ai tout effacé et corrigé ma copie et au final j'ai eu 4 mais aujourd'hui je suis ma propre borne WiFi et j'ai monté ma start-up de conseil aux livreurs Deliveroo donc je crois qu'on peut dire que Bourdieu peut sucer ça. » – Sébastien, directeur des rédactions