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Comment boire et manger en terrasse sans passer pour un gros lourd

« Ce qui m’emmerde le plus, c’est quand les gens se comportent comme si c’était leur plage privée. »
Photo by Iris Bouwmeester

On n'est pas bien là ? Il fait grosso modo la température adéquate pour aller prendre l'apéro dehors. C'est-à-dire, qu'il y a du soleil mais qu'il ne fait pas 34°. Et dès que l'on atteint cette période bénie de l'année, il y a de fortes chances pour qu'il n'y ait plus une seule place assise en terrasse, que les rues soient peuplées de mecs avec des shorts à carreaux et que vous soyez sur le point de dévaliser l'épicier en canettes.

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Figurez-vous que dans de nombreux pays d'Europe, c'est à peu près la même chose. Comme au Pays-Bas, par exemple, où les gens vont poser leurs fesses collantes en terrasse. Ce qui est cool pour les propriétaires des bars – « youpi de l'argent » – ne l'est pas forcément pour les staffs de serveurs et de serveuses.

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Alors bien sûr, il y a une ligne de conduite édictée par la politesse qui fait qu'on appelle jamais un serveur en le sifflant ou en claquant des doigts. On ne lui tire pas non plus la manche pour tenter de commander un Monaco. Pourtant, que le soleil soit ou non à son zénith, la terrasse a un effet étrange sur les clients – probablement aveuglés par leurs envies d'alcool et les vibrations estivales. Elle fait invariablement ressortir leur côté trou du cul.

Il y a plein de choses qui font que les serveurs sont à deux doigts de balancer des fléchettes à la tête des clients. Je leur ai demandé de me raconter leurs pires expériences.

Raoul, employé du Nel à Amsterdam
Il y a deux ans, une guêpe se baladait sur notre terrasse et volait notamment autour d'une table où je venais de servir une tournée de pintes à trois mecs. J'avais envie de la chasser. Dans mon geste, j'heurtais accidentellement le verre d'un des clients qui finissait sur ses genoux. Même s'il n'y avait quasiment plus une goutte de bière à l'intérieur, un truc chelou est arrivé : il s'est levé et m'a collé une beigne. Je suis resté bouche bée, sous le choc, pendant environ trois secondes avant de lui demander ; « Monsieur, qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? » Il est devenu encore plus timbré et la terrasse entière matait la scène.

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Mes collègues m'ont emmené à l'intérieur, loin du mec en question. Lui s'est rassis et a commandé une autre bière. Ses deux amis paraissaient complètement choqués. Ils l'ont même engueulé avant de s'excuser auprès de mes collègues. Mais le mec qui m'a giflé n'a toujours rien compris. Un de mes collègues l'a entendu dire à ses potes qu'il ne comprenait vraiment pas ce qu'il avait fait de mal. Quand je suis ressorti bosser, la terrasse entière m'a applaudi.

La terrasse

Ema, ancienne employée de 'Skek à Amsterdam
Ce qui m'emmerde le plus, c'est quand les gens traitent la terrasse comme si c'était leur plage privée. Ils viennent en maillot de bain, avec leur propre serviette et passe la musique qu'ils veulent. Il y avait un groupe de Scandinaves en terrasse qui faisait une sorte de voyage à Amsterdam en mode « crise de la quarantaine ». Ils étaient une dizaine et ils ont commencé à passer du rock à la AC/DC sur la terrasse avec leurs petites enceintes.

Je leur ai gentiment demandé d'éteindre le son. Ils se sont excusés. Mais au lieu d'éteindre totalement la musique, ils ont simplement baissé le volume. La table à côté d'eux avait ses propres enceintes et a décidé de les faire chier en commençant une sorte de battle en passant des hits allemands tellement nuls qu'on avait les oreilles qui saignaient. À la fin, les Scandinaves ont compris le message et sont partis.

J'ai arrêté de compter le nombre de fois où j'ai vu des ados bourrés voler des nachos froids ou à moitié mangé, sur la table de clients qui viennent de partir

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Anastasia, ancienne employée de Rose's Cantina à Amsterdam
J'ai l'impression que l'alcool et la chaleur rendent les gens complètement barj'. Avec le soleil, il y a pas mal d'adolescents qui viennent boire des cocktails, parfois pour la première fois, et du coup ils lâchent les chiens après seulement une margarita. On sert pas mal de nachos aussi, et j'ai arrêté de compter le nombre de fois où j'ai vu des ados bourrés voler des nachos froids ou à moitié mangé, sur la table de clients qui viennent de partir. Une fois, une nana a même chopé un bol de guacamole sur une table et a commencé à le finir avec les doigts. Mon manager a vu la scène et, considérant que le groupe était aussi en train d'essayer de battre une sorte de record-du-monde-de-vitesse-de-consommation-de-cocktail, il m'a fallu virer tout ce petit monde.

Et je n'ai même pas encore mentionné les gens sans t-shirts. Je suis pour l'hospitalité, mais personne ne devrait se sentir ici chez soi au point d'enlever ses fringues. Une autre fois, je suis passée devant les toilettes des mecs et j'ai vu un client laver son ventre tout suant et ses aisselles avec de l'eau et du savon pour les mains. Niveau hygiène, c'est OK. Pour le reste, bof.

Souvenez-vous que la chaise sur laquelle vous avez posé votre cul moite est à nous. Pour toujours.

Mais ce qui m'emmerde vraiment beaucoup, ce sont les gens qui se mettent une caisse tranquillou dans le parc l'après-midi et qui viennent ensuite s'effondrer sur la terrasse, alcoolisés et repus. Un soir, un groupe avait apporté sa propre bouteille de vin et remplissait les verres sous la table à chaque fois que j'avais le dos tourné. Je leur ai demandé (gentiment) de commander quelque chose ou de partir, parce qu'il y a un phénomène spécifique qui s'appelle « la réalité » et qui veut que les gens en terrasse payent et consomment. Souvenez-vous que la chaise sur laquelle vous avez posé votre cul moite est à nous. Du coup, le groupe est parti un peu honteux.

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Eva, employée du Van Velsen à Utrecht

Un jour, alors que la terrasse était pleine, je suis tombé sur un groupe de clients qui ne semblaient pas vraiment saisir le principe d'un bar. Ils ne commandaient qu'un verre à la fois. Je n'arrêtais pas de faire des allers-retours. J'ai passé mon après-midi à circuler avec un misérable verre sur mon plateau. Je me suis même demandé s'ils ne se foutaient pas un peu de ma gueule. Au moment où je décidais de m'intéresser aux autres clients, un des mecs n'a pas aimé ça et a décidé de m'attraper pour attirer mon attention. Comme il n'avait pas le bras assez long, il a pris son verre de pinte, s'en est servi comme d'une extension et m'a tapé les fesses avec. J'en restais coite. Heureusement, mon manager était aussi en terrasse et s'est occupé illico du monsieur.

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Annelot, ancienne employée du Villa à Amsterdam
Notre terrasse est assez grande. Elle est partiellement au soleil et sous un store. Ma plus grande frustration, c'est quand je vois des clients tenter de transformer la nature ambivalente de cette terrasse. La table la plus chiante que j'ai eue à gérer, c'est probablement celle avec ces cinq femmes entre deux âges qui pensaient qu'elles étaient les reines du coin. Les qualifier d' « exigeantes » serait une putain de litote. Certaines voulaient être au soleil alors que d'autres préféraient l'ombre. J'ai cherché la table avec le ratio soleil/ombre parfait pour pouvoir satisfaire leurs désirs. Chaque fois que j'essayais de leur apporter à boire, elles avaient changé de place, parce que c'était « un peu plus confortable ». Elles se sont presque décroché la clavicule en agitant les bras pour attirer mon attention. Quand j'ai accidentellement apporté leurs verres à la mauvaise table, elles se sont énervées. Elles ont aussi continuellement demandé que leur table soit nettoyée.

Quand elles ont demandé l'addition, elles ont eu de grands sourires et m'ont fait un gros clin d'œil en disant que je pouvais ajouter 50 centimes d'euros à la note « comme pourboire ». Il m'a fallu une montagne d'efforts pour répondre simplement « merci ». Cette nuit-là et pour oublier ces gens misérables et les chasser de ma mémoire, je me suis bourrée la gueule.


Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES Denmark