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santé mentale

Arrêtez de prendre votre stress pour des troubles anxieux

Pas grand-chose n’est plus à la mode en ce moment.
Images via Getty

Comme j'ai moi-même des problèmes de santé mentale, je ne vais pas minimiser l'importance d'évacuer les stéréotypes à ce sujet. Des chanceux en parfaite santé mentale ont l'habitude de traiter ceux qui ne vont pas aussi bien qu'eux de dérangés ou de déséquilibrés : des préjugés à cause desquels il est difficile d'être pris au sérieux ou de se sentir accepté. Comme le nombre d'Américains chez qui un problème de santé mentale est diagnostiqué augmente, il est plus important que jamais de se parler franchement de santé mentale.

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Mais, autant j'encourage tout le monde à être aussi ouvert que possible à propos de sa santé mentale — après tout, plus on en parle, mieux informé on est et mieux on combat les préjugés —, autant je sais que trop, c'est comme pas assez. Quand des gens s'expriment à propos de leurs problèmes, d'autres sautent dans le train en marche en empruntant le jargon du DSM-5 ( Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) et en s'appropriant la souffrance des autres. Pas grand-chose n'est plus à la mode en ce moment que les troubles anxieux.

Ils ont pris l'habitude d'exagérer leurs émotions quotidiennes et de truffer leurs phrases d'une terminologie appropriée dans un bureau de psychiatre. Ils ne sont pas nerveux à cause d'une présentation au boulot : ils souffrent d'anxiété. Ils ne sont pas mal à l'aise dans un party où ils ne connaissent personne : ils souffrent d'anxiété sociale. Ils n'ont pas de papillons dans l'estomac : ils ont des attaques de panique.

Des épisodes entiers de The Real Housewives tournent autour de smoothies au Xanax et les Kardashian sont vues comme des héroïnes pour avoir parlé de leur anxiété autodiagnostiquée devant la caméra. (Hey, Kim et Kendall, un étourdissement en avion, ce n'est pas la même chose qu'une attaque de panique.) Cette façon qu'ont certaines personnes, surtout les célébrités, de banaliser des troubles psychologiques parfois invalidants enlève à leur diagnostic toute crédibilité.

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L'anxiété pathologique se présente sous différentes formes : anxiété généralisée, trouble panique ou anxiété sociale. Le stress, l'inquiétude, la nervosité, que nous éprouvons tous un jour ou l'autre, ce n'est pas la même chose.

« Le stress, c'est normal », assure Shanthi Mogali, directeur de psychiatrie au Mountainside Treatment Center, dans le Connecticut. « Ça devient anormal quand le stress commence à envahir tout le quotidien. Des gens angoissent pour des choses banales que la plupart des autres mettent de côté. Ça commence à ronger leur vie. »

Même des tâches aussi simples que de choisir sa tenue le matin ou planifier un week-end suffisent à écraser les personnes souffrant d'anxiété, au point où elles en ressentent des symptômes physiques : accélération de la fréquence cardiaque, transpiration, respiration difficile.

Que ce soit pour attirer l'attention ou simplement le fruit d'un manque de compréhension, l'utilisation à la légère de la terminologie relative aux troubles anxieux est une claque au visage de ceux qui en souffrent réellement et qui souhaiteraient n'avoir que des papillons dans l'estomac : ces mots employés avec superficialité banalisent l'envahissante panique qu'ils ressentent vraiment et minent la probabilité qu'ils soient pris au sérieux.

Alyssa Jeffers, 26 ans, a reçu un diagnostic d'anxiété généralisée, de trouble panique et de trouble obsessionnel compulsif. Bien qu'elle reçoive des traitements pour ses troubles, elle dit qu'ils ont pris le dessus sur sa vie.

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« C'est frustrant que des gens disent : "Mon anxiété est tellement élevée en ce moment", alors qu'ils ne sont que stressés, dit-elle, parce qu'il y a une énorme différence entre le stress et l'anxiété, et je ne pense pas qu'ils la comprennent. »

Même si elle se dit sociable, elle se sent mal à l'aise dans bien des contextes sociaux et fréquemment si angoissée au moment de se préparer à sortir avec des amis qu'elle y renonce. À cause de son trouble panique, elle est parfois en hyperventilation au point de perdre conscience. Une fois, ses articulations et ses muscles ont figé et cessé de répondre en raison du manque d'oxygène, et elle s'est retrouvée à l'hôpital.

Vous êtes-vous déjà senti si nerveux que votre estomac s'est noué, que vos mains sont devenues moites et que votre esprit a commencé à s'emballer? Désolé, mais ce n'est pas une attaque de panique. Si elles se manifestent différemment d'une personne à l'autre, elles ont comme point en commun un sombre sentiment envahissant : souvent, la personne se sent comme si elle allait mourir. Des témoins confondent les attaques de panique avec un infarctus, car les deux peuvent comprendre une douleur à la poitrine et une difficulté à respirer.

Voici comment Alyssa décrit ce qu'elle ressent :

« Quand je sais que quelqu'un s'en vient, mes mains commencent à trembler. Je me sens comme si j'avais un bloc de béton sur la poitrine. J'ai l'étrange impression que mes sensations dans tout le corps s'intensifient. Ma poitrine commence à rougir et respirer devient difficile. Je dois me rappeler de contrôler ma respiration. Si je n'y arrive pas, elle s'accélère et, avant même que je m'en rende compte, je suis complètement hystérique. La dernière fois, j'ai ressenti des fourmillements dans les doigts et les orteils. Mes muscles se tendent et j'ai du mal à bouger. C'est comme une paralysie sans vraiment en être une, parce que je ne peux pas bouger et que c'est seulement dans ma tête. J'ai un million de choses dans la tête, puis je me dis que je vais mourir. C'est horrible. Qu'est-ce qui m'arrive? Qu'est-ce qui a causé ça? Je me mets à penser à toutes les causes possibles, et ça ne s'arrête plus. »

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Au contraire des crises d'angoisse, dont les symptômes sont semblables, mais qui résulte d'un stimulus (une rupture amoureuse, un congédiement, des reproches agressifs), les attaques de panique surgissent de nulle part. Ils sont aussi accentués par l'angoisse d'anticipation qui l'accompagne, ou la peur constante qu'une autre attaque de panique survienne encore sans avertissement.

La solution? Prends une Xanax! Le médicament qui est pour certains une bouée de sauvetage et pour d'autres une réponse censée être comique. Même quand les gens essaient d'être drôles, ils se trompent sur ce à quoi sert le Xanax. Ce n'est pas pour se relaxer ou se calmer; c'est pour se sortir d'un état psychologique terrifiant.

« C'est frustrant d'entendre les gens dire : "Prends une Xanax, tout va bien." En fait, c'est la corde de sécurité qui me retient dans ma chute quand je sens qu'une attaque de panique s'en vient, dit Alyssa. Si j'arrive à l'attraper et prendre le médicament avant d'être vraiment en panique, je peux en quelque sorte m'en sortir. »

Dans le traitement des troubles anxieux, on recourt communément — en plus de la thérapie cognitivo-comportementale — aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, comme Zoloft ou Lexapro, ainsi qu'aux benzodiazépines (Xanax, Ativan, Klonopin), que l'on prend au besoin, notamment quand on sent qu'une attaque est sur le point de se déclencher.

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En raison des utilisateurs de benzodiazépines comme drogue récréative et des médecins généreux avec leurs ordonnances, le Xanax est de nos jours assez facilement accessible. Additionnées à la définition de l'anxiété qui a été diluée dans la culture populaire, ce sont les conditions pour qu'une génération prenne du Xanax comme si c'étaient des vitamines. Par conséquent, il est plus difficile pour ceux qui en ont besoin pour rester en vie d'être pris au sérieux.

Le stress a une fonction physiologique : préparer le corps à un danger imminent. La production d'adrénaline en vue de la réaction à la menace — combat ou fuite — est précieuse si, disons, on est poursuivi par un ours. Par contre, elle l'est moins quand il s'agit du boulot ou de factures à payer. Toutefois, un certain degré de tension reste nécessaire pour alerter l'organisme en cas de problème, et on ne devrait pas chercher à la masquer.

« Souvent, on prend des médicaments pour atténuer le degré de stress qui fait partie de notre instinct de survie, explique Shanthi Mogali. Je pense que ça aggrave beaucoup de troubles anxieux parce que nous n'arrivons plus à tolérer le degré normal de stress. »

Si l'on se sent tendu, on le met sur le dos de l'anxiété, on prend un comprimé et on continue sa journée. En plus de masquer une émotion humaine normale, on surconsomme des médicaments, ce qui peut causer une résistance aux médicaments et une dépendance. « Vous vous créez une dépendance à ces médicaments, une dépendance physique », ajoute-t-elle. Ça devient très malsain. Votre corps, mais aussi votre cerveau en devient physiquement dépendant. Vous vous retrouvez dans l'obligation de subir une cure de désintoxication pour vous débarrasser de ces médicaments. »

Pour chaque célébrité qui révèle publiquement ses problèmes d'anxiété et ses attaques de panique (elles ont toutes des attaques de panique) dans un article de magazine sensationnaliste ou dans une émission de téléréalité, il y a des millions de personnes qui luttent réellement chaque jour et se sentent emprisonnées dans leur propre tête. D'accord, je ne suis pas psychiatre — peut-être que les troubles anxieux ont réellement une prévalence phénoménale dans la jeunesse d'Hollywood —, mais je suis aux prises depuis au moins l'âge de 12 ans avec mon anxiété, me torturant l'esprit à propos de banalités, me réveillant au milieu de la nuit en pleine attaque de panique, imaginant que je suis dans mon lit de mort. J'ai aussi été simplement nerveuse avant une entrevue et eu des papillons dans l'estomac avant de monter sur scène; il y a une différence.

Les troubles anxieux ne sont pas attendrissants, chic, ni tendance, et sa terminologie ne doit pas être surutilisée jusqu'à la vider de son sens. C'est un problème de santé invalidant dont souffrent plus de 40 millions de personnes aux États-Unis, et chacun a le droit d'être pris au sérieux. Tous les autres doivent se rabattre sur d'autres mots pour exprimer leurs émotions. Parfois, on est simplement nerveux, et il n'y a rien de mal à le dire ainsi.