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Crime

Les braconniers tuent les éléphants du Zimbabwe avec du cyanure

22 éléphants empoisonnés ont été découverts en début de semaine dans le parc national Hwange.
A bird flies near the carcass of an elephant, which was killed after drinking from a poisoned water hole, in Zimbabwe's Hwange National Park, about 522 miles east of Harare, September 27, 2013. (Photo by Philimon Bulawayo/Reuters)

Avec la découverte lundi de 22 éléphants empoisonnés dans le parc national Hwange au Zimbabwe, le nombre d'éléphants braconnés dans le pays au mois d'octobre est passé à 62, selon Associated Press.

Des gardes forestiers ont trouvé les carcasses dans une zone située dans le centre-nord du parc, d'après les déclarations de la porte-parole du parc, Caroline Washaya-Moyo, à AP. Elle a ajouté que de jeunes éléphants faisaient partie des bêtes tuées.

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Pendant le week-end, près de 180 kilogrammes d'ivoire — d'une valeur estimée à environ 38 000 euros — ont été saisis à l'aéroport international de la capitale du pays, Harare. Cette saisie, ainsi que les 22 éléphants morts de ce week-end, s'ajoutent à la découverte début octobre par les gardes forestiers d'un kilo de cyanure dans le parc et à une saisie d'ivoire (dont la quantité n'a pas été révélée) dans unaéroport.

« La fréquence à laquelle nous perdons des animaux à cause du cyanure est alarmante », a dit Washaya-Moyo à AP. « Nous appelons les personnes des communautés bordant le parc national à coopérer avec les autorités. »

Le rapport fait état d'une inquiétude croissante à propos du braconnage dans le pays, qui reste haut, après avoir atteint un pic en 2013, lorsque plus de 300 éléphants ont été tués, empoisonnés au cyanure dans le parc.

« Le cyanure — à la différence des balles — est un tueur silencieux et qui ne fait pas de distinctions », explique Rachel Kramer, experte en trafic d'espèces sauvages pour le World Wildlife Fund (WWF). « Les effets dramatiques des empoisonnements vont au-delà des animaux tués pour commerce illégal […] Même si les carcasses ont été retrouvées immédiatement, les charognards, dont des vautours, des lions, des hyènes et d'autres espèces peuvent aussi en mourir. »

Le Zimbabwe est considéré comme l'une des plus grandes réserves au monde d'éléphants, avec une population estimée à 100 000 éléphants sur son territoire. Plus de la moitié résiderait dans le parc national Hwange, le long de la frontière ouest du pays, celle avec le Botswana. Plus tôt cette année, le parc a été l'objet de l'attention internationale — et de son indignation — lorsqu'un dentiste américain a tué un lion appelé Cecil, l'un des animaux les plus connus au Zimbabwe, pendant une partie de chasse près de la réserve.

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Le grand Recensement des éléphants (Great Elephant Census), qui a examiné toutes les grandes populations d'éléphants en Afrique l'année dernière, a découvert que le Zimbabwe avait perdu 75 pour cent de sa population d'éléphants dans le sud de la vallée du Zambèze, le fleuve qui délimite la frontière entre la Namibie et le Zimbabwe, et 40 pour cent dans la partie centrale de la vallée. La Tanzanie a perdu 60 pour cent de ses éléphants entre 2009 et 2014, et le Mozambique 50 pour cent durant la même période.

À lire : Des groupes terroristes suspectés de se financer grâce au braconnage d'éléphants dans le Nord du Mali

Lauchlan Munro, un socio-économiste de l'université d'Ottawa, invite à regarder du côté du contexte économique du Zimbabwe pour comprendre l'augmentation du braconnage.

« Le niveau du revenu par personne au Zimbabwe est le même qu'il y a 60 ans », dit-il. « Il y a très peu de pays au monde dont on peut dire la même chose. Il y a eu une érosion de l'emploi dans le secteur classique durant ces décennies. »

Même si le pays s'est remis des violences et des taux d'inflation désastreux qui le touchaient au début des années 2000, Munro explique que peu importe la richesse qui a été créée, elle n'a pas donné d'emplois à la plupart des gens. En même temps, les bénéfices tirés du braconnage peuvent être relativement hauts.

« Il y a une demande internationale pour les produits issus de la chasse au gros gibier en Afrique — les défenses d'éléphants, les têtes de lion, les cornes de rhinocéros, etc. — et une grande partie du braconnage est guidé par l'idée qu'il est possible de faire énormément d'argent avec cela, » explique Munro. « Le reste du monde est impliqué dans la destruction de la faune sauvage du Zimbabwe et de l'Afrique. »

Alors que les autorités locales travaillent à stopper le braconnage et la contrebande d'ivoire sur son sol, elles demandent également à ce que les autorités des pays d'où provient la demande développent des politiques qui encouragent le commerce légal et régulé de ces produits.

Lundi, la ministre de l'Environnement, de l'eau et du climat du Zimbabwe, Oppah Muchinguri, a renouvelé sa demande aux États-Unis d'abroger une loi interdisant l'importation d'ivoire. La chasse légale d'éléphants, dit-elle, génère selon les estimations 14 millions de dollars par an (environ 12,5 millions d'euros) et aide à contrôler les populations d'éléphants qui causent des dégâts dans certains villages à travers le pays.

« Tout ce braconnage est dû aux politiques américaines, qui bannissent la chasse sportive, » a déclaré Muchinguri plus tôt ce mois-ci, en expliquant que réguler cette activité sport permettrait de lever plus de fonds pour leur conservation. « Un éléphant rapporterait 120 000 dollars pour être chassé (environ 108 000 euros), alors qu'un touriste ne paye que 10 dollars (environ 9 euros) pour voir ce même éléphant. »

Suivez Eva Hershaw sur Twitter : @beets4eva