Le beatmaker Dear Lola utilise le Finger Drumming pour se démarquer
Crédit photo: Matthew Kroger

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Culture

Le beatmaker Dear Lola utilise le Finger Drumming pour se démarquer

Pour être un bon finger drummer, il faut de la concentration, des ongles bien coupés et une bonne dose de tolérance à la douleur parce que les doigts en prennent un coup.

Dear Lola est un beatmaker montréalais qui produit une grande partie de ses tracks grâce à une MPC, un sampler commercialisé depuis le milieu des années 80 par la marque japonaise Akai. Cette machine lui permet de créer ses propres morceaux à partir d'échantillons de divers instruments (percussions, piano, guitare, etc.). Un instrument qu’il utilise également lors de ses concerts, qui deviennent de véritables performances comme peuvent l’être celles d’un batteur classique, à l’exception que les baguettes sont ses doigts. VICE est allé le rencontrer pour discuter de sa passion pour la MPC, mais aussi pour connaître les qualités d’un bon finger drummer.

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VICE : Qu’est-ce qui t’a poussé à vouloir une MPC?
Dear Lola : En 2009, j’ai commencé à regarder des vidéos d’AraabMuzik sur YouTube où il performait avec une MPC 2500. J’étais vraiment impressionné par ses capacités de finger drummer, je pouvais regarder ça en loop pendant des heures! C’était dans le temps où je commençais à produire de la musique électronique et où je cherchais une manière de rendre mes performances scéniques atypiques. L’idée était de monter un live set qui se distinguait véritablement d’un DJ set. La MPC s’est imposée naturellement parce que j’adorais l’idée que tu pouvais jouer n’importe quel son. À cette époque, j’avais également envie de me distancier de l’ordinateur parce que c’est le fun parfois de ne pas être devant un écran!

Avec la MPC, il est important de distinguer les producteurs des performeurs. La MPC est davantage connue pour les producteurs légendaires de hip-hop qui l’utilisaient que pour les finger drummers. Ce n’est vraiment pas l’aspect historique qui entoure la MPC qui m’a poussé à en avoir une. Mes classiques ne sont pas les classiques de tout le monde : pour être franc, je ne connais pas la discographie de J Dilla ou de Madlib, qui sont pourtant adeptes de la MPC et considérés dans le milieu du hip-hop comme des légendes du beatmaking. Quand j’ai commencé à faire de la musique, je voulais faire de la pop, puis j’ai découvert AraabMuzik et ça a changé ma vie. Son premier album, Electronic Dream , est tout simplement incroyable, c’est mon véritable classique. Cet album est révolutionnaire, personne n’avait utilisé la MPC comme ça avant lui. Je suis émotif rien qu’en y repensant, il y a rien qui va me redonner un tel feeling.

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Comment as-tu commencé ton parcours de finger drummer ?
J’ai commencé en douceur avec une MPD 26, une sorte de bébé MPC que je pouvais contrôler depuis mon ordinateur avec le logiciel Reason. Ensuite, après avoir mis un peu d’argent de côté, j’ai sauté le pas pour acquérir une véritable MPC. Je voulais la même qu’AraabMuzik, la fameuse MPC 2500. Malheureusement, c’était assez difficile à trouver parce qu’Akai ne fabrique plus ce type de modèle vintage depuis plusieurs années. Elle a un certain son qu’on ne retrouve pas sur les nouvelles générations de MPC. C’est un modèle qui est vraiment fait pour la performance. Après quelque temps à digger, je suis finalement tombé sur la perle rare et j’ai commencé à faire mes premières vidéos.

Qu’est-ce que la MPC apporte à tes concerts?
J’ai un background de musicien classique, depuis tout petit je joue du violoncelle et de la guitare. La MPC procure un côté physique à mes performances et me permet de retrouver le feeling que j’avais avec un instrument. Elle m’apporte aussi un petit côté rock, parfois je me sens un peu comme Travis Barker [le batteur de Blink-182]! La MPC apporte un certain edge, c’est une manière de se démarquer, surtout qu’aujourd’hui, c’est difficile d’avoir un impact juste en sortant de la musique. En plus, beaucoup de gens sortent de la musique similaire, mais ça, c’est un autre débat.

D’ailleurs, comment réagit la foule à tes performances?
Dès que je commence, tu sens que ça intrigue la crowd. Elle se rapproche, la MPC crée une véritable ambiance, les gens se mettent à filmer et viennent me voir à la fin du show pour me dire qu’ils n’avaient jamais vu ça. Avec la MPC, ce que j’aime, c’est que tu ne peux pas te louper, la moindre erreur ne pardonne pas et j’ai l’impression que le public le ressent.

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Crédit photo: Phosleep

Qui sont les légendes du finger drumming ?
Hormis AraabMusik, il y a Jeremy Ellis, qui vient de Detroit, qui est probablement le meilleur finger drummer sur la planète. Il y a aussi David Hynes, de Londres, qui est très impressionnant. Lorsque tu l’écoutes les yeux fermés, t’as l’impression d’entendre un jazz drummer! Ces deux artistes ont pour point commun d’être d’incroyables performeurs, mais par contre je n’écouterais pas leur musique dans mon char. AraabMuzik est le seul dont les performances et les productions me rejoignent complètement.

Quels conseils tu donnerais à un jeune finger drummer ?
Le secret, c’est la discipline et la pratique. Il est aussi important de regarder quelques vidéos YouTube pour s’inspirer et, bien sûr, se couper les ongles, c’est très important! Enfin, c’est primordial d’être très concentré. Pour te dire à quel point la concentration est la clé du succès, lors de notre dernier show à South by Southwest (SXSW) avec Wasiu, il y a un gars saoul qui est monté sur un ampli et qui est tombé avec. La sécurité l’a mis dehors et je ne m’en suis même pas rendu compte! Je suis vraiment dans une zone quand je joue. Si je ne suis pas extrêmement concentré, tout peut foirer.

Dear Lola et son collaborateur, le rappeur Wasiu. Crédit photo: Manny

C’est quoi les aspects négatifs de la MPC?
Ça fait mal aux doigts, car il faut que tu tapes fort pour qu’il y ait une véritable intensité sonore. Je me souviens, à certains moments où je pratiquais beaucoup, d’avoir mis mes mains dans l’eau chaude pendant une heure. Parfois, le lendemain, il y a de la douleur. J’ai déjà eu une infection au doigt après avoir performé avec Wasiu : un de mes doigts est resté enflé pendant quelques jours.

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Le gros point négatif de la MPC reste tout de même son poids : presque 40 livres, c’est l’enfer à transporter. À SXSW, j’ai dû me balader avec mon sac toute la journée, j’avais envie de mourir. Quand je la porte, je me dis que je mets ma carapace, je me sens un peu comme Sangoku dans Dragon Ball Z.

Quels sont tes prochains projets liés à la MPC?

Au début de l’année 2018, je prévois de sortir plusieurs singles qui auront chacun leur vidéo de live performance à la MPC. Ça devrait sortir sur mon label Raw Records, que j’ai cofondé en 2012 avec mon ami producteur Thomas White. Avec Wasiu, on a aussi un EP de quatre tracks aux teintes RnB qu’on a fini depuis quelque temps déjà, et c’est parmi les meilleurs morceaux qu’on ait faits! Ça devrait sortir un jour, mais je ne sais pas encore quand. Aussi, pour les curieux, je stream souvent mes sessions de production sur Twitch et je donne à ceux qui me regardent des exclusivités en téléchargement libre!

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