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Culture

La petite histoire de l'acteur porno devenu peintre

Ou comment l'acteur de « Anal Assault 5 » est désormais un artiste représenté par Saatchi.
Illustration : Pierre Thyss pour VICE

Dans l'histoire des reconversions professionnelles, il y a celles qui sont évidentes. Prenez l'exemple de sportifs devenus trop vieux qui se lancent dans le management ou le journalisme sportif. Puis, il y a celles qui ne le sont pas, un peu comme celle de Benjamin Banks. Cet ancien acteur porno, a.K.A Steven St. Croix, a décidé de tout quitter l'industrie des vidéos adultes pour devenir peintre et ouvrir sa propre galerie d'art à Grasse en 2010.

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Né en 1968 dans le Connecticut et élevé dans une famille de Témoins de Jéhovah, Banks se prédestine à une carrière de maçon, avant de se retrouver dans la vente et de déménager en Californie. Dans le Golden State, il enchaîne les petits boulots, puis est engagé en tant qu'assistant de production sur le set du film porno Deep Throat 6 de Ron Jeremy où il finira par tenir un rôle important. Banks ne s'imaginait jamais devenir acteur porno, comme il l'expliquait dans une interview accordée à RatedXLife en 2015. En revanche, il reconnaît « avoir toujours été amoureux des formes féminines et vouloir coucher avec le plus de filles possibles ».

C'est sûrement cet « amour » qui l'a poussé à se proposer pour remplacer un des acteurs principaux, impliqué dans une affaire criminelle et jeté sous les verrous pendant le tournage. C'est ainsi que débute la longue carrière de Banks, ou plutôt Steven St. Croix. Sa page IMDB affiche fièrement près de 1 000 films depuis 1992, soit une quarantaine par an. Pour vous donner une idée, il est crédité dans des longs et courts-métrages aux noms évocateurs comme Hotel Sodom 10, ou l'habile référence à Sergio Leone Nice The Naughty and The Bad. Il est également apparu dans un rôle plus modeste de la série Six Feet Under.

En plus d'être prolifique devant la caméra, St. Croix semble même plutôt doué, à en croire son curriculum vitæ. Il a été récompensé 14 fois sur 30 nominations aux Adult Video News Awards, l'équivalent des oscars du porno, où il a également été intronisé au Hall of Fame en 2005. Pour anecdote, lorsqu'il s'est acheté une moto en 1996, la société d'exploitation avec laquelle il a signé son contrat s'est arrangée pour faire assurer son pénis 1 million de dollars – au cas où son engin serait amoché ou sectionné dans un éventuel accident.

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Capture d'écran de

Capture d'écran de Highschool Teen Creampie

Après une tentative de transition ratée dans le cinéma avec un petit rôle dans la comédie romantique Girl Next Door en 2004 – personne ne voulait le caster pour des rôles dans des films non pornos, « de peur que les studios et producteurs n'abandonnent le projet » – la lassitude s'installe et pousse St. Croix vers le doute : « C'était génial [être acteur porno] ! Plein de femmes, être reconnu, les drogues, la vie facile, les voyages… Mais, j'ai fini par m'en lasser et j'ai voulu que ma vie soit plus que ça […]. J'ai commencé à douter jusqu'à devenir anxieux et me poser trop de questions : Ma mère allait-elle découvrir ce que je faisais ? Ma bite était-elle assez grosse ? Ce genre de choses. »

Cette remise en question est l'occasion pour lui de se souvenir des quelques cours de dessins qu'il avait suivis étant ado. Illico presto, l'homme au pénis qui valait 1 million de dollars laisser tomber le porno, son pseudonyme biblique, et se lance dans sa seconde passion : la peinture. Dans un [échange de mail avec le blogueur James Altucher](http://www.jamesaltucher.com/2011/09/from-porn-artist-to-painter/?utmsource=feedburner&utmmedium=feed&utm_campaign=Feed%3A + jamesaltucher + % 28Altucher + Confidential % 29) il y a cinq ans, St Croix affirme avoir « commencé à peindre sur un coup de tête en 2006 ».

Pendant des vacances à Cannes, il rencontre une femme dont il tombe amoureux et décide de rester en France. Il y croise également un artiste avec qui il sympathise et discute des peintres qui l'inspirent – Hundertwasser, Munch, Dali et Modigliani, entre autres. « J'ai rencontré ce mec qui était artiste et qui avait connu Pollock, Picasso et Clavé des années 1950. J'ai commencé à esquisser quelque chose sur une nappe dans un restaurant à Nice et il m'a dit « Tu devrais peindre. Tu as un bon œil ». » Un an plus tard, c'est le début de l'expérience pour Banks, qui se met sérieusement à la peinture et ouvre son atelier galerie d'art à Grasse en Côte d'Azur et commence à participer à plusieurs expositions. « Je vends principalement à des gens que je rencontre entre Cannes et Monaco […]. En moyenne, mes toiles coûtent 1 600 € pour un mètre carré.

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Les œuvres de Banks possèdent un style particulier, à mi-chemin entre l'expressionnisme abstrait et l'art brut. Une forêt postapocalyptique aux allures de nuée de papillons ( Black Butterflies), un tableau abstrait composé de carrés de trois couleurs ( Hip To Be Square) ou un pénis – tiens, tiens – cloisonné en hublots ( Ghost Stories) : les toiles de Banks, qui reflètent une vision singulière et originale de l'art, échappent à toute définition. Mis à part les cours de dessin qu'il a suivi étant enfant, Banks n'a aucune formation de peintre, ce qui ne l'a pas empêché d'être remarqué par Redbubble. C'est un autodidacte qui préfère se baser sur son ressenti plutôt que sur les conventions et la théorie. « Quand j'ai commencé, je n'avais pas de technique, je n'avais rien en tête, je voulais juste peindre, mélanger les couleurs et tout étaler sur une toile, reconnaît-il dans An Abstract Path, documentaire sur sa reconversion. En général, j'ai une couleur en tête, et je fais confiance à mon instinct pour ce qui est important ou non, tout en garant en tête ce à quoi le tableau ressemblera au final.

Loin de se faire des illusions, Banks sait que c'est son histoire plus que ses tableaux qu'on achète. « Comme pour l'écriture, ce n'est pas l'art qui fait vendre, mais l'histoire derrière (ou l'artiste) », confiait-il à Altucher il y a cinq ans. Aujourd'hui, Banks semble avoir mis sa carrière de peintre derrière lui puisqu'il a fait un retour inattendu dans le porno en 2012. Mais ça, c'est une autre histoire. Ce n'est pas celle de l'acteur porno devenu peintre, mais du peintre devenu acteur porno.

Robin Cannone est sur Twitter.