Jens Dyck jeune diable rouge

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Jens Dyck, jeune Diable passé du centre de formation de Manchester United à l’hôpital psychiatrique

« J’avais l’impression d’avoir tout perdu. Pendant deux ou trois ans, je me suis demandé pourquoi j’étais encore là. »

Dans la rubrique Athlètes, VICE met à l’honneur des sportifs qui brillent aussi bien sur le terrain qu’à côté.

Pendant des années, le nom de Jens Dyck a fait le tour des recruteurs internationaux. Il faisait partie de la génération dorée des Diables Rouges. Il a joué avec Eden Hazard et même séduit Manchester United. Alors que ses anciens coéquipiers sont à la Coupe du Monde en Russie, Jens tente aujourd’hui de se reconvertir tant bien que mal en animateur pour le troisième âge. Il s’est effondré sous la pression, mais après un séjour en hôpital psychiatrique, il a retrouvé le sourire au St. Dimpna, club de deuxième division provinciale.

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« De mes 19 ans à mes 21 ans, j’étais complètement paumé. J’ai passé trois semaines à Zoersel dans le centre psychiatrique Bethanie. Là-bas, on se sent vraiment reclus, comme en prison. Tous les matins à 6h, vous recevez une piqûre dans la fesse pour qu’ils soient certains que vous ne tentiez rien de bizarre. J’ai vraiment eu du mal à m’y faire. Quand je rentrais à la maison, je n’avais toujours pas le droit de boire de l’alcool, mais c’était le week-end donc c’était difficile de dire non. À mon retour à l’hôpital le lundi matin, j’étais encore bourré. Je ne vidais pas une bouteille tous les jours, mais parfois je me laissais aller. Il fallait que j’arrête mais moi, je m’en fichais.

Cependant, étant gosse, j’étais obsédé par le ballon. Alors que d’autres enfants vont jouer dans les bois, moi je n’avais qu’une seule chose en tête : le football. Je séchais l’école pour aller jouer. Sur les terrains à Anvers, on s’affrontait souvent le soir, Belges contre Marocains. On mettait tous 20€ dans un pot commun et l’équipe qui gagnait récupérait tout. J’avoue, on est souvent rentrés bredouille (rires). Ce sont des moments inoubliables, ça me manque parfois. Si je pouvais revenir en arrière, je retrouverais ce plaisir-là, c’est certain.

J’ai commencé à Nijlen à l’âge de quatre ans. Déjà, après une saison, j’ai été recruté par Lierse. Sur les 160 joueurs à l’essai, sept ont été sélectionnés, dont moi. J’ai fréquenté l’académie des jeunes de Lierse pendant dix ans jusqu’à ce que le scandale des matchs truqués éclate. À ce moment-là, j’ai été transféré au Club Brugge à contre-cœur. J’y ai joué pendant 3 ans, du U16 au U19. C’était également la période pendant laquelle je faisais partie des équipes nationales de jeunes. Je n’avais qu’un seul but : devenir footballeur professionnel. J’ai même mis de côté mes études pour ça. Avec du recul, c’était un choix stupide.

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À Bruges, j’ai été placé dans une famille d’accueil, mais à mon avis, les gens qui m’ont accueilli ne le faisaient que pour l’argent. Je me suis vite senti abandonné. J’avais 16 ans et je me sentais seul. Je pense que ça a commencé à mal tourner à partir de là. Ma technique en tant que joueur était bonne, mais pour continuer il fallait suffisamment de force mentale.

Quand j’ai eu 17 ans, on m’a proposé de faire un essai à Manchester United. C’était Ryan Giggs, le coordinateur des jeunes du club qui m’avait vu jouer contre l’Irlande et qui s’était identifié à moi et à ma façon de me projeter sur le flanc gauche. Ces jeunes garçons, je n’avais jamais vu ça. Pour s’échauffer ils jouaient parfois au rugby. Ils faisaient déjà adultes et ça se voyait dans le regard qu’ils posaient sur moi, qui ne suis pas très costaud. Chaque mardi à l’entraînement, nous jouions contre l’équipe pro, les grands. Rooney, Ronaldo, Paul Scholes. Van der Sar était encore au goal. On entend souvent des histoires sur l’arrogance de Ronaldo, mais ces célébrités m’ont vraiment considéré comme un ami, un petit frère. C’était surtout le cas de Danny Welbeck, il a pris soin de moi. Il avait le même âge que moi mais c’est un pur produit du centre de formation, il avait donc plus d’expérience. Un mec vraiment sympathique.

J’ai eu la chance de voir ma période d’essai prolongée mais ce fut en vain. Je ne parlais pas très bien anglais et je me sentais seul dans une famille au style de vie complètement différent du mien. Si j’avais été plus vieux, j’aurais peut-être eu plus de caractère et j’aurais pu continuer. Or, je n’avais que 17 ans et j’avais le mal du pays, vraiment.

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La Coupe du Monde U17 en Corée du Sud restera pour toujours un très bon souvenir, c’était mes années au sein de l’équipe nationale des jeunes. Eden Hazard et Christian Benteke jouaient dans cette sélection. Lors de notre deuxième match contre le Tadjikistan, 11.000 personnes étaient dans les tribunes. C’était impressionnant. Je n’avais jamais rien vu de tel auparavant. Ce match, nous l’avons gagné dans les prolongations grâce à une passe décisive que j’avais fait pour Benteke. Malheureusement nous n’avons pas pu nous qualifier pour cette fameuse finale avec 65.000 spectateurs.

J’étais en concurrence directe avec Hazard, mais il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour réaliser à quel point il était différent. Même balle au pied, il allait beaucoup plus vite que moi. On jouait parfois à quatre contre un en on ne pouvait toujours pas lui prendre le ballon. Il avait déjà un contrat avec une marque de chaussures à quinze ans, où qu’il aille son entourage était auprès de lui. Moi j’étais là, avec mes deux sacs de foot. Il savait qu’il était bon mais il était capable d’avoir encore une certaine insouciance. Par exemple il continuait à manger des hamburgers, comme il l’a toujours fait.

C’est parfois difficile de me dire que j’aurais pu être à leur place. J’essaie de l’accepter, mais vous ne me verrez jamais porter un maillot de Hazard. Je manquais de force mentale notamment face aux critiques. Et encore maintenant. Si les gens me disent après un match que j’ai bien joué, je suis aux anges et je prends la grosse tête. Et ça peut durer pendant trois semaines. Par contre, si jamais on critique mon match, je n’arrive pas à dormir ou à penser à autre chose en rentrant à la maison. C’est juste que ce sport, c’est ma passion.

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Le plaisir, c’est la raison qui m’a poussé à jouer jusqu’à un certain niveau. Quand j’avais 19 ans je suis passé du Club Brugge à Waasland-Beveren en deuxième division. J’espérais que ce pas en arrière en entraînerait deux en avant mais j’ai souffert d’une fièvre glandulaire. Le retour de la poisse. L’histoire voulait que ça ne se passe jamais comme je le souhaitais. Par la suite, j’ai complètement abandonné. J’ai travaillé en tant que facteur, puis j’ai même peint des bus Van Hool mais ça ne me réussissait pas. Faire la même chose pendant huit heures tous les jours, c’était l’horreur, une torture. Je l’ai fait uniquement pour faire plaisir à mes parents, mais je suis devenu fou là-bas. Je suis même resté à la maison pendant six mois à cause d’une « douleur au pouce ».

J’avais l’impression d’avoir tout perdu, d’être seul. Pendant deux ou trois ans, je me suis demandé pourquoi j’étais encore là. Quelle était la raison de mon existence. J’ai fait de mauvaises rencontres et vous savez comment ça tourne en général. J’ai trop bu, j’ai fumé des joints, je suis allé trop loin. Je suis un garçon très influençable. Si vous vous allumez une cigarette, je m’en allumerai une aussi. Si vous buvez une pinte, j’en boirai une aussi. Ce n’est pas bon. Il faut pouvoir se contrôler, et ça a été ma faiblesse. À un moment donné, j’avais perdu le contrôle. J’étais au bout du rouleau. Il était temps de prendre du recul, de me repositionner. C’est à ce moment là que je suis allé au centre psychiatrique Bethanie.

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Aujourd’hui, il me faut réparer les relations que j’entretenais avec certaines personnes. J’étais devenu quelqu’un de complètement différent, uniquement focalisé sur lui-même. Un vrai égoïste. Or, je me rends compte que l’épée est toujours au dessus de ma tête. C’est pourquoi je me vais encore actuellement chez un psychologue.

S’il y a une chose que les jeunes et les clubs ne doivent pas négliger, c’est l’orientation, c’est primordial. Ne mettez pas de pression sur les enfants, laissez-les simplement vivre. Qu’ils veuillent faire du tennis, du foot ou de la danse. Laissez-les faire ce qu’ils aiment et développer leurs propres talents et leurs propres qualités. »

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