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Un nouvel indice renforce l'hypothèse de la « Planet Nine »

La découverte d’un corps orbital à l’orbite étrange, en périphérie du système solaire, ravive l’enthousiasme autour de Planet Nine, l'hypothétique neuvième planète du système solaire.

Planet Nine. Planet X. Nibiru. Des terriers conspirationnistes en WordArt aux publications d’astrophysique les plus prestigieuses en passant par les lithographies maya plus ou moins sorties de leur contexte, la théorie d’une neuvième planète du système solaire, cachée par la longueur gigantesque de son orbite, est un des rares concepts partagés par les oracles de la fin du monde et les plus curieux des astrophysiciens. Si les premiers, qui voient en Nibiru un Grand Exterminateur cosmique qui viendra à coup sûr frapper la Terre un de ces jours, n’ont pas franchement été capables d’apporter des informations utiles à une éventuelle découverte, les seconds ont fait de Planet Nine l’objet d’une quête fascinée.

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En 2016, deux astronomes du California Institute of Technology, Konstantin Batygin et Michael Brown, défrichaient le terrain en publiant un article au succès retentissant. En analysant les anomalies orbitales de plusieurs groupes d’astéroïdes de la distante ceinture de Kuiper, qui s’étend entre 30 et 55 unités astronomiques (UA, qui équivaut à la distance Terre-Soleil), les chercheurs concluaient que ces dérèglements étaient très probablement causés par l’attraction gravitationnelle d’une planète d’environ dix fois la masse de la Terre, bloquée dans une orbite excentrique et extrêmement elliptique autour du Soleil, avec une période de révolution estimée entre 10 000 et 20 000 ans. Ces estimations inédites, qui offraient pour la première fois un semblant de soutien scientifique au mythe, ont provoqué une battue générale dans la communauté scientifique, déterminée à découvrir rapidement le repaire de cette nouvelle planète. Une équipe française du CNRS menée par Jacques Laskar faisait partie des concurrents.

Dès le mois de février 2016, en simulant les éphémérides de Saturne et des autres corps du système solaire pour traquer les déplacements de l’hypothétique planète, son équipe parvenait à réduire la zone de recherche de 360 à 180 degrés autour de la Terre et même à identifier une zone de probabilité maximale dans un rayon de 20°. En février 2017, la Nasa ouvrait même un portail de recherche collaboratif, Backyard Worlds, qui mettait à contribution les citoyens chercheurs pour passer l’espace au peigne fin, sans succès probant. En juillet, enfin, Batygin et Brown remettaient le couvert en affirmant que l’existence d’une neuvième planète était la seule explication à l’inclinaison de six degrés du Soleil par rapport au plan orbital de ses planètes, un mystère vieux de 150 ans. Depuis, les prédictions optimistes ont cessé, aucune nouvelle étude n’est venue confirmer ou infirmer l’hypothèse de Planet Nine. Seuls restaient les conspirationnistes, hurlant face au vent que la Nasa nous cache ses résultats.

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Le mystère des orbites inclinées

Et puis, le 14 mai dernier, un nouvel article publié dans l’Astrophysical Journal a révélé la découverte d’un nouvel élément qui corrobore la théorie de l’existence de Planet Nine : un objet transneptunien (dont au moins la majeure partie de l’orbite se situe au-delà de celle de Neptune, la huitième et dernière planète du système solaire depuis l'expulsion de Pluton), peut-être aussi massif qu’une planète naine, tristement baptisé 2015BP519. 2015BP519 n’est pas n’importe quel morceau de roche dérivant sans fin dans l’arrière-cour du système solaire : il est actuellement l’objet transneptunien le plus lointain jamais découvert. Si Planet Nine existe bel et bien là où on l’imagine, elle influence forcément ce corps céleste et son orbite, et ça devrait se voir. Bingo : l’orbite de 2015BP519 présente des anomalies correspondantes à une prédiction très spécifique faite par Batygin et Brown en 2016.

Alors que l’immense majorité des corps du système solaire se trouve sur le même plan orbital, les groupes d’objets distants identifiés par les deux chercheurs dans leur quête de la Planet Nine se trouvaient en orbite perpendiculaire à ce plan. Selon la théorie des deux chercheurs, la mystérieuse planète serait responsable de ce dérèglement, augmentant l’inclinaison orbitale de ces objets en les attrapant dans son champ gravitationnel à chacun de ses rares passages dans le voisinage. 2015BP519, lui, se trouve sur une orbite inclinée de 54° par rapport à la normale. En d’autres termes, il est encore en phase de transition, comme prévu par l’article de Batygin et Brown – à tel point que Batygin, interrogé par Quanta Magazine, explique que l’orbite de 2015BP519 correspond parfaitement à l’un des points de leur simulation de 2016. Or, dans ce coin reculé du système solaire, peu d’événements ont le pouvoir de modifier à ce point l’orbite d’un morceau de roche aussi gros. Aucun… Excepté le passage d’une planète, soutiennent les auteurs de la découverte.

Et ce sont tout sauf des paroles en l’air : pour découvrir ce planétoïde étrangement incliné, les chercheurs du projet ont analysé les données du Dark Energy Survey, une initiative qui tente d’estimer la vitesse d’expansion de l’univers en observant des recoins sombres du cosmos, particulièrement éloignés du plan orbital du système solaire. Normalement, personne n’utiliserait un tel outil pour chercher des astéroïdes… À moins que vous ne cherchiez précisément ceux qui ne se comportent pas comme les autres. En 2014, donc, le Dark Energy Survey révèle l’existence de 2015BP519, alors que Batygin et Brown travaillent encore sur leur article. De leur côté, les astronomes Juliette Becker et David Gerdes, de l’université du Michigan, commencent à étudier l’objet pour en comprendre les origines. Intrigués par l’inclinaison improbable de son orbite, ils placent l’objet dans une simulation du système solaire et laissent le temps s’écouler à 4,5 milliards d’années dans le passé et dans le futur, sans succès. Ce n’est qu’en ajoutant à la simulation la nouvelle planète aux caractéristiques décrites par Batygin et Brown que l’inclinaison s’explique.

Certes, il ne s’agit que de résultats émanant de simulations. Ils ne permettront jamais d’affirmer quoi que ce soit — d’autant qu’au vu des enjeux, il va falloir de solides preuves visuelles pour faire entrer une planète inconnue dans notre voisinage immédiat. D’autre part, l’enfance de notre système solaire, faite de collisions en série et de formations de corps par accrétion, reste encore mystérieuse, et il est possible que ces inclinaisons orbitales aient eu lieu à cette époque. Enfin, d’autres astrophysiciens sont carrément sceptiques vis-à-vis de Planet Nine, qui représente pour eux une manière un peu facile d’expliquer certains mystères du système solaire. Pour le moment, donc, Nibiru/Planet X/Planet Nine n’est encore qu’une idée qui prend doucement corps. Séduisante, fascinante même, mais néanmoins une idée. Et puisqu’en science plus qu’ailleurs, « des affirmations extraordinaires requièrent des preuves extraordinaires », nous en sommes encore réduits à l’attente. Jusqu’au prochain indice.