Dans cette région du monde, la nourriture est devenue un outil politique – et même parfois une arme. Cette scène n’en est qu’une petite démonstration. La bouffe est comme un miroir des forces et des intérêts en présence à Gaza. Ces mêmes éléments qui sont à l’origine des crises humanitaires et des explosions de violence.Des attaques israéliennes aux restrictions sur ce qui peut entrer et sortir de Gaza, des divisions politiques palestiniennes à la répression exercée par le Hamas en passant par les multiples faiblesses d’une économie qui dépend des aides internationales pour survivre, si vous voulez comprendre ce qui se passe à Gaza, demandez à un Gazaoui ce qu’il mange et pourquoi.***Prenons le cas de Warda, 31 ans, cheffe, divorcée et mère de trois enfants. La jeune femme est coincée entre la violence d'ne ville fermée à double tour et celle d’une famille très conservatrice (MUNCHIES ne mentionne que son prénom par respect de la vie privée). Pour elle, la nourriture est autant la source de nombreux plaisirs que le symptôme des souffrances et des pressions qu’elle subit.La bouffe est comme un miroir des forces et des intérêts en présence à Gaza. Ces mêmes éléments qui sont à l’origine des crises humanitaires et des explosions de violence.
Lorsque le blocus a commencé, les Gazaouis pouvaient atténuer les conséquences du siège en important toutes sortes de choses par des tunnels reliés à la péninsule du Sinaï, chez le voisin égyptien.
En 2009, les pâtes et les lentilles ont été retirées de la liste des produits interdits après une visite dans la bande de Gaza du sénateur américain John Kerry
Au fil des décennies, des produits comme la farine blanche, le riz, l’huile de colza ou le lait en poudre de mauvaise qualité distribués par le programme d'aide de l'ONU ont laissé des traces, tant dans l’évolution des recettes de la cuisine gazaouie que sur la santé générale de la population.
Il ajoute : « C’est ainsi que se comportent les partis politiques en Palestine. Ils donnent la priorité à leurs membres. Et il en allait de même pour l’Autorité palestinienne. Lorsqu’ils recevaient de la nourriture, est-ce qu’ils en donnaient à tout le monde ? Non. Je connais pas mal de personnes pauvres qui ne sont pas affiliées au parti et qui ne reçoivent aucune aide. Elles ne reçoivent rien aujourd’hui, mais elles ne recevaient rien quand l’Autorité palestinienne était au pouvoir. »Israël accuse le Hamas d’utiliser son argent et ses ressources pour construire de nouveaux tunnels afin de faire passer des armes et d’alimenter la violence plutôt que d’aider sa population, pourtant victime du sous-développement.À Gaza, de nombreux Palestiniens m’ont confié être en colère contre les dirigeants du Hamas qui vivent dans l’opulence pendant que d’autres bataillent afin d’avoir de quoi manger et un toit où dormir. Mais tant que Gaza est en état de siège, ajoutent-ils cette frustration n’aura aucune issue productive. Au lieu de ça, les problèmes des Gazaouis s’alimentent les uns les autres.« On peut améliorer un tout petit peu les conditions de vie de la prison, mais ça reste une prison », lâche Shaban.Les réductions de financement de l’UNRWA ne sont que le dernier coup porté à l’édifice déjà chancelant d’une société et d’une économie exsangues. Après tout, pour comprendre la bêtise qu’implique le fait d’utiliser la nourriture comme une arme, demandez simplement à un Gazaoui ce qu’il mange, et pourquoi.Ghazi M. Mushtaha, 45 ans, est le propriétaire de l’une des sociétés de crème glacée les plus populaires de Gaza : Eskimo el Arousa. Au cours des deux derniers étés, comme il me l’expliquait, il a dû stopper sa production. En effet, les générateurs destinés à faire tourner sa fabrique coûtent trop cher, et les gens ne peuvent pas payer l’électricité destinée à garder les glaces au frais. Avant l’arrivée du Hamas et l’état de siège, il vendait souvent en Cisjordanie et avait quelques contrats en Israël. Dans son bureau, il conserve encore une photo de lui il y a 25 ans, arborant une moustache noire et un grand sourire, à Tel Aviv.« On a déjà connu des problèmes similaires lors des trois dernières guerres. Mais cette fois, la situation est plus dure à vivre », raconte-t-il. « Maintenant, quand j’ai soif et que vous me donnez un petit verre d’eau, j’ai l’impression que c’est trop. »« On peut améliorer un tout petit peu les conditions de vie de la prison, mais ça reste une prison. »
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