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Sérieux, qui a besoin d'une « tournée anti-racailles » ?

Génération Identitaire veut « protéger les honnêtes gens » du réseau Transpole.

Des membres de Génération Identitaire, lors de leur première tournée de sécurisation organisée le 14 mars. Photo via

Le 25 mars dernier, des membres du groupe d’extrême droite « Génération Identitaire » ont initié leur deuxième « tournée de sécurisation anti-racailles » dans le métro à Lille. Des K-ways jaunes floqués sur le dos, les militants étaient une trentaine dans les stations et les rames de Transpole, le réseau de transports en commun de la métropole, pour « patrouiller » et « protéger les honnêtes gens » face à « l’inaction de Transpole et des forces de l’ordre ». Le groupuscule a expliqué vouloir imposer « une présence dissuasive aux bandes de racailles qui agressent et volent en toute impunité ».

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L’initiative a été fort décriée, notamment par la Ligue des Droits de l’Homme, qui s’est fendue d’un communiqué pour s’insurger contre cette action des « identitaires » qui ne « visent qu’à faire de la propagande pour leur groupuscule d’extrême droite ».

Il faut dire que Lille a toujours été cette ville aplatie entre ce centre-ville au décor en carton pâte et sa périphérie (Lille Sud, Moulins, Porte des Postes, etc), plus roturière mais pourtant lentement mais sûrement gentrifiée depuis « Lille 2004 », lorsque la ville a été désignée capitale européenne de la culture. Vers le quartier de Wazemmes, quartier populaire de Lille qui craignait encore il y a 5 ans, on trouve désormais de nombreux touristes anglais sur la place du marché et les étudiants en chemise « Façonnable » aux cols relevés n’ont plus peur d’aller boire un mojito ou deux dans les bars anciennement prolos.

Ça fait un moment que je vois des Lillois râler sur la supposée « politique d'intégration » de Martine Aubry, qui essaye tant bien que mal de faire ouvrir des lieux culturels dans les quartiers chauds pour les « re-dynamiser ». Selon beaucoup de blogueurs du coin, l'intégration n'est qu'un argument politicard puisque ces nouvelles antres de la culture n'intéressent pas vraiment les riverains (qui préféraient sans doute voir leurs quartiers rénovés) mais seulement les étudiants et les bobos du Vieux-Lille qui se rendent à leurs petites soirées dans un esprit très « couloir humanitaire ». En bref, on reproche à la politique culturelle de Lille de ne profiter qu’aux CSP+ quand elle n’est pas carrément le symbole d’un mépris de classe.

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Dix ans après, les choses n’ont pas changé. Sur LaBrique.net, un journal d’enquête sur le Nord, on explique qu’un quartier comme Lille Sud, « enclavé derrière le périphérique », connaît « un taux de chômage oscillant entre 30 et 40% » et « concentre une importante population d’origine immigrée » se trouvant « à mille lieux de la culture élitiste » de Martine Aubry. Il faut croire que c’est dans ce contexte grandissant de fracture sociale que les mecs de Génération Identitaire ont voulu tirer leur épingle du jeu. Pour mieux comprendre ce qu’ils avaient dans la tête quand ils ont imaginé ces « tournées anti-racailles », je me suis entretenue avec Aurélien Verhassel, qui est à la direction de « Génération Identitaire Flandre - Artois - Hainaut ».

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VICE : Pour quelle raison avez-vous décidé d’organiser ces « tournées anti-racailles » ?
Aurélien Verhassel : Elles ont été lancées dans le cadre de la campagne « Génération Anti-Racailles ». Nous considérons que les jeunes sont parmi les principales victimes de l’explosion de l’insécurité dans notre pays. Dans les transports, dans les lycées, dans nos quartiers, dans nos sorties, nous devons vivre avec cette réalité. Et peu nombreux sont ceux qui n’ont jamais eu à faire face à des insultes ou à subir un vol, quand il ne s’agit pas carrément de violences ou même d’agression sexuelle.

Comment s'est passée la tournée de sécurisation que vous avez organisée ?
Nos quatre tournées de sécurisation se sont parfaitement passées et ont porté leurs fruits. Notre présence suffit à faire fuir les bandes de racailles hors du métro. Grâce à notre présence, ils ne peuvent en effet plus commettre leurs méfaits en toute impunité. Les réactions des usagers ont été très positives et ont accueilli ce collectif de la jeunesse vigilante avec beaucoup de sympathie.

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Les forces de l’ordre et agents de médiation du métro ne suffisent-ils pas pour gérer ce type de problème ?
Face aux bandes haineuses, les jeunes Français et Françaises sont trop souvent isolés, apeurés. Parce qu’on ne les a pas préparés, parce qu’on ne leur a pas enseigné la solidarité, parce qu’on ne leur a pas appris à faire face. Nous voulons rompre cet isolement, montrer aux jeunes qu’ils peuvent et doivent se défendre, et faire comprendre à la racaille que la récréation est terminée. C’est tout le sens de la campagne « Génération anti-racailles » dont le mot d’ordre est clair : Ils ont leur bande, rejoins ton clan – face à la racaille tu n’es plus seul !

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Trouvez-vous réellement que la délinquance a augmenté à Lille ces derniers temps ?
Sans aucun doute ! Nous pouvons l’observer chaque jour dans les transports en commun de la métropole lilloise, devant les lycées, les universités, à la sortie des discothèques et des soirées. Le bilan annuel de la mairie de Lille est accablant. Ce document devait être gardé secret, mais un journaliste de la Voix du Nord se l’est procuré et l’affaire a éclaté au grand jour (article VDN du 5 février 2014). Nous avons pu constater une explosion de l’insécurité : augmentation de 65% des vols avec violence de janvier à août 2013.

Vous êtes accusés par la LDH de faire « la propagande pour votre groupuscule d'extrême droite et pour un ordre moral stigmatisant surtout les étrangers et les catégories sociales défavorisées »…
La LDH devrait plutôt s'inquiéter de l’insécurité. M. Gérard Minet (Ndlr, secrétaire régional de la LDH) nous accuse de « stigmatiser les jeunes et les catégories sociales défavorisées ». C'est un comble : nous sommes un mouvement de jeunes et il y a certainement plus de personnes en difficulté sociale parmi nos adhérents et nos soutiens qu'au sein de la LDH. Par ailleurs, ce sont aussi ces mêmes jeunes et les « catégories sociales défavorisées » qui ont le plus à souffrir de l'insécurité, ne pouvant se mettre à l'abri comme les amis de M. Gérard Minet. Si la préoccupation de M. Gérard Minet est réellement la préservation des Droits de l'Homme, et non la basse propagande politicienne, alors celui-ci devrait surtout s'inquiéter de l'augmentation des violences qui met à mal un droit fondamental : celui de pouvoir se déplacer et vivre en sécurité. À défaut, qu'il ne reproche pas à d'autres de le faire.

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Mais en quoi le service de sécurité de Transpole est-il inefficace selon vous, malgré les 450 agents de médiation et 3.600 caméras embarquées déjà présents sur le réseau ?
Nous avons reçu de nombreux témoignages du personnel de Transpole (conducteur de tram, médiateur etc.) ; ces derniers vont tous dans le même sens et regrettent le « tout contrôle » qui selon les syndicats « se fait au détriment de la sécurité » des voyageurs. Le temps d’intervention est bien trop long et les « médiateurs » n’ont aucune utilité. C’est pour cela que nous proposons de les remplacer par une police métropolitaine des transports en commun.

Sauf que vous allez jusqu’à parler de « tournée anti-racailles ». Cette dénomination n'est-elle pas vouée à la polémique ?
Chez les Identitaires, il n’y a aucun tabou. Nous n’appelons pas ces bandes, des « jeunes » comme se plaisent à le faire les médias pour dissimuler ce prétendu « vivre-ensemble » qui vire au cauchemar. Les contorsions sémantiques ne suffisent plus à occulter ce que les citoyens vivent chaque jour dans nos rues…

En attendant, l’expression reste très stigmatisante et ce vocabulaire emprunt de fracture sociale met certainement un peu plus d’huile sur le feu… D’autres tournées sont-elles prévues ?
La présence policière a été renforcée dans le métro ces derniers temps. Nous nous en félicitions ! Comme nous l’avions indiqué, nous n’étions pas la pour nous substituer à la police, mais pour alerter les pouvoirs publics. En tant qu’aiguillon politique, nous appuyons la où ça fait mal pour faire réagir. Si la mairie et les forces de l’ordre font leur travail, ces tournées n’ont plus lieu d’être. Nous ne nous interdisons pas d’y retourner. Et nous pouvons d’ores et déjà vous annoncer que des tournées de sécurisation auront lieu dans d’autres villes de la région et dans le reste de la France.

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