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J’étais l’un des plus grands trafiquants de LSD dans les années 1970

Un ancien dealer nous parle de l'âge d'or de l'acide et de l'opération policière qui l'a conduit sous les verrous.

Leaf Fielding, lorsqu'il était membre d'un réseau de production de LSD. Photo publiée avec son aimable autorisation.

Le mois dernier, j'ai rencontré Stephen Bentley, l'un des agents infiltrés impliqués dans la plus grande saisie d'acide au Royaume-Uni. Je voulais connaître les hauts et les bas de l'opération et les séquelles psychologiques qu'elle avait causées. Vu l'état actuel désastreux de la guerre contre la drogue, je m'attendais à un retour de bâton dans les commentaires, mais certainement pas à des propos aussi haineux.

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Par exemple, quelqu'un traitait Bentley de « raté » et de « cinglé ». Pour être honnête, j'ai beau désapprouver l'interdiction du LSD, Bentley n'était pour moi qu'un mec décent qui faisait son job. Quand vous êtes flic, vous n'êtes pas vraiment en mesure de choisir quelle loi vous soutenez ou non.

Dans cet article, Bentley m'avouait être rongé par la culpabilité. Il se demandait si ceux qu'il avait mis derrière les barreaux lui en voulaient encore. Après avoir lu les commentaires, j'étais à mon tour curieux de savoir ce qu'il en était. Les hippies emprisonnés à la suite de l'opération étaient-ils autant en colère contre lui que les gens qui commentaient l'article ? Ou bien étaient-ils restés fidèles à leur philosophie « peace and love » ?

Afin d'en avoir le cœur net, j'ai contacté Leaf Fielding, l'un des acteurs majeurs de ce réseau de narcotrafiquants – qui a également écrit un livre à ce sujet. J'en ai profité pour l'interroger sur son rôle, histoire d'en savoir plus sur l'organisation du plus gros gang de trafic d'acide de l'histoire du Royaume-Uni.

VICE : Salut Leaf. Comment t'es-tu retrouvé impliqué dans ce réseau ?
Leaf Fielding : J'avais 18 ans la première fois que j'ai pris du LSD. Je n'avais jamais consommé de drogues auparavant et je n'avais pas la moindre idée de ce que j'étais en train de faire. Au bout de quelques heures, j'étais convaincu d'avoir trouvé l'élixir de la vie – la substance qui mettrait un terme à la guerre froide et restaurerait la paix et l'harmonie au sein de l'espèce humaine. L'acide a changé ma vie pour toujours ; mon monde en noir et blanc était soudainement passé en couleur. Tout me semblait être une danse d'énergie chatoyante.

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C'est à ça que ressemble un trip généralement. Quelle a été l'étape suivante ?
J'ai abandonné la fac et ai rejoint le mouvement hippie. Le LSD liquide a fait son apparition à Reading et je suis devenu l'un des deux dealers qui en vendaient. Lorsque les stocks se sont épuisés, j'ai décidé de partir sur la route, inspiré par Kerouac. J'ai pris le ferry jusqu'à Calais, ai marché et fait du stop jusqu'à la Méditerranée. J'ai passé quelques années à voyager, surtout en Asie. Par la suite, on m'a proposé de bosser pour la branche londonienne de l'organisation car je venais de réussir une mission en Thaïlande – j'avais envoyé au Royaume-Uni plusieurs kilos de l'herbe la plus puissante au monde.

En quoi consistait ton job ?
Le laboratoire m'envoyait dix grammes de cristal d'acide. Mon travail consistait à transformer cette poudre cristalline en 50 000 doses égales. Après l'avoir dissoute dans une certaine quantité d'eau, j'ajoutais une autre poudre, un peu de colorant et je mélangeais soigneusement jusqu'à obtenir une pâte ferme. Avec des gants, je frottais la pâte sur 50 planches en plastique – chaque planche était percée de 1 000 trous – jusqu'à ce que tous les trous soient remplis. Enfin, je les faisais sécher sur des étagères.

Les pilules se contractaient légèrement, ce qui permettait de les adapter plus facilement au 51e panneau – qui comportait des pointes et non des trous. Ensuite, il fallait récolter les doses et les ranger dans un petit sac en plastique. Pour 50 000 doses, ce processus prenait quelques heures. Après avoir accidentellement surdosé des pilules, j'ai dû échanger de poste avec un ami – je suis devenu distributeur.

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Soupçonnais-tu une infiltration ?
Pas jusqu'à l'approche du moment fatidique. En réalité, j'ai été la dernière personne à être identifiée comme faisant partie du réseau. J'ai été trahi par les écoutes téléphoniques. L'opération policière visait principalement la branche galloise, or c'est le groupe londonien qui produisait la majeure partie de l'acide.

Éprouves-tu un ressentiment à l'égard de Bentley et de ses collègues ?
Bentley m'a interrogé, mais je n'ai rien contre lui. Le problème c'est qu'en rejoignant la police, il a endossé une responsabilité à vie. Dans la police et dans l'armée, vous devez faire ce qu'on vous dit de faire, et surtout, vous devez en assumer les conséquences.

Il a lui-même consommé de la drogue dans le cadre de l'opération. Qu'en penses-tu ? Certaines personnes semblent assez en colère à ce sujet.
Ce qui n'a rien d'étonnant. Il a violé une loi qu'il défendait. C'est d'une hypocrisie sans nom. Je comprends que les dirigeants de l'opération Julie aient jugé cela nécessaire, mais ça leur a fait perdre toute légitimité.

Les médias ont présenté cette opération comme étant le fer de lance de la guerre contre la drogue. Qu'en penses-tu ?
La guerre contre la drogue avait déjà débuté. L'opération Julie en a fait la publicité, c'est tout.

Tu as passé cinq ans en prison. Comment était-ce ?
C'était horrible. Heureusement, nous étions considérés comme des gros bonnets, ce qui nous a conféré un certain statut – les autres taulards ne nous en ont pas fait baver. Mais, bien sûr, le simple fait d'avoir été enfermés pendant autant d'années a eu un effet significatif sur nous.

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Leaf aujourd'hui

Qu'as-tu fait de ta vie depuis ta libération ?
J'ai tourné la page de mon incarcération en voyageant en Inde pendant un an. Cela m'a permis de me débarrasser des poisons émotionnels qui rongeaient mon système nerveux. J'ai également suivi une formation pour devenir professeur et ai déménagé en Espagne. Là-bas, j'ai dirigé une école de langue pendant plusieurs années.

Après avoir gagné 10 000 euros au loto, je suis parti en vacances au Malawi avec un ami. Mais, après avoir été témoin de la détérioration du pays et des ravages du sida, je suis retourné en Europe, bien déterminé à construire un orphelinat pour héberger les enfants sans abri. Grâce aux 13 000 euros que j'ai récoltés, j'ai pu construire l'auberge Warm Heart. Elle a ouvert ses portes en 2003. Ce n'était qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais au moins j'ai eu l'impression de faire quelque chose.

Consommes-tu encore des psychotropes aujourd'hui ?
J'ai avalé des champignons à plusieurs reprises après ma libération, mais je pense en avoir terminé avec les psychotropes – même si je ne peux pas l'affirmer définitivement.

Merci, Leaf.

Vous pouvez en apprendre plus sur l'implication de Leaf dans le réseau de trafic d'acide dans son livre To Live Outside the Law. Il bosse actuellement sur un second livre intitulé Leaf by Leaf : Adventures on Four Continents .

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