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Santé

Contraception pour tous : le Français qui a créé la pilule pour hommes

Ça fait 40 ans que Pierre Collin lutte pour la non-reproduction de l'être humain.
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L'appareil reproducteur de l'homme, extérieur et intérieur. Image via Wiki Commons.

Pierre Colin est le co-fondateur d' ARDECOM, association pour la recherche et le développement de la contraception masculine. Il a une solution afin d'anéantir la procréation et l'espèce humaine. Celle-ci consiste en une injection intramusculaire d'hormones hebdomadaire censée stopper tout effort de spermatogenèse. Il l'appelle la pilule pour hommes.

Pourtant, lorsque j'ai recherché de la documentation quant à l'existence d'une version masculine de la pilule sur Internet, je me suis d'abord heurté à un mur. En effet, j'ai dû descendre nombre de pages Google et tomber sur plusieurs forums vaguement médicaux et très obscurs ; à chaque fois, les utilisateurs de ces derniers revenaient sur de vagues rumeurs, rarement corroborées. Aussi, tous les sites consultés mettaient en avant l'absence de commercialisation d'un éventuel contraceptif masculin. Puis enfin, j'ai trouvé le site ARDECOM.

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Celui-ci s'ouvre sur un prologue introductif à l'histoire de l'association. On comprend qu'il s'agit d'une initiative commune de quelque 200 intellectuels hippies qui à la fin des années 1970, selon les dires du site, « avaient envie de se retrouver sur une autre mode que celui habituel des hommes : joutes verbales, connivences dans l'alcool ». Plusieurs de ces derniers, nous apprend-on plus loin, « avaient été confrontés (douloureusement) aux avortements de leurs partenaires ». En réaction, et par solidarité envers les femmes, cette joyeuse troupe a donc choisi de s'ôter volontairement tout pouvoir de reproduction.

Le médicament fut testé la première fois en 1976, puis mis sur le marché français quelques années plus tard. De son côté, Pierre Colin a tenté de démocratiser la pratique chez la gent masculine depuis 1978. Mais le problème, c'est que sa découverte n'a jamais pris.

Réunions, coups de gueule au Ministère de la santé, collaborations avec le Planning familial, Pierre Colin a tout essayé. Mais les résultats ne sont guère fameux. En France, seulement 1 500 hommes l'ont testée. Soit 0,0046 % de la gent masculine hexagonale. Un chiffre objectivement faible au vu des 38 ans de lutte acharnée de Pierre Colin et sa bande. C'est tout sauf étonnant quand on sait que seuls 15 % des hommes en France font usage du préservatif, selon les chiffres de l'INED. Je lui ai passé un coup de fil histoire d'en savoir plus sur son combat et sa haine de la reproduction.

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VICE : Pouvons-nous prendre votre médicament sans craindre des transformations physiques trop importantes ?
Pierre Collin : À part une légère prise de poids, je peux vous dire que la pilosité reste la même. Et surtout, on continue de bander comme avant. Il ne faut pas voir la prise du médicament comme une défaite ou une éventuelle perte de virilité. La pilule pour homme est faite pour que notre corps ne perde rien en testostérone.

Jeudi 17 mars sur Europe 1, le docteur Gérald Kierzek a évoqué l'avancée de chercheurs américains sur la commercialisation d'une vraie pilule masculine. Les voyez-vous comme de possibles concurrents ?
Son intervention n'a amené aucune info. On ne sait pas de quel scientifique on parle, ni de quand ce produit pourrait être commercialisé… C'est totalement nul.

OK. Qu'est-ce qui vous fait penser cela ?
Eh bien, quand on l'entend parler, on pourrait penser que la contraception masculine n'existe pas déjà. Ce qui nous fait chier dans ce genre d'interventions publiques, c'est que des types comme lui font croire aux gens que la contraception masculine n'est pas au point. Que c'est une affaire qui viendra demain alors qu'elle est tout à fait utilisable aujourd'hui. Et depuis longtemps ! La contraception masculine ce n'est pas le futur, mais le présent ! On se tue à le relayer en France.

Comment la contraception masculine est-elle perçue, en Europe ?
En France, et souvent dans le monde, la contraception masculine est pensée comme étant non naturelle. Ce genre d'interventions nous dessert grandement. Que vont se dire les femmes en écoutant ça ? Qu'on est très loin d'une solution masculine et de partage de la contraception ?

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Il existe aussi un slip contraceptif – c'est la méthode dite « thermique ». Il suffit de remonter les testicules dans leur logement initial pour faire monter la température et donc stopper la spermatogenèse.

Comment peut-on faire pour se faire prescrire un contraceptif lorsqu'on est un homme en France ?
Tout homme peut le faire via des injections hormonales qui existent et sont en vente en pharmacie. Malheureusement, les médecins Jean-Claude Soufir et Roger Mieusset sont les deux seuls praticiens qui la prescrivent en France depuis trente ans maintenant. Les autres ne savent même pas que la contraception hormonale masculine est possible. Demandez à votre médecin généraliste, ou à votre gynécologue : ils vous diront qu'elle n'existe pas. Alors même que 1 500 Français l'ont pratiquée et la pratiquent chaque jour.

Comment expliquez-vous ça ?
C'est parce qu'on a un corps médical assez réactionnaire en France. La preuve, on a fait une réunion à Rennes où l'on était 80… Seuls trois mecs étaient vasectomisés.Il s'agissait de jeunes hommes de 30 à 35 ans.

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Schéma explicatif de la vasectomie. Image via Wiki Commons.

Quand vous est venue l'idée de la prendre et d'en faire votre combat ?
Tout a commencé en 1978. J'avais une trentaine d'années, j'étais marié et j'avais déjà des enfants. On a créé plusieurs groupes de parole avec des amis, qui pensaient comme moi que la sexualité était l'affaire d'une femme et d'un mec. Les deux, quoi. On ne voyait pas pourquoi les femmes devaient assumer seules ce fardeau.

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Proposer ça il y a presque quarante ans, c'était assez fou non ?
Pas vraiment. Nous, on était des conjoints de féministes à fort caractère. Elles ont fait de nous des sortes de féministes, mais à l'envers. Puis nos réunions de l'époque rameutaient plus de monde qu'aujourd'hui. Avant, on rassemblait 100 personnes facile. Aujourd'hui ça va de trois à vingt, parfois un peu plus. C'est inégal.

En effet. Le livre du docteur Jean-Claude Soufir, La Contraception masculine , vous a-t-il fait franchir un cap ?
Ça a été une rencontre formidable. En plus d'être docteur, Jean-Claude Soufir est endocrinologue. Il a donc souvent affaire à des couples où la femme ne peut plus prendre de contraception. Il a voulu noblement répondre aux besoins de ces couples.

J'ai entendu dire que le port d'un slip spécial pouvait se substituer à la pilule contraceptive.
C'est effectivement le cas. C'est la méthode dite « thermique ». On part du principe que les testicules sont à l'extérieur du corps, dans les bourses. Du coup, leur température est de 2 °C au-dessous de celle du corps humain. Il suffit alors de les remonter dans leur logement initial pour faire monter la température et donc stopper la spermatogenèse. Cela se fait via un slip particulier qu'il est possible de faire coudre par des couturières professionnelles, sous les conseils du docteur Roger Mieusset du CHU de Toulouse. D'ailleurs il n'est pas dit que dans le futur, des marques de mode comme Dior ou Louis Vuitton en fassent des objets de mode. Des slips contraceptifs à motifs!

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Parlez-moi des autres solutions qu'un homme a pour sa contraception.
Il y a bien évidemment la vasectomie, autorisée depuis 2001. C'est une technique chirurgicale qui consiste à sectionner les canaux qui servent au transport des spermatozoïdes. Elle ne nécessite qu'une anesthésie locale. Seulement 1 % des hommes y ont recourt en France. En Grande-Bretagne, ils sont 20 %. Et au Canada bien plus. Tout comme dans le nord de l'Europe.

La vasectomie est-elle définitive ?
Non, elle ne l'est pas. Les canaux sont dans la majorité des cas réutilisables. Puis, si ça peut vous rassurer, vous pouvez toujours mettre de côté du sperme avant l'opération. Toutes les méthodes que je vous ai énoncées sont reconnues par l'OMS.

Très bien, merci Pierre.

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