Les Meilleurs ennemis du Moyen-Orient

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Les Meilleurs ennemis du Moyen-Orient

Assassinats de scientifiques, joutes verbales et menaces d'attaques : un aperçu de la guerre de l'ombre que se mènent Israël et l'Iran.

Photo de une : Un homme qui brûle des drapeaux israéliens lors de la « Journée mondiale d'Al-Quds (Jérusalem) » à Téhéran, en Iran, le 28 octobre 2005. Vahid Salemi / AP Photo

L'actualité iranienne est sans doute l'une des plus riches du Moyen-Orient. Le 3 janvier, suite aux violences qui ont gagné l'Iran au lendemain de l'exécution du cheikh chiite Nimr al-Nimr par l'Arabie saoudite, le ministre saoudien des Affaires étrangères a annoncé la rupture des relations diplomatiques entre son pays et Téhéran. Dans la foulée, Riyad a exigé « le départ sous 48 heures des membres de la représentation diplomatique iranienne » présents sur son territoire. Suite à ce regain de tensions entre les deux pays, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Bahreïn et le Soudan ont eux aussi décidé de réduire leurs relations avec Téhéran et de rappeler leurs ambassadeurs en poste dans le pays des ayatollahs.

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Quelques jours plus tard, le 12 janvier, alors que les États-Unis et l'Iran s'étaient rapprochés suite à l'accord sur le nucléaire scellé l'été dernier, les Gardiens de la révolution islamique ont arraisonné deux navires légers américains après leur entrée « illégale » dans les eaux territoriales iraniennes du Golfe. L'incident faisait suite à un exercice de tirs de roquettes iraniennes à proximité de bâtiments de la marine américaine dans le détroit d'Ormuz fin décembre dernier. L'action des dix marins ayant été jugée « non hostile et non destinée à faire de l'espionnage », ils ont finalement été libérés le lendemain dans les eaux internationales.

Si ces deux récents événements ont mis de nouveau la République islamique d'Iran à la une des journaux internationaux, le pays a, ces dernières années, fait bien plus souvent parler de lui en Occident pour ses relations houleuses avec Israël – avec lequel il entretenait pourtant des relations cordiales jusqu'en 1979, date de la Révolution islamique, et auquel il a pourtant acheté des armes durant sa guerre avec l'Irak. En janvier 2010, Efraim Halevy, ancien directeur du Mossad, les services de renseignements israéliens, déclarait : « Nous sommes en guerre contre l'Iran. La plus grande partie de cette guerre est clandestine. Et les deux parties ont intérêt à ce qu'elle reste secrète. » Néanmoins, récemment, à plusieurs reprises, la guerre froide ou « guerre secrète » que se mènent ces deux pays a bien failli se transformer en véritable conflit armé.

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À l'occasion de la diffusion de « False Flag » sur Canal +, série dans laquelle cinq citoyens israéliens ordinaires se retrouvent accusés d'avoir enlevé le ministre de la Défense iranien – scénario inspiré par le meurtre d'un dirigeant du Hamas en 2010 à Dubaï –, on a voulu se repencher sur les relations qu'entretiennent les deux pays, et particulièrement sur quelques-uns des événements de ces dernières années qui ont ravivé le plus de craintes ou provoqué le plus de remous.

Les provocations de Mahmoud Ahmadinejad

Quelques mois après son élection, à l'été 2005, Mahmoud Ahmadinejad, le nouveau président iranien, annonce adhérer aux propos de l'ayatollah Khomini selon lesquels « le régime occupant de Jérusalem doit disparaître de la page du temps » (propos ayant été traduits en anglais par « Israël doit être rayé de la carte » par l'agence de presse officielle de la République islamique). Peu après, lors d'un entretien télévisé, l'homme déclarait : « Certains pays européens persistent à dire que, durant la Seconde Guerre mondiale, Hitler brûla des millions de Juifs et les mit dans des camps de concentration. Tout historien, commentateur ou scientifique mettant en doute cela est mis en prison ou condamné. Bien que n'étant pas d'accord avec cette vision, à supposer que cela soit vrai… si les Européens étaient honnêtes, ils devraient céder quelques-unes de leurs provinces (…) aux sionistes et les sionistes pourraient alors créer leur État en Europe. Proposez un endroit en Europe et nous soutiendrons cette proposition ! »

L'année suivante, le régime iranien organisait une « conférence sur la réalité de l'Holocauste ». Rassemblant des « universitaires européens », des rabbins antisionistes et David Duke, responsable du Ku Klux Klan, l'idée de la réunion est venue du président. « Nier l'Holocauste est une immense insulte. En tenant cette conférence, le gouvernement insulte encore la communauté juive », avait alors déclaré Moris Motamed, unique député juif au parlement iranien.

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En 2009, face à des fidèles qui scandaient « Mort à Israël », Ahmadinejad s'en prenait de nouveau violemment à l'État hébreu tout en continuant à nier la Shoah : « Ils [les Occidentaux] ont lancé le mythe de l'Holocauste. Ils ont menti (…). Si vous prétendez que l'Holocauste est une réalité, pourquoi ne pas autoriser une étude ? (…) Le prétexte pour la création du régime sioniste est faux (…). C'est un mensonge basé sur une affirmation infondée et mythique. (…) Affronter le régime sioniste est un devoir national et religieux. »

Largement commentées, les innombrables vindictes et provocations de l'ancien président ont été condamnées par de nombreux gouvernements. En 2005, les responsables israéliens avaient quant à eux réagi en appelant à l'expulsion de l'Iran de l'ONU.

Petits meurtres entre ennemis

Le 11 janvier 2012, l'assassinat d'un professeur d'université iranien a porté à au moins quatre en deux ans le nombre de scientifiques liés à la recherche nucléaire victimes d'attaques ciblées. Tous ont été tués via un mode opératoire sophistiqué, ce qui traduit le savoir-faire des instigateurs de ces opérations. Ainsi, deux d'entre eux ont été victimes de la déflagration d'une bombe magnétique posée en pleine course par des motards alors qu'ils se trouvaient au volant de leur voiture, en plein cœur de Téhéran.

Moins de deux heures après le meurtre, Mohammad Rez Rahimi, premier vice-président iranien de l'époque, a accusé Israël et les États-Unis. « Cette action terroriste commise par les agents de l'oppression [les États-Unis, NDLR] et du régime sioniste [Israël, NDLR] vise à empêcher nos scientifiques de servir [leur pays], mais ils doivent savoir que ceux-ci sont plus déterminés que jamais (…) à avancer sur le chemin du progrès scientifique », a-t-il déclaré. « Israël est responsable de cet attentat. La méthode ressemble à celle utilisée dans les [autres] attentats contre les scientifiques iraniens », a quant à lui annoncé le vice-gouverneur de Téhéran.

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Comme pour les autres assassinats, les dirigeants israéliens se sont abstenus de tout commentaire, apportant ni démenti ni confirmation. Néanmoins, à l'été 2011, une source du Mossad avait confié au Spiegel qu'un précédent meurtre de scientifique avait été piloté par Israël.

Peu après ces attaques, trois hommes détenteurs d'un passeport iranien ont mené un projet d'attentat visant des diplomates israéliens à Bangkok.

Quand Israël et l'Iran frôlent la guerre

Depuis le développement du programme nucléaire iranien, les Israéliens affirment que leur État vit sous la menace constante d'une attaque – ce que dément Téhéran, qui explique que son programme a une vocation uniquement civile et non militaire. En 2005, citant des sources israéliennes, le Sunday Times annonçait que les forces armées israéliennes se préparaient à d'éventuelles frappes sur des sites secrets d'enrichissement de l'uranium en Iran, de sorte à empêcher le pays d'acquérir l'arme nucléaire.

Suite à la publication de ces informations, le porte-parole d'Ariel Sharon, ex-Premier ministre israélien, avait annoncé : « Israël n'a pas l'intention de lancer une attaque contre l'Iran, tant que toutes les options diplomatiques n'auront pas été épuisées. » Quelques mois plus tard, Shimon Pérès, vice-Premier ministre, déclarait que « l'Iran aussi [pouvait] être rayé de la carte ».

En automne 2010, afin de perturber l'activité d'enrichissement de l'uranium de l'Iran, Israël et les États-Unis avaient mis au point le virus informatique Stuxnet, qui avait provoqué l'arrêt d'un cinquième des centrifugeuses atomiques iraniennes.

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D'autres sérieuses menaces d'attaques ont suivi : en 2012, surtout, alors que le programme nucléaire iranien devenait de plus en plus préoccupant. À l'époque, des frappes militaires de Tsahal sur des centrales semblaient se préciser, à tel point que les autorités israéliennes avaient distribué des masques à gaz à toute la population, dans l'hypothèse de centaines de missiles iraniens ravageant le pays en signe de représailles. Selon le Wall Street Journal, un avion israélien aurait même effectué une mission de reconnaissance en Iran pour une future frappe contre le site nucléaire de Fordo. Craignant un embrasement général, les États-Unis auraient alors décidé d'envoyer un second porte-avion dans la région. La tension est finalement retombée peu à peu, Israël s'engageant quelques semaines plus tard sur un autre front (l'opération Pilier de défense, à Gaza), et Hassan Rohani devenant président de la République islamique d'Iran, jugé plus modéré que son prédécesseur Ahmadinejad par la communauté internationale – Netanyahou l'a néanmoins comparé à un « loup déguisé en mouton » après des propos polémiques sur le « régime sioniste ».

Plus récemment, en janvier 2015, un raid aérien israélien en Syrie a bien failli remettre le feu aux poudres. Tuant six combattants du Hezbollah libanais – dont deux hauts responsables – et six militaires iraniens – dont un général –, l'attaque a finalement été minimisée par les différents protagonistes et n'a pour l'instant pas provoqué de représailles de la part des deux alliés chiites.

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Aujourd'hui, alors que l'accord sur le nucléaire iranien signé l'an dernier entre Téhéran et les grandes puissances rentrera en vigueur dans les prochains jours, Israël continue à s'y opposer et à redouter d'éventuelles velléités belliqueuses de la part de l'Iran. Suite à l'essai d'une bombe H par la Corée du Nord en début d'année, le gouvernement de Benjamin Netanyahu a en effet affirmé craindre que Téhéran ne suive l'exemple. « Cet essai nord-coréen nous inquiète car il crée un précédent pour l'Iran. Il ne faut pas qu'il y ait un accord et qu'ensuite l'Iran se dote de l'arme nucléaire, a expliqué le ministre israélien de l'Énergie Youval Steinitz à la radio militaire. Un travail de renseignement approfondi est nécessaire pour s'assurer que l'Iran ne viole pas ses engagements comme l'a fait la Corée du nord. »

« La menace iranienne, qui constitue notre défi principal malgré l'accord nucléaire et sans doute à cause même de cet accord, est devenue plus tangible. L'Iran continue à appeler à la destruction d'Israël, à moderniser ses capacités militaires tout en renforçant sa main mise dans notre région », a récemment dénoncé Yossi Cohen, le nouveau chef du Mossad.

Ainsi, si un conflit armé entre les deux pays reste en suspens – et semble malgré tout peu probable car suicidaire et hautement complexe pour les deux parties –, la « guerre secrète » continue.

@GlennCloarec