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Une soirée au Barcraft : les nerds sont de sortie

Une soirée dans un pub passée à boire des bières et mater des combats de robots

Le weekend dernier, à Londres, j'ai assisté au premier Barcraft de l’année 2012. Si comme moi vous n’aviez jamais entendu le mot « Barcraft » auparavant, sachez que ça consiste à aller dans un bar mater des retransmissions de tournois de jeux vidéos – la plupart se déroulant à des milliers de kilomètres de là – sur écran géant. Ô surprise, là plupart des gens que j’ai rencontrés là-bas étaient de sexe masculin. Pour pimenter le tout, les joueurs (souvent, des sud-coréens), en cas de victoire, peuvent décrocher une grosse somme d’argent, et quelquefois se mettent à pleurnicher quand ils perdent.

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Tout ce petit monde s’était réuni du samedi au dimanche après-midi pour regarder en direct de longues parties de StarCraft 2. Dans ce jeu, vous devez construire une base, et constituer une armée pour la protéger. Puis, lorsque vous avez réuni suffisamment de petits soldats de l’espace, il est temps de partir à la recherche de la base ennemie pour la réduire en un tas de cendres fumantes.

Si vous avez déjà joué à Command & Conquer ou Warcraft  plus jeune, vous êtes déjà en terrain connu. Si vous étiez trop cool pour y avoir joué, pensez à une partie d’échecs, mais avec plus d’explosions et d’aliens. Si vous avez passé vos années collège à martyriser le genre de personnes suscitées, attendez-vous à le regretter, car, malgré l’absence notable de représentantes de la gent féminine, ma soirée Barcraft fut étonnamment agréable.

Bon, il faut admettre que les quelques photos prises par mes soins ce soir là ne rendent pas réellement justice à la soirée. Pour tout dire, ce n’était pas une mince affaire. Voici une photo prise dans le feu de l’action :

J’ai essayé de m’intégrer aux spectateurs pour mieux comprendre leur culture, mais je n’ai toujours aucune idée de ce que « wr 5 -game 1 nani frg.flv » peut bien signifier. Peut-être que si les organisateurs avaient voulu rendre tout ça un peu plus clair j’aurais pu comprendre, mais jetez juste un œil au bordel qu’était le menu spécial de ce soir là :

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Par une heureuse coïncidence, une unité de minerai brut récolté par les drones Terran dans le système solaire de Starcraft avait exactement la même valeur que la monnaie de nos voisins d’outre-Manche.

Les joueurs de Starcraft portent des pseudos qui sonnent comme des noms de drogues inconnues : Naniwa, Nestea, Marine King, DRG. Même les commentateurs, qui sortaient des blagues ésotériques et qui analysaient l’action entre deux battles, avaient des noms qui pourraient appartenir à des artistes de Hardstyle belge : TotalBiscuit, djWHEAT, JP, dApollo.

Quelquefois leurs commentaires étaient assez pertinents. D’autres fois, moins. Par exemple, des trucs de type, « C’est maintenant un véritable sprint vers la base, sauf que d’un côté nous avons un cul de jatte et de l’autre un homme en possession de ses deux jambes. Personne ne veut voir un cul de jatte se latter la gueule contre un homme muni de ses deux jambes. Personne ne veut être cul-de-jatte dans cette situation ». Tous ces trucs n’éclaircissaient pas vraiment l'atmosphère déjà opaque de l'événement pour les participants non-avertis comme moi.

Mais avec le temps, comme avec les commentateurs de foot, j’ai commencé à m’auto-convaincre de ma profonde connaissance de l’univers Starcraft. Sinon, pourquoi aurais-je opiné du chef lorsque il m’ont informé que Naniwa était « de loin celui qui avait le mieux utilisé les champs de force durant ce tournoi »?

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Sûr de moi, je décidai alors que j’en savais assez pour tenter une ou deux private jokes Barcraft.

La première personne avec laquelle j’ai engagé la conversation fut Anthony, 20 ans. Ayant une sainte horreur du foot, je pensais donc rentrer dans ses petits papiers en me moquant de ce sport. Mais il m’a vite avoué que le ballon rond et le jeu vidéo avaient pour lui beaucoup de choses en commun. « Beaucoup de gens y jouent juste pour le fun, mais peu atteignent le haut niveau. » Quand je lui ai demandé s’il avait déjà participé à un tournoi Starcraft comme on en voyait sur l’écran, il s'est écrié : « Non ! S’entraîner à gérer le macro et le micro en même temps, c'est vraiment super dur. » Je me suis senti un peu perdu parce que je n’avais aucune idée de ce dont il parlait. Je l'ai donc laissé à ses affaires.

Lui, c’est Florian Doyon, l’un des fondateurs du Barcraft londonien. Il m’a avoué qu’il s’était fait refouler de 40 pubs avant d'atterrir ici pour organiser le premier en Angleterre en juillet dernier, et qu’en Corée du Sud, StarCraft était considéré comme « le sport national », diffusé à la télévision tous les jours. Mais est-ce qu’il croit que ça pourrait s’imposer en Angleterre ?

« Regarde derrière toi, man. Plein de gens sont venus avec leur copine, mais tu peux voir que le mec préfère mater la partie avec les explosions sur l’écran géant plutôt que de l’écouter lui raconter ses problèmes existentiels. »

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Ce truc devient populaire à cause de ça ? Les mecs qui s’en branlent de leur copine ?

Il allait répondre, quand ce type – qui serait visiblement le « Nicolas Anelka des gamers » – est apparu sur l’écran. Tout le monde a commencé à s’exciter, et Florian est parti s’occuper de problèmes techniques.

Même si Florian avait raison quand il racontait que sa soirée attirait plus de « mecs normaux » que de « personnes jouant à d’autres jeux vidéos que FIFA », j'ai quand même trouvé quelques hardcore gamers qui trainaient dans le coin. En voici deux spécimens :

« Il m’avait raconté qu’on allait à Londres aujourd’hui, mais sans me dire ce qu’on y allait faire » m'a dit Sarah. « J’adore cet endroit ! C’est super sympa ! »

Il s’appelle Andy, et pense que l’eSport, le jeu vidéo de haut niveau, c'est « un peu comme du poker ». Mais attends deux secondes, est-ce que le poker est un sport, d'abord ? Pas grave, puisque tout le monde ici trouvait cet argument recevable.

« C’est un sport cérébral, beaucoup plus intéressant. Je préfère ça à tous les autres qu’on m’a obligé à regarder. Le cricket, le foot, le rugby, etc. »

À un moment, un joueur nommé « Huk » a perdu un match et s’est presque mis à pleurer. J’ai trouvé ça plutôt marrant.

Sam avait le parfait look du vétéran Barcraft qui a tout vu, tout entendu, et a été sympa de me résumer ce qui était en train de se passer. « Tu risques de voir des gens pleurer, ça arrive souvent. J’ai déjà vu des types s’énerver tellement qu’ils devaient être mis dehors par la sécurité quand ils perdaient. »

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Sérieux ? Pour un jeu vidéo ?

« En cas de victoire, ils peuvent gagner des dizaines de milliers d’euros. Je crois que pour le tournoi qu’on est en train de regarder, la récompense est de 27 000 euros. »

Mon dieu. Quelle est la chose la plus désespérée que les joueurs ont pu tenter lors d’un de ces tournois ?

« Le hacking, c’est la forme de triche la plus répandue. Une fois, une équipe s’est faite virer pour avoir hacké une autre équipe dont je faisais partie. C’était assez drôle. J’ai aussi vu des joueurs aller jusqu’à supplier d’autres joueurs de les laisser gagner parce qu’il avaient besoin de l’argent pour subvenir aux "besoins de leur famille". »

Dans un monde où les gosses préfèrent zoner sur leur PC au lieu d’aller taper dans un ballon au square, ce n’est pas si surprenant que l’humanité choisisse d’aller encourager un Coréen répondant au nom de « GanZi » – un chasseur de minerai imaginaire vivant sur une planète imaginaire. Mais si aller regarder des retransmissions d’un jeu de stratégie pendant 24 heures vous excite moins que mater la ligue 1, jouer au baby-foot ou organiser des combats à mort de furets affamés, j’ai peur pour votre virilité les gars.

Devenez de vrais hommes, commandez un « burger d’Urudask » au bar et venez admirer des gamins réaliser des prouesses dans une guerre intersidérale sans queue ni tête. Croyez-le ou non, le Barcraft pourrait bien vous plaire.