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Santé

Les pro-vie devront exhiber leurs photos de fœtus à plus de 50 mètres des cliniques d'avortements

Si le projet de loi 92 est adopté, il sera interdit de manifester, de quelque manière que ce soit, ou effectuer toute autre forme d'intervention à l'intérieur de ce périmètre de sécurité.
Photo : Flickr/Denis Bocquet

Exit les chapelets, les photos de fœtus et les manifestations à l'abord des cliniques d'avortement du Québec. Si le projet de loi 92 du ministre de la Santé Gaétan Barrette est adopté, le camp pro-vie devra se tenir à plus de 50 mètres de ces établissements.

Dans ce « périmètre de sécurité », il sera interdit de « manifester, de quelque manière que ce soit, ou effectuer toute autre forme d'intervention afin de tenter de dissuader une femme d'obtenir [une intervention volontaire de grossesse (IVG)] ou de contester ou de condamner son choix de l'obtenir ou de l'avoir obtenu », a rapporté Le Devoir.

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Selon le ministre Gaétan Barrette, les amendements proposés – et approuvés par l'opposition – vont garantir l'« accessibilité aux soins de santé ». Le quotidien indique que les manifestants qui dépasseraient la limite imposée par la loi seraient « passibles d'une amende de 250 $ à 1250 $ ». Ceux qui profèreraient des menaces ou qui intimideraient les femmes ayant recours aux cliniques d'avortement seraient obligés de débourser le double, soit 500 $ à 2500 $.

Les cliniques soulagées

Les cliniques Morgentaler, Fémina et L'Alternative ont applaudi l'adoption « de mesures visant à protéger la confidentialité, la sécurité et l'accès des femmes aux cliniques de planning et d'avortement », mardi, par voie de communiqué.

La nouvelle loi est une bonne nouvelle, et ce, même si ces cliniques sont déjà protégées des manifestants par des injonctions, d'après la directrice générale de la Clinique Morgentaler, France Désilet, qui s'est entretenue au téléphone avec VICE.

« Cette nouvelle loi va protéger tous les centres de planning. Et s'il y a un déménagement, ils vont aussi être protégés. Ce ne sera pas du pièce à la pièce. Ça protège tous les lieux au Québec, et il y en a une bonne soixantaine qui font des interruptions de grossesse. »

Une longue histoire de manifestations

La Clinique Morgentaler a eu plusieurs difficultés avec les manifestants par le passé, malgré qu'on ne rapporte aucun incident violent. Établi sur la rue Saint-Joseph, le centre est allé quérir une injonction il y a une vingtaine d'années. Tenus à distance, les manifestants ont poursuivi leurs activités dans le parc situé juste en face. « On vivait dans une bulle où on n'était pas contents, mais ça allait relativement bien », raconte Désilet.

Fin 2014, la clinique a ensuite déménagé sur la rue Berri, à proximité de la clinique Fémina. L'injonction, valide pour l'ancienne adresse, ne protégeait plus l'établissement. « Immédiatement ou presque, les manifestants se sont retrouvés directement devant la porte », se rappelle France Désilet.

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Écarté par une nouvelle injonction d'urgence, le clan pro-vie s'est tourné vers la clinique L'Alternative. « Elle a dû obtenir une autre injonction, et [les manifestants] ont dit en cour "On sait où sont les autres centres, on va se déplacer". Ils sont d'ailleurs allés manifester à Sainte-Justine à deux reprises au mois d'octobre », raconte la directrice de la Clinique Morgentaler.

Une législation tardive?

« On peut dire qu'on est en retard par rapport à d'autres provinces. Vancouver, ça fait 20 ans qu'ils ont leur injonction », remarque Désilet. La directrice juge que si la loi vient un peu tardivement, c'est que personne n'a mené la lutte au front. Elle évoque une longue période d'accalmie suivant la première injonction, rue Saint-Joseph. « Je dirais que notre déménagement a précipité une amplification des manifestations », évalue-t-elle.

France Désilet précise qu'avec l'injonction, la clinique était protégée par une zone de 100 mètres, soit deux fois plus que la loi actuelle. Elle assure cependant que la zone de 50 mètres proposée par Barrette lui convient, car il s'agit de la même zone protégée par la loi de Colombie-Britannique, et par la législation tout récente de Terre-Neuve, et que ces lois ont « passé le test de la Charte des droits et libertés canadienne », ce qui voudrait dire que la loi a de bonnes chances d'être adoptée.

La Clinique Morgentaler est présentement en attente d'un procès pour obtenir une injonction permanente, une avenue qu'elle ne pense pas poursuivre, mais qu'elle compte maintenir en attendant que la loi 92 soit en application.