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Mais que font tous ces compositeurs de B.O. dans les festivals ?


Photo – Jim Dyson

Lorsqu’on parle de festivals, il existe trois sortes de « non mais, sérieux ? » : ceux destinés aux grosses reformations, type Outkast, LCD Soundsystem et Guns N’ Roses, qui reviennent dans le seul et unique but de profiter du blé et des illusions les plus jeunes ; ceux destinés aux concerts censés célébrer la sortie d’un album plus ou moins légendaire (Television qui joue Marquee Moon au Primavera, Rogers Waters qui rejoue The Wall dans l’ordre, ou n’importe quel groupe à la con ayant sorti un disque il y a plus de 5 ans); et puis il y a ceux réservés à l’artillerie lourde, aux dinosaures de main stages—Elton John, Lionel Richie, Billy Joel ou Deep Purple.

Dans un contexte aussi déprimant, booker des compositeurs de B.O. est devenu une façon d’offrir au public une expérience nouvelle et unique. Internet a d’ailleurs perdu la tête quand le nom de Hans Zimmer est apparu aux côtés de PNL et Radiohead, sur l’affiche du prochain Coachella.

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En plus du musicien allemand de 59 ans, qui a composé la B.O. de plus de 120 films parmi lesquels Inception, Pirates des Caraïbes, True Romance, Rasta Rockett et Le Roi Lion, des compositeurs tels que John Carpenter, Giorgio Moroder et Philip Glass ont récemment fait leur baptême en festival, lors d’énormes évènements américains et européens, comme Pitchfork, Primavera, Wireless et Day for Night.

Un phénomène pas si surprenant que ça, finalement, les festivals utilisant ces artistes pour faire évoluer leur proposition musicale et s’adapter aux goûts de plus en plus larges de leur public.

« Vu que les festivals reposent de plus en plus sur des formules établies, on voit aujourd’hui pas mal de gros rassemblements présenter des affiches très similaires. Booker quelqu’un comme Hans Zimmer n’a rien d’innovant, c’est plutôt une mise à niveau », a déclaré Omar Afra, producteur du festival Day For Night à Houston. « Zimmer, Glass et les artistes qui repoussent les limites méritent leur place dans ces festivals autant que n’importe quel autre. Ils ont contribué à l’ADN de la musique que tout le monde écoute aujourd’hui. »

En effet, les bandes originales sont présentes dans l’inconscient collectif des festivaliers, qui ont tous un jour flippé devant Halloween ou chialé quand Mustapha a été mis à mort par ces putain de hyènes. Ou qui les ont découvert via les artistes qu’elles ont inspiré. 

M83 n’aurait peut-être jamais existé sans Vangelis et Zombie Zombie ne serait pas ce qu’il est sans John Carpenter. Et certains de ces artistes composent désormais à leur tour pour le cinéma, comme Junkie XL, à qui l’ont doit les B.O. de Oblivion, Deadpool et Mad Max: Fury Road, entre autres. Un des gros avantages des musiques de film, c’est qu’elles résistent à l’épreuve du temps et qu’elles traversent les générations—un argument de poids pour les organisateurs de festivals qui cherchent à attirer un maximum de monde, de 7 à 77 ans.

« J’ai un fils de 19 ans », poursuit Afra. « Et évidemment il connaît John Carpenter, parce que ses films sont des références de la culture populaire. Bien plus que pas mal de groupes et d’artistes qui ont disparu aussi vite qu’ils sont apparus. »

Lors de la dernière édition du Day For Night, John Carpenter a ramené avec lui un groupe de 5 membres comprenant son fils, son filleul et la section rythmique de Tenacious D, et une scénographie basée sur des extraits de ses films, d’Halloween à Los Angeles 2013. Selon Afra, le light show de Carpenter était au niveau de ceux proposés par les autres artistes électroniques de l’affiche. Programmé en même temps qu’Aphex Twin et Run The Jewels, le compositeur américain a rameuté une foule plus qu’honorable. En juin dernier, Carpenter s’est produit au Primavera, festival qui attire chaque année 100 000 personnes à Barcelone. 

« Primavera était incroyable », se souvient Carpenter. « J’ai regardé ces milliers de personnes agglutinées devant la scène et j’ai pensé ‘Oh mon Dieu, qu’est ce que j’ai fait ?’ C’était la première fois que je jouais dans un festival comme ça, et c’était superbe. J’ai adoré chaque seconde de ce concert. »

L’appétit du public pour les performances de B.O. en live n’a cessé d’augmenter ces dernières années, nostalgiose oblige. À L.A., John Williams a tenu une résidence d’un an au Hollywood Bowl, rejouant les partitions des Dents de la mer, d’Indiana Jones et de Star Wars. Même Skrillex avait prévu la tendance en balançant « The Circle of Life » en plein milieu de ses sets. Et il n’y a pas que les B.O. de films : à l’ère Netflix, les scores de séries sont, forcément, eux aussi convoqués à la fête. Le récent festival organisé par David Lynch à Los Angeles, comprenait un showcase dédié à la musique de Twin Peaks et le duo S U R V I V E (à qui l’on doit la B.O. de Stranger Things) croule sous les demandes de festivals depuis qu’il a joué l’intégralité du soundtrack de la série à Cracovie l’an dernier.

« Si le public aime et que les promoteurs et agents s’y retrouvent, où est le mal ? Ces mecs se font du blé ! » commente Carpenter, même s’il concède que tous les compositeurs ne sont pas faits pour les festivals. « Tout dépend de ce qu’ils ont fait, et du lien qu’ils peuvent établir avec les spectateurs. Je pense que Hans Zimmer est un choix excellent pour Coachella. Il va très bien s’en sortir parce que ses compositions sont connues de tous. »

Des gens comme Zimmer ont bien sûr besoin de plus d’investissement de la part des festivals—les répétitions, l’installation, le matériel pour les orchestres nécessitent plus de temps, d’argent et de main d’oeuvre que de brancher des guitares ou de placer deux platines sur une scène. Mais présenter un concert de musique classique dans un cadre non traditionnel représente un gros retour sur investissement, tout simplement parce que ce sont des expériences uniques. Booker ces compositeurs expose aussi le public à un savoir-faire musical avec lequel ils n’est pas forcément familier, lui qui est plus habitué aux tentes Quechua qu’au fauteuils des amphitéâtres.

« La majorité de la musique que tu entends pendant un festival est faite par des artistes qui n’utilisent que trois ou quatre couleurs », reconnaît Afra. « Hans ZImmer a une palette de mille couleurs. Il a développé une finesse absolue dans ses compositions. Certaines formes d’art nécessitent de la simplicité, d’autres de la complexité, et on a besoin de l’un comme de l’autre. »

Katie Bain est une journaliste basée à LA. Elle est sur Twitter.