Avec le mec qui a la connexion Internet la plus rapide des Etats-Unis

Que fait le mec qui possède l'Internet le plus rapide des Etats-Unis de son extraordinaire bande passante ? Eh bien il analyse des radios… et il en profite pour éclater tout le monde à Call of Duty, évidemment.

Les fournisseurs d'accès à Internet ont commencé, ces deux dernières années, à proposer les toutes premières connexions à 10 gigabits par seconde aux particuliers aux Etats-Unis. Mais pour l'heure, il semblerait qu'il n'y ait qu'un seul mec dans tout le pays qui se soit vraiment offert l'une de ces connexions, qui coûtent encore incroyablement cher du fait de la technologie impliquée.

J'ai rencontré James Busch - radiologue et heureux propriétaire de ce qui est visiblement la première connexion 10 Gbps privée des Etats-Unis - dans un café de Chattanooga, dans le Tennessee. Je lui ai parlé de mes relations, disons, "chaotiques" avec ma propre connexion, et il a su faire preuve d'empathie en évoquant l'époque où lui-même galérait à transférer des images avec une connexion pourrie à Boston. Je lui ai rappelé que nous étions encore nombreux à devoir composer avec des connexions capricieuses, et qu'il était le seul à vivre dans le futur.

"Dit comme ça, c'est assez cool, m'a répondu Bosch. Je suis gâté, clairement."

Pour référence, la Commission fédérale des communications considère tout ce qui dépasse 25 Mbps comme du "haut débit". Sa connexion est 400 fois plus rapide.

Les compagnies de télécom répètent souvent que la fibre - qui propose en général des connexions à hauteur de 1 Gbps - n'a pas vraiment décollé parce que les gens n'ont pas besoin de connexions aussi rapides. Busch, lui, avait trouvé un moyen de mettre à profit sa connexion à 1 Gbps, et il a su faire de même avec 10 Gbps.

"Une radiographie fait environ 200 Mo, mais vous avez aussi les tomographies et les mammographies - les mammographies en 3D font 10 Go, c'est énorme, explique Busch. Chaque année, je traite des téraoctets de données. J'ai calculé que j'économisais environ 7 secondes par examen, ce qui peut sembler négligeable, mais quand on en lit 20.000 ou 30.000 par an, ça représente un gain de 10 jours de productivité, uniquement grâce à ma bande passante."

Si une connexion de 10 giga peut paraître excessive à l'heure actuelle, Busch assure que sa famille et lui ont vite utilisé toute leur bande passante d'1 Gb.

"On a réalisé que ça ne suffisait pas au bout de huit ou neuf mois. Entre mes gosses qui regardaient Netflix plutôt que la télé et moi qui travaillais, on a largement utilisé cette bande passante, raconte-t-il. Il y a eu des moments où ma fille était sur FaceTime pendant que d'autres regardaient des séries en streaming sur les télés 4K, et tout le monde commençait à hurler et à s'accuser de bouffer la bande passante. Ça n'arrive plus avec 10 Gb."

Surtout, sa connexion en a fait un gamer bien plus performant, à cause d'un phénomène connu sous le nom de "host advantage", récurrent sur les jeux qui ont recours à des serveurs peer-to-peer.

"Si vous jouez à un FPS et que vous êtes le host, vous avez un avantage de quelques millisecondes sur les autres joueurs contre qui vous jouez, explique Busch. Avec une connexion ultra rapide, vous êtes toujours le host, donc vous gagnez plus facilement. Je jouais souvent en ligne avec des potes, et l'un d'entre eux était aussi de Chattanooga donc on était toujours host, que ce soit lui ou moi. On défonçait tout à Call of Duty, avec 20 ou 30 kills chacun."

"On s'habitue vite à ce que tout se fasse instantanément, ajoute-t-il. Les mises à jour de Windows, les téléchargements - tout se fait instantanément. La seule limite, c'est la puissance du processeur, pas la connexion."

Mais pourquoi James Busch possède-t-il une connexion 10 Gbps et pas nous ? D'abord, parce que les offres sont rares et se trouvent essentiellement dans des zones rurales où des communautés locales ont décidé de bâtir leurs propres réseaux Internet. Et les entreprises qui possèdent la technologie nécessaire proposent la connexion 10 Gb à un tarif exorbitant comparé aux connexions 1 Gb déjà largement assez rapide pour les internautes lambda. À Chattanooga, les connexions 1 Gb sont à 70$ par mois ; les connexions 10 Gb à 300$.

Pour l'heure, aux Etats-Unis, les connexions 10 Gb sont disponibles à Chattanooga ; dans certains coins du Vermont ; à Salisbury, en Caroline du Nord ; et dans certains quartiers de Detroit et Minneapolis. Mais à part Busch, je n'ai trouvé personne qui en possède une dans le pays.

EPB, le fournisseur d'accès public qui gère le réseau de Chattanooga, confirme que Busch est le seul habitant de la ville à posséder une telle connexion. Rocket Fiber, qui a récemment commencé à proposer des connexions 10 Gb à Detroit, m'a expliqué n'avoir "aucun client pour l'heure", mais que des discussions avaient été entamées avec des clients potentiels. Les FAI de Minneapolis et Salisbury ne m'ont pas répondu. Michel Guite, PDG de la Vermont Telephone Company, m'a pour sa part avoué que son entreprise n'avait aucun client à 10 Gb.

"On le propose de façon symbolique, m'a-t-il expliqué. En proposant 10 Gb, on montre de quoi on est capables. Ça montre que notre technologie est meilleure que celles des autres. On trouve ça fun."

Il explique aussi que quelques laboratoires de recherche sont équipés de connexions 10 Gb, et la première connexion de ce type installée par Fibrant concernait une école.

Autre obstacle à la généralisation des connexions 10 Gb : peu de clients sont prêts à investir dans les câbles et ports Internet monstrueux et nécessaires pour atteindre de tels débits. EPB, par exemple, ne fait pas trop de publicité autour des connexions 10 Gb en raison des problèmes rencontrés avec les clients 1 Gb.

"Quand on a lancé les connexions 1 Gb, on a eu affaire à pas mal d'ordinateurs tournant sur Windows et équipés de ports 1 Gb qui en réalité ne supportaient pas plus de 500 ou 600 Mo, ce qui est difficile à expliquer à un client", se souvient Colman Keane, responsable de la fibre chez EPB. En gros, les clients n'obtenaient pas ce pour quoi ils avaient payé, car leurs ordinateurs n'étaient pas au niveau. "Avant de lancer les connexions 10 Go, on a pris le temps de bien définir les prérequis minimum pour les PC et les routeurs. Du coup, on commence directement par évoquer ce dont les gens auront besoin pour avoir 10 Go."

Busch, avant-gardiste en presque toutes choses, dit qu'il n'a que deux machines capables de profiter pleinement de la connexion 10 Gb ; son routeur wifi ne peut émettre un signal supérieur à 3 Gb. Mais bizarrement, je ne vais pas pleurer sur son sort.