Orsay casse les codes
Toutes les photos sont d'Early Work.

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Culture

Orsay casse les codes

Il y a quelques jours c'était la Curieuse Nocture au Musée d'Orsay, on revient sur cette expérience d'un genre nouveau.

Le 22 septembre dernier, lors de la Curieuse nocturne, le Musée d'Orsay ouvrait ses portes à une poignée d'artistes contemporains. Le commissariat, original, radical, revenait à Early Work, premier site de ventes en ligne d'œuvres d'étudiants et de jeunes diplômés d'écoles d'art. Joyeusement, cette bande a cassé les codes de l'accrochage dans ce temple de l'académisme. Un vent nouveau soufflait.

Orsay, ancienne gare qui surplombe la Seine de son impérialisme souverain est devenu un Musée en 1986. Depuis, on y montre l'art occidental de 1848 à 1914 ; L'origine du monde (longtemps resté derrière un rideau chez Lacan), Le Déjeuner sur l'herbe où cette fille de joie, nue, converse au premier plan avec des messieurs, vêtus, eux, parmi d'autres chefs-d'œuvre qui dorment sagement sous la verrière. Il fallait bien dépoussiérer gentiment ces collections intouchables et leur donner une nouvelle vie. Ou au moins un nouveau regard. C'est un peu l'action menée en douceur par les 11 artistes sélectionnés par Early Work à qui le Musée avait passé commande pour détourner des œuvres emblématiques de leurs collections. Pastiche ou hommage, ils avaient carte blanche. Le résultat en a étonné plus d'un. « Faîtes attention, les œuvres sont au sol » entendait-on avant d'entrer dans la salle des fêtes où se tenait l'exposition. À même le sol, en effet. Par terre. Sur le parquet ciré, essaimées, façon puzzle, les créations, inédites, jouaient à fond la carte de l'anticonformisme.

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Pari réussi. A l'horizontal, on voit différemment les œuvres. Et pour le recul suffisant, idée astucieuse, on pouvait grimper sur un petit promontoire de bois. Changer de point de vue, renverser le regard. Parmi les œuvres présentées, celle de Louise de Montalembert innove. En extrayant les codes couleurs des Oréades de William Bouguereau, une huile sur toile de 1902, elle en offre des variations, abstraites, générées par un logiciel. L'outil numérique, comme enjeu artistique au centre de sa pratique. Plus loin, La naissance de Vénus de Thomas Péan habille la tradition d'une touche d'ironie en investissant l'imagerie du tourisme de masse. Vénus sur un t-shirt, le propos amuse. D'un point de vue formel, notre travestissement préféré revient à Fleury Fontaine  dont Jeunes grecs faisant battre des coqs, un tableau emblématique de Jean-Léon Gérôme est ici détourné grâce à un algorithme de deep learning. Là aussi, la transposition d'une époque à l'autre se fait par le truchement du numérique.

Orsay, a dit oui à tout. En passant un tel relais à l'avant-garde, l'institution donne un signal fort. Ce que résume Hugues Leblond, co-fondateur d'Early Work par ces mots : « Il y a de plus en plus d'initiatives de la part des institutions muséales, du fait d'équipes compétentes, qui naturellement appliquent le cycle de l'histoire de l'art à la contemporanéité, se posant donc des questions sur l'avenir de leur outil puisqu'ils en sont les acteurs et passeurs ». Encore faut-il pérenniser ce genre d'actions. C'est en bonne voie, vu le degré d'implication d'Orsay, nous confirme Margaux Barthélémy, directrice de la communication « Orsay s'est engagé de manière très honorable dans ce projet de coproduction d'expositions et ne s'est pas contenté de passer commande ». Orsay, gardien d'œuvres passées sur le banc des accusés, au Salon des refusés, pour avoir en leur temps, choqué virulemment, se souvient sans doute qu'avant d'être admiré par des millions de touristes, en 1863, Manet fut un banni.

Orsay la nuit c'est toujours bien, même quand ce n'est ouvert que jusqu'à 21h, tous les jeudis. Toutes les informations sur le plus beau musée de Paris sont sur le site du plus beau musée de Paris.