Faut-il arrêter de baiser pour être en meilleure santé ?
ILLUSTRATION DE LIA KANTROWITZ

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Faut-il arrêter de baiser pour être en meilleure santé ?

Certaines personnes prétendent que l'abstinence sexuelle améliore leur productivité, leur créativité et leur bien-être. Qu'en pense la science ?

« Nous devrions baiser », déclamait le rappeur David Banner dans « Fucking ». Avait-il raison ? Difficile dans notre société de ne pas penser au sexe, surtout lorsque l'on passe son temps à croiser des publicités pour des sites de rencontres et des gens excessivement beaux dans le métro. Le sexe est parfois un fardeau – notamment quand la pression sociale se mêle au besoin physique. De plus, le coït – et la recherche du coït – sont des activités qui pompent toute l'énergie d'individus qui en deviennent apathiques dans les autres sphères de leur existence.

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Pour certains, ces difficultés sont impossibles à surmonter. Ils ont donc pris les choses en main et se sont interdit tout rapport sexuel – et parfois même l'onanisme. Il s'agit souvent d'une décision temporaire pour retrouver un équilibre de vie, un peu comme le Dry January. Pour un petit groupe plus radical, comme les célibataires volontaires de Reddit, il s'agit d'un projet sur le long terme, aussi construit que celui porté par les groupes d'alcooliques anonymes.

Je suis généralement sceptique en ce qui concerne les conseils de santé que l'on peut trouver sur Internet – c'est ce que tout le monde dit, du moins. C'est d'autant plus le cas quand l'idée avancée semble désagréable et contraire à toute logique naturelle. Cela me paraît aussi censé que d'acheter des chaussures à orteils séparés. À la base, je n'avais aucune envie de me lancer à corps perdu dans l'abstinence, mais certains spécialistes semblent admettre que celle-ci peut s'avérer salutaire. J'ai donc décidé de me renseigner auprès d'eux, et auprès de ceux qui sont bien plus perplexes sur ce sujet.

Pour commencer, j'ai discuté avec le docteur Beverly Whipple, sexologue et auteure du livre The Science of Orgasm. Mme Whipple m'a expliqué qu'elle ne reconnaissait aucun bienfait médical à l'abstinence. « Je serais au courant s'il y avait quelque chose de scientifique à ce niveau-là », m'a-t-elle affirmé. OK, le décor était planté.

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Je me suis ensuite tourné vers le docteur Nan Wise, une psychothérapeute et sexologue qui a fait sa thèse en neurosciences cognitives. Cette dernière m'a dit qu'il n'y avait aucun bienfait physiologique à attendre de l'abstinence, mais que la question méritait d'être posée. « Quand il s'agit de sexualité, il faut toujours prendre en compte l'aspect biologique, physiologique et social du problème », rappelle-t-elle. Le pouvoir de l'esprit ne doit pas être minimisé. « Il y a forcément un moment où ce qu'une personne croit va jouer un rôle déterminant dans son ressenti, et son ressenti va évoluer dans le sens de sa croyance originelle, avance-t-elle. Les gens qui pensent que l'abstinence va les aider vont souvent être satisfaits par cette simple pensée, qui peut engendrer de nombreux bénéfices. »

Cela dit, les avantages d'une telle démarche sont susceptibles de n'être que de courte durée. « Il n'y a aucune preuve que l'abstinence sexuelle donne lieu à des bienfaits physiques, relativise Nan Wise. D'un autre côté, il est prouvé qu'avoir des orgasmes est positif pour votre corps – cela diminue par exemple la probabilité de souffrir d'un cancer de la prostate pour les hommes. De nombreuses études montrent qu'entretenir des relations sexuelles régulières est physiquement et émotionnellement bon pour les femmes comme pour les hommes – du moins, tant que l'on n'attrape pas de maladies. »

Et qu'en est-il de la croyance selon laquelle ne pas éjaculer permettrait aux hommes d'accumuler plus de testostérone ? « Une vieille étude semble montrer que le niveau de testostérone augmente chez ceux qui s'abstiennent pendant plus de sept jours, mais c'est tout ce qu'il y a dans le champ de la recherche », rappelle Nan Wise. En d'autres termes, le lien entre la testostérone et les orgasmes n'est pas aussi simple que cela. La testostérone n'est pas quelque chose qui augmente mécaniquement jusqu'à se déverser pendant l'orgasme.

Pour clarifier tout ça, disons que l'abstinence n'est pas mauvaise en soi pour la santé. Simplement, vous ne profiterez pas des avantages physiques liés aux relations sexuelles. « Beaucoup de bienfaits liés au sexe ne sont pas juste sexuels, rappelle Nan Wise. Il s'agit d'une connexion avec un autre être humain. Un orgasme est une chose fantastique pour votre cerveau. Plusieurs régions s'activent, ce qui signifie que le flux sanguin est très important. C'est une sorte d'entraînement pour votre cerveau. »

Toujours selon le docteur Wise, la sexualité est clairement sous-étudiée. « Il y a vraiment un manque à combler, en particulier en ce qui concerne la sexualité féminine. » Ce manque de données permet aux fausses informations et aux charlatans de triompher. « C'est vraiment dommage. Nous ne savons pas parler de sexualité dans notre société », déplore-t-elle.