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Faut-il rendre les animaux aussi intelligents que les humains ?

augmentation animale

Dans le film La Planète des singes : Les Origines, James Franco joue le rôle d’un scientifique qui développe un remède contre la maladie d’Alzheimer. Il met au point un rétrovirus, l’ALZ-112, conçu pour restaurer les fonctions cérébrales d’un être humain. Il l’inocule à une femelle chimpanzé en bonne santé qui voit rapidement ses facultés cognitives augmenter. Elle transmet génétiquement cette intelligence accrue à son bébé, César, qui prend la tête d’une meute de singes super-intelligents et libère une nouvelle version du médicament qui s’avère mortelle pour les humains.

Le film contient un trope classique de la science-fiction : l’augmentation animale, ou « uplifting » en anglais, c’est-à-dire l’idée que les animaux pourraient un jour être améliorés sur le plan cognitif et développer une intelligence égale ou supérieure à la nôtre. En général, les histoire d’augmentation animale se terminent plutôt mal. Dans la saga La planète des singes, l’homme devient une espèce asservie. Dans le roman de science-fiction L’Île du docteur Moreau de H.G. Wells, les hybrides hommes-bêtes mènent une vie douloureuse et conflictuelle, déchirés entre leurs deux natures. Dans un épisode de Futurama, Guenter, un singe aux capacités intellectuelles phénoménales, a envie de renoncer à la vie, tiraillé entre son génie et sa bestialité. « Il n’y a pas de place pour moi dans ce monde », déplore-t-il. Heureusement que ce n’est que de la fiction, pourrait-on penser.

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Pourtant, l’augmentation animale commence à dépasser les limites de la science-fiction. Dans certaines parties du monde réel, bioéthiciens, philosophes, futuristes et transhumanistes, réfléchissent sérieusement à ce que cela pourrait impliquer pour les animaux de gagner en intelligence, que ce soit par une intervention humaine délibérée ou par accident.

La Planète des singes : Les Origines n’a plus besoin de faire appel à l’imagination. Les progrès de la recherche scientifique ont permis de bricoler occasionnellement la cognition animale, non pas intentionnellement, mais comme un sous-produit d’autres recherches. Comme le personnage de Franco, les scientifiques cherchent souvent des moyens de guérir ou d’améliorer le cerveau humain, et, dans ce but, beaucoup d’entre eux utilisent des modèles animaux. Cela peut involontairement changer la façon dont pensent les animaux. C’est subtil, pour l’instant, mais cela pourrait devenir plus significatif plus tard. Dans les communautés transhumanistes – ces personnes qui prévoient une amélioration de l’être humain pour un plus grand contrôle de l’intelligence, de la longévité et de la reproduction – l’augmentation animale est souvent considérée comme une obligation éthique inévitable. Alors que nous développons des technologies pour nous améliorer, pourquoi devrions-nous confiner ces outils à une seule espèce ?

Que l’on considère l’augmentation animale comme un fantasme de science-fiction, une préoccupation bioéthique ou une décision morale imminente, le concept nous oblige à nous poser des questions intéressantes sur la nature de l’intelligence, ses promesses et ses dangers. Quelles sont les conséquences de l’augmentation cognitive d’un animal ? L’homme est-il partial lorsqu’il veut donner une intelligence plus proche de la sienne à une autre espèce ? Alors que nous entrons dans une ère scientifique où ces modulations pourraient être possibles, comment savoir si un animal est bel et bien devenu plus intelligent ? En tant que telle, l’augmentation animale est une lentille à travers laquelle on peut examiner quelles sont nos valeurs autour de l’intelligence, quelles sont les facettes de la vie que nous craignons et voulons éliminer, et comment nous déterminons notre relation avec les autres créatures avec lesquelles nous partageons cette planète.

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Ces questions devront être abordées avant même que la population générale ne se les pose : la modification génétique, les améliorations cognitives et les hybrides de cerveaux humains-animaux sont des technologies qui sont déjà en cours, explique George Dvorsky, bioéthicien canadien, transhumaniste et futuriste. « Toutes ces choses sont assez inévitables. Rien, d’un point de vue scientifique ou biologique, ne pourrait empêcher leur existence. »

C’est au cours de conversations avec d’autres transhumanistes que Dvorsky a commencé à réfléchir à la manière dont les technologies dont ils débattaient pourraient être appliquées au règne animal. Dvorsky pense que si les améliorations que nous nous apportons à nous-mêmes améliorent notre vie, alors il est de notre responsabilité de les offrir à d’autres créatures – en particulier aux animaux qui, selon lui, ont des droits en tant que personnes non humaines, comme les grands singes, les cétacés et les éléphants. « N’avons-nous pas le devoir d’aider ces espèces adjacentes à atteindre une cognition suffisante et de ne pas entretenir une relation exclusive avec l’humanité ? » se demande James Hughes, lui aussi transhumaniste et directeur exécutif de l’Institute for Ethics and Emerging Technologies situé dans le Connecticut.

Les transhumanistes font souvent référence à une série de romans de science-fiction de David Brin, parce qu’ils n’imaginent pas un avenir dystopique. Dans son monde, les humains et les animaux existent ensemble comme des égaux, chacun apportant ses qualités uniques à la société. En 2013, Brin s’est fait l’écho de Dvorsky et Hughes, décrivant d’autres espèces comme étant entassées contre un « plafond de verre » d’intelligence que seuls les humains ont percé. « Nous avons réussi à percer ce plafond, a-t-il déclaré au Boston Globe. Nous sommes les chanceux, nous avons réussi à passer, et nous refusons de donner un coup de main ? Qui sommes-nous pour dire : on pourrait vous aider, mais vous êtes bien comme vous êtes ? »

Dvorsky ne voit pas cette évolution des animaux comme quelque chose qui va se produire dans les cinquante ou même cent prochaines années. Dans l’avenir de Dvorsky, les humains auront eu recours à diverses augmentations et améliorations pour être libérés des chaînes de la douleur, du vieillissement, du déclin cognitif, etc. C’est à ce moment-là, selon lui, que l’augmentation animale devrait entrer en jeu. « Il nous incomberait de faire ensuite la même chose à toute la faune existante, poursuit-il. Ce que nous ferons, c’est simplement élever la planète. »

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Dvorsky a une conception de l’augmentation animale très différente de celle qui est dépeinte dans La Planète des singes, ou de ce qui, selon lui, se produira d’abord dans les laboratoires scientifiques de la vie réelle. Il pense que l’augmentation cognitive des animaux apparaîtra plus tôt que les gens ne le pensent, non pas de manière réfléchie ou intentionnelle, mais comme un résultat accidentel du travail scientifique sur les augmentations destinées aux humains. « Nous commencerons à voir des capacités différentes s’améliorer par rapport à la population générale, dit-il. Je suis assez convaincu que cela va arriver. »

Il est vrai que les progrès scientifiques créent déjà des scénarios qui peuvent sembler étrangement proches des films de science-fiction. En 2012, à l’université de Wake Forest en Caroline du Nord, des macaques rhésus ont été utilisés pour étudier la maladie d’Alzheimer, ce qui a permis à quelques singes de devenir plus intelligents. Certains d’entre eux se sont vus administrer un médicament visant à imiter les déficits cognitifs de la maladie d’Alzheimer, puis des implants neuronaux qui ont augmenté l’activité de leurs neurones et surmonté les déficits que le médicament avait causés – une option de traitement prometteuse pour les humains. Mais lorsque les scientifiques ont donné les mêmes implants cérébraux à des singes qui n’avaient pas pris le médicament imitant la maladie d’Alzheimer, ils ont découvert que ces singes s’en sortaient beaucoup mieux lors des tests d’intelligence.

« Nous avons fait passer aux souris une longue liste de tests comportementaux. Elles ont appris plus rapidement et plus efficacement » – Steve Goldman, neurologue et neuroscientifique

D’autres expériences ont donné des résultats similaires par des moyens différents. Au MIT en 2014, les scientifiques ont utilisé le génie génétique pour exprimer un gène humain, FOXP2, chez la souris. FOXP2 est associé à l’apprentissage et au traitement de la parole, et on pense qu’il joue un rôle important dans la capacité de l’homme à parler. Les souris qui ont été génétiquement modifiées pour exprimer le gène ont appris le chemin des labyrinthes plus rapidement que les souris sans le gène. À l’université de Californie du Sud, Theodore Berger travaille sur un implant qui imiterait l’hippocampe, une partie du cerveau associée à la mémoire. Il a été démontré que son dispositif stimule électriquement une meilleure formation de la mémoire chez les rats et les singes.

Et une poignée d’autres chercheurs commencent à s’intéresser aux chimères humain-animal, c’est-à-dire qu’ils introduisent des cellules ou des tissus de cerveaux humains dans des cerveaux animaux et laissent les fragments humains s’intégrer dans le cerveau de l’animal. Cette méthode peut s’avérer inestimable pour la recherche, mais elle pourrait également produire des animaux présentant des altérations cognitives.

En 2013, Steve Goldman, neurologue et neuroscientifique à l’université de Rochester, a injecté dans le cerveau de bébés souris des cellules gliales. Il en a résulté un cerveau de souris ne comportant que des cellules gliales humaines. Lorsque Goldman et son laboratoire ont fait des tests pour déterminer l’effet de ces cellules, ils ont constaté que les souris étaient devenues beaucoup plus intelligentes. « Nous avons fait passer aux souris une longue liste de tests comportementaux, dit Goldman. Elles ont appris plus rapidement et plus efficacement. »

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Par une morne matinée de janvier, dans le laboratoire de H. Isaac Chen, j’observe au microscope des organoïdes, ou tissus, du cerveau humain âgés d’environ 18 jours. Neurologue et neuroscientifique à l’université de Pennsylvanie, Chen cultive ces organoïdes dans une boîte de Pétri et les dépose ensuite dans le cerveau de rats. Ses collègues et lui veulent un jour être capables de cultiver du tissu cérébral pour réparer des parties spécifiques du cerveau qui ont été endommagées.

Les cellules sont agglutinées, comme un blob amorphe. « Pouvez-vous voir les zones où c’est un peu plus translucide, à la périphérie ? » me demande Chen. Ce sont les premières cellules du tissu cortical qui vont devenir le cortex, la couche extérieure du cerveau qui est responsable de la pensée et du traitement de haut niveau. Une fois que le tissu sera plus mature, Chen ou ses collègues de laboratoire le feront doucement glisser dans un trou percé dans le cerveau d’un rat.

Les animaux deviennent-ils « plus humains » lorsque nous leur introduisons des cellules humaines ? Techniquement, oui, parce qu’ils ont gagné des cellules humaines dans leur corps. Mais ce n’est pas vraiment ce que nous entendons par « plus humains » – nous voulons savoir si les cellules humaines sont en quelque sorte plus intelligentes que les cellules animales.

Une cellule ne peut pas être « intelligente », explique Chen, mais elle peut faire certaines choses. Une étude menée en 2018 par des chercheurs du MIT a examiné les neurones humains par rapport aux neurones de rats, en particulier l’arbre dendritique de ces neurones, soit les fils qui permettent aux signaux entrants de pénétrer dans la cellule. Les arbres dendritiques humains sont plus complexes que ceux des rats, ce qui signifie qu’ils pourraient éventuellement effectuer des calculs plus complexes et fonctionner à un niveau plus élevé qu’un neurone de rat. Cela pourrait aider à expliquer pourquoi d’autres scientifiques ont constaté des améliorations dans diverses tâches, comme une puissance de calcul accrue.

L’intelligence n’est pas une compétence qui peut être mesurée, poursuit Chen. Au lieu de cela, les chercheurs disposent d’une batterie de tests comportementaux qu’ils peuvent donner à un animal pour mesurer des fonctions spécifiques, comme la mémoire ou la résolution de problèmes. Qu’impliquent donc ces améliorations pour un rat ? Pour sa cognition ? Sa conscience ? Pour l’instant, c’est difficile à dire, selon Chen. Mais il précise que ces tests ne sont pas encore routiniers car ils prennent beaucoup de temps et ne sont généralement pas liés à des questions de recherche primaires.

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Il s’agit là d’une lacune éthique que Dvorksy conteste. « Je pense que nous, en tant que communauté et en tant que gouvernements, devons nous appuyer très fortement sur les scientifiques qui choisissent de manipuler le cerveau des animaux non humains d’une manière qui pourrait soit les ‘humaniser’, soit leur donner des capacités cognitives bien plus importantes que celles dont ils sont naturellement imprégnés, dit Dvorsky. J’ai peur que cela n’introduise de profonds niveaux de souffrance et de détresse émotionnelle. »

Goldman dit que, même si ses souris possèdent des cellules gliales humaines plus intelligentes, cela ne menace pas son sens du bien et du mal. « C’est une chose intéressante à laquelle il faut penser quand on est assis au bar en train de boire un verre ou deux, dit-il. Mais de mon point de vue, honnêtement, je me fiche du cochon. Je me fiche de ce que le cochon pense. J’essaie juste de trouver comment utiliser les porcs pour traiter un patient, comment améliorer les gens. Les gens perdent la perspective. Il y a des questions plus importantes que celle de savoir si une souris, un rat ou un cochon peut avoir une meilleure conscience de soi. »

« Si vous avez un animal qui est quatre fois plus intelligent mais que vous lui donnez la même vie que celle d’un rat de laboratoire normal, pour moi, c’est un problème » – Francesca Ferrando, philosophe

Francesca Ferrando, philosophe à l’université de New York, voit l’augmentation animale comme une sorte d’écran de fumée. Elle n’a pas de problème avec les types de chimères ou les améliorations que la recherche pourrait produire. Mais il ne suffit pas d’être moralement opposé aux animaux biologiquement changeants, car le fait est que nous changeons les animaux biologiquement depuis longtemps, depuis le début de l’agriculture, explique-t-elle. Nous les avons élevés pour qu’ils soient plus grands, qu’ils produisent plus de lait, qu’ils aient plus de viande sur leurs os, qu’ils soient des compagnons domestiques, etc.

Elle s’inquiète plutôt de la manière dont ces animaux seront traités. « Le fait est que ces rats existent déjà, dit-elle. La question est de savoir quel genre de vie nous leur donnons. Si vous avez un animal qui est quatre fois plus intelligent mais que vous lui donnez la même vie que celle d’un rat de laboratoire normal, pour moi, c’est un problème. »

Chen et ses collègues ont récemment abordé de front la question éthique, dans un article sur les chimères cérébrales pour la revue Cell Stem Cell, publié en octobre dernier. Dans son travail, Chen affirme qu’il est très peu probable que les organoïdes de cerveau humain modifient des processus tels que la mémoire, les émotions ou la cognition. Ils travaillent sur le cortex visuel des rats et sur les cerveaux adultes, donc les cerveaux ne se développent plus. « La science n’existe pas dans le vide, il faut donc réfléchir à la façon dont les gens perçoivent ce que l’on fait, dit Chen. Je pense qu’un bon exemple de ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est ce qu’on a vu avec les bébés CRISPR en Chine », dit-il en référence au cas du chercheur He Jiankui, qui aurait génétiquement modifié trois bébés. « Le type est maintenant en prison. Je pense que c’est un changement dans la façon dont les scientifiques perçoivent notre place dans la société, en général. »

Après tout, c’est cela l’éthique. Prenez le dilemme du tramway, une expérience de pensée dans laquelle vous devez choisir entre tuer une personne pour en sauver cinq, ou en tuer cinq pour en sauver une. Le problème nous oblige à nous poser des questions sur ce qui nous tient à cœur et sur la manière dont nous devrions prendre des décisions qui affectent les autres.

Michael Hauskeller, professeur de philosophie à l’université de Liverpool, considère l’augmentation animale comme un fantasme. « Mais ce qui est intéressant pour moi, ce sont les raisons qui sont utilisées pour justifier la réflexion à ce sujet et nous inciter à trouver des moyens de le faire », dit-il.

L’augmentation animale peut nous pousser à définir des concepts flous, comme l’intelligence. Il s’agit de la disséquer et d’expliquer ce qu’elle est. Quelles sont les facettes de l’intelligence dont on estime qu’il est éthiquement acceptable de doter une autre espèce ? Pourquoi ? Ce trait serait-il objectivement bénéfique, ou ne serait-il apprécié que par les humains, tandis qu’un singe, un cochon ou un rat n’aurait pas l’utilité de le posséder ?

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Daniel Povinelli, biologiste à l’Université de Louisiane à Lafayette, estime que l’augmentation animale peut en dire plus sur ceux qui la préconisent que sur la cognition ou l’avenir. Il pense qu’un préjugé est intégré dans le fait de vouloir « améliorer » les animaux – cela suppose que nous, les humains, sommes au sommet d’une sorte de hiérarchie, et que nous souhaitons modeler les animaux « à notre image ».

Povinelli a étudié l’intelligence animale pendant des décennies, et a participé à la fin des années 1990 à une étude (qui n’a jamais vraiment abouti) dans laquelle des primates non humains étaient élevés comme s’ils étaient des humains, pour voir s’ils pouvaient apprendre des qualités humaines, comme le langage. « Si vous prenez les animaux au sérieux, vous les prendrez au sérieux selon leurs propres termes, dit-il. L’idée que nous ne pouvons les prendre au sérieux que s’ils nous ressemblent davantage est omniprésente. »

À cet égard, Povinelli dit qu’il existe des moyens d’améliorer la vie des animaux dès maintenant, que ce soit en relâchant des singes en captivité ou en mettant fin à l’élevage industriel. Nous pouvons faire ces choses immédiatement, « sans faire des transformations bizarres de leur cerveau ».

C’est l’objectif final pour toutes les parties, et un lieu d’entente : ne pas créer accidentellement quelque chose de nouveau qui va souffrir, comme le scientifique le fait dans L’île du docteur Moreau. « Il était si irresponsable, si entièrement dédaigneux ! écrit Wells. Sa curiosité, ses recherches folles et sans but l’avaient guidé ; et il jetait ses Choses dans la nature pour qu’elles vivent environ un an, à lutter, à se déplacer maladroitement, à souffrir et enfin à mourir dans d’affreuses conditions. »

Aux yeux de Dvorsky, les transhumanistes se concentrent au contraire sur le soulagement de la souffrance. Le philosophe transhumaniste David Pearce, par exemple, est connu pour ce que l’on appelle l’impératif hédoniste, ou abolitionnisme, selon lequel le génie génétique et d’autres technologies devraient abolir la souffrance dans toute vie sensible.

Mais s’agit-il d’un autre préjugé que l’augmentation animale révèle ? Si seulement les animaux pouvaient être plus intelligents, plus conscients, souffriraient-ils moins ? La surévaluation de l’intelligence pourrait-elle être notre propre perte, plutôt que le salut des animaux ? « Qu’en est-il des types de souffrance que nous, les humains, ressentons comme résultat direct de notre pensée supérieure ? demande Povinelli. La plupart des transhumanistes que j’ai rencontrés sont très malheureux et souffrent plus que les gens qui ne se posent pas ces questions tous les jours. »

Dvorsky dit qu’il a déjà entendu tous ces contre-arguments. Je lui demande s’il pense, comme beaucoup, que l’intelligence conduit au malheur et, en outre, que la souffrance est une partie nécessaire, parfois cruciale, de la vie. Il me répond que ces hypothèses ne sont pas prouvées et révèlent un manque d’imagination, tout comme la résistance à accepter l’augmentation animale comme une réalité potentielle ignore ce qu’elle pourrait nous apprendre sur la cognition, la conscience ou l’anthropocentrisme.

« Parce que ces aspects de la condition humaine et animale étaient inattaquables, nous nous précipitons immédiatement à leur défense, dit-il. Cela ne signifie pas nécessairement que nous devons toujours nous efforcer de maintenir un certain niveau en termes d’évolution. L’augmentation animale sera différente. Peut-être qu’elle peut sembler dystopique. Ou au contraire utopique. Mais moi, je la vois simplement comme une progression plutôt radicale des sciences médicales et même comme une merveilleuse application de nos sensibilités éthiques. »

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