En Irlande, une femme enceinte de 16 semaines a été déclarée cliniquement morte — pourtant elle est maintenue en vie contre l’avis de sa famille. La confusion qui règne encore en Irlande sur le statut juridique du foetus pose question. Une décision de justice est attendue aujourd’hui.
Il s’agirait d’une mère de deux enfants âgée d’une vingtaine d’années. Un caillot sanguin serait à l’origine d’une « terrible lésion interne ». Elle a été transférée depuis l’hôpital situé dans son Midland natal jusqu’à Dublin, il y a une vingtaine de jours. Les médecins ont été incapables de la réanimer mais ont pris la décision de la maintenir en vie pour donner au foetus une chance de vivre. L’édition irlandaise de The Independent rapporte que la jeune femme a ensuite été rapatriée dans une clinique spécialisée dans les foetus plus proche de son domicile.
Videos by VICE
Les différents membres de la famille de la jeune mère ont exprimé le souhait de débrancher le dispositif qui la maintient en vie. Les médecins en charge de la patiente ont refusé d’accéder à leur requête. Ils risqueraient en réalité de sérieuses poursuites judiciaires en raison du huitième amendement de la Constitution irlandaise. En 1983, un référendum statuant sur cet amendement a été présenté aux citoyens irlandais qui — suivant une coalition anti-avortement — ont voté à 67% en faveur de cet ajout. L’amendement établit que : « L’État reconnaît le droit de vivre aux « enfants à naitre » et aux mères concernées, et garanti d’inscrire dans ses droits cette loi, de défendre et justifier l’application de ce droit ».
La famille de la jeune femme a décidé de poursuivre l’hôpital et de porter le dossier devant la Haute Cour de Dublin qui étudie la question ces jours-ci et doit rendre un jugement aujourd’hui. Ce litige met aux prises les droits d’une femme enceinte contre ceux du foetus que son corps sans vie abrite. Cet épisode relance le débat passionné autour la nouvelle loi irlandaise sur l’avortement — le Protection of Life During Pregnancy Act — adoptée en 2012 après la mort très commentée de Savita Halappanavar.
Halappanavar est décédée après que les médecins ont refusé à plusieurs reprises de procéder à une IVG — ne prenant pas en compte la douleur de la jeune femme et le fait qu’elle était en train de faire une fausse couche. Au cours de l’enquête, le médecin en charge a déclaré qu’elle pensait être tenue par la loi irlandaise de faire passer la santé du foetus avant celle de la mère.
Le huitième amendement de la constitution irlandaise a été prévu pour légiférer contre l’avortement. Pourtant les experts notent que la jeune femme — qui est maintenue en vie pour permettre au foetus de vivre — n’avait pas réclamé d’avortement. Mairead Enright — une universitaire spécialisée dans le droit irlandais — craint que le huitième amendement ne soit utilisé au delà de sa portée originelle pour couvrir tous les aspects de la maternité.
« Il n’y a aucune loi qui dit qu’un foetus a le droit constitutionnel de prolonger une grossesse », a déclaré Enright à VICE News. « Le droit de vivre de l’enfant à naitre s’applique seulement de façon pratique. On peut estimer dans ce cas que la loi ne peut s’y appliquer, ou considérer que maintenir une personne en vie pour jouer le rôle d’une couveuse est inhumain et dégradant ».
Les militants des droits des femmes pensent que cet épisode démontre — une nouvelle fois — pourquoi le huitième amendement doit être abrogé. Janet Ní Shuilleabhain d’Abortion Rights Campaign a confié à VICE News que ce cas a « exposé au monde le caractère inhumain et injuste des lois anti-avortement effectives en Irlande ».
Plus tôt dans l’année, l’Irlande a été critiquée par le comité des droits de l’homme de l’ONU sur ses lois en matière d’avortement, disant que les femmes étaient considérées comme un « vaisseau et rien d’autre ».
Suivez Lara Whyte sur Twitter: @LaraWhyte