FYI.

This story is over 5 years old.

Stuff

Hey, le monde – la France est toujours le meilleur pays

Travail, socialisme et gratuité : notre pays est toujours OK sur l'échelle du rien branler.

Premièrement : casse-toi Madonna. Entre ses gesticulations embarrassantes au Grand Journal et sa navrante comparaison de la France avec l'Allemagne nazie, la star des années Reagan a prouvé à quel point certaines personnes pouvaient se tromper sur le pays qui a vu naître René Descartes, Albert Camus et Jacques Toubon. Après avoir affublé Marine Le Pen d'une croix gammée lors de l'un de ses concerts – truc drôle à voir mais un peu limité culturellement –, elle s'est depuis peu posée en ultime gardienne du temple républicain français. C'est genre, comme si Pierre Gattaz vantait les mérites du système économique cubain.

Publicité

Qu'une star coupée de la réalité puisse ne pas maîtriser les concepts basiques de l'histoire comparée européenne, passe encore. Ce qui me dérange plus, c'est d'entendre à longueur de journée des Français – qui ont par ailleurs réussi au sein même du système français – conseiller aux gens de ma génération de « se barrer » pour des raisons purement matérielles. Résultat, on ne compte plus les mecs de mon âge qui partent en Australie. Pourquoi ce pays, je ne sais toujours pas.

L'arrestation de Robespierre. Image via Wikimedia Commons

Toujours est-il que notre pays apparaît depuis quelque temps comme un repoussoir pour pas mal de monde – la communauté juive, les anglophones, les gens qui prennent trois douches par jour, etc. Sauf qu'au-delà de ces clichés, la réalité donne bien souvent tort aux thuriféraires de René Guénon. Comme je suis convaincu que la France n'est pas seulement la patrie des César, de Franz-Olivier Giesbert et des 30 % du FN, j'ai tenté de dresser une liste non exhaustive de raisons qui vous permettront de faire fermer leur gueule à vos amis déclinistes – faites pas genre, vous êtes Français, vous en avez forcément un.

LE CODE DU TRAVAIL
Flaubert a écrit qu'« on peut calculer la valeur d'un homme d'après le nombre de ses ennemis et l'importance d'une œuvre d'après le mal que l'on en dit. » Dans cette optique-là, le Code du travail est le bouquin le plus indispensable pour l'Humanité depuis la Bible.

En effet, quel livre peut prétendre rassembler contre lui François Bayrou, NKM et Manuel Valls ? Vous me direz que ces trois hommes politiques sont plus ou moins sur la même longueur d'onde d'un point de vue intellectuel. Et vous auriez raison. Mais ce qui est plus inquiétant, c'est la façon dont ce Code, vieux de plus d'un siècle, est critiqué de manière quasi-uniforme par l'ensemble de la classe politico-médiatique française. Même Sade n'avait pas connu si mauvaise publicité lors de la sortie de Justine ou les malheurs de la vertu.

Publicité

Les 4 000 articles qui le composent symbolisent à la perfection notre pays, terre de bien-être et de décadence autorisée. Saviez-vous qu'il est tout à fait OK de se bourrer la gueule à la bière et au poiré sur votre lieu de travail ? Ou que vous pouvez être poursuivi et condamné à donner de l'argent à Pôle Emploi si vous décidez de bosser pendant vos congés payés ? Le journaliste économique François Lenglet aura beau pester contre les « rigidités du système », je ne remercierai jamais assez le Code du travail pour m'offrir la possibilité de faire chier à la fois mes employeurs et le monde entier. Il ne nous reste plus qu'à espérer que ce morceau de l'histoire sociale française n'abdique jamais l'honneur d'être une cible et ce, même s' il est loin d'être aussi favorable aux salariés qu'on veut bien le dire.

« La Liberté guidant le peuple », Eugène Delacroix. Image via Wikimedia Commons

LE TOUR DE FRANCE
La voix soporifique de Jean-Paul Olivier, l'album hommage de Kraftwerk, le scandale Festina, le gruppetto qui galère. Le Tour de France est la preuve qu'un sport hyper chiant peut donner naissance à une mythologie complexe, faite de coups du sort et d'envolées lyriques. Hommage à la France d'avant et démonstration des dérives du sport business d'aujourd'hui, ce rendez-vous annuel est un phénix à qui l'on promet une mort certaine, sans cesse repoussée, et qui n'arrivera jamais.

Vous avez beau savoir que les mecs sont chargés comme les bœufs dans Bullhead, vous ne pouvez vous empêcher d'être fasciné par eux et leur vie faite d'anabolisants et d'energy drinks. Si pour vous l'été est synonyme d'odeurs de méchoui et d'échecs sentimentaux, n'oubliez pas qu'au même moment, 200 mecs grimpent des sommets à 15 % pendant que des supporters leur hurlent dessus juste à côté. Relativisez.

Publicité

LA PRESQUE GRATUITÉ DES ÉTUDES
189,10 euros en Licence, 261,10 euros en Master. Voilà ce que coûte une année d'études dans un établissement public en France. Alors OK, l'État subventionne des filières un peu bouchées – coucou les étudiants en psychologie – et perpétue les inégalités entre classes, mais au moins, à la différence du couple Obama, les jeunes français n'auront pas à attendre la quarantaine avant de rembourser l'intégralité de leur prêt étudiant.

Le revers de la médaille, c'est que lesdits étudiants passent leur temps dans des amphis vétustes et des cafétérias qui ressemblent plus à des restaurants de l'URSS de Brejnev qu'aux bureaux de Google. Mais habitués au froid, à la sueur et aux larmes, ils ont au moins le mérite de se familiariser avec une précarité existentielle qui les poursuivra tout au long de leur vie, tant leur diplôme sera dévalué en comparaison de ceux des écoles de commerce, de Sciences Po et des autres institutions privées – réservées aux gens dont les parents possèdent une maison secondaire quelque part.

Sachez juste que les étudiants britanniques dépensent près de 12 000 euros pour une année de Licence et plus de 8 000 euros pour une année de Master. Et que le seul moyen d'échapper à cette émasculation financière est d'être Écossais – les concitoyens de Sean Connery déboursent en effet « seulement » 2 200 euros par an pour une année de fac. Comprenez maintenant pourquoi les étrangers nous traitent de pussy dès qu'ils posent le pied à Paris.

Publicité

LE VIN ET LE PAIN
En octobre 2014, saviez-vous que la France avait décidé de faire entrer le pinard au patrimoine culturel français ? L'alcool a beau tuer 3,3 millions de personnes par an selon l'OMS, le gouvernement s'en fout royalement et continue de verser plus de subventions au secteur du vin qu'aux Restos du Cœur. Ce qui est à la fois horrible et tout à fait OK de mon point de vue.

Quant au pain, qui demeure le meilleur aliment sur terre après le vin, si sa consommation a été divisée par 5 en un siècle, l'attachement du peuple à la baguette artisanale n'a pas l'air de se démoder. J'en veux pour preuve les 10 milliards de baguettes dévorées par an, le « décret pain » et l'étude de Francis Ponge sur le sujet.

La France, élargie jusqu'à Rome, sous Napoléon. Photo via Wikimedia Commons

LES CHOSES INDISPENSABLES SONT – PLUTÔT – BON MARCHÉ
Sérieux, qui peut encore accepter de payer 30 balles pour un forfait téléphone en 2015 ? Après des années d'entente sur les tarifs, l'avenir semble enfin appartenir aux entreprises françaises qui proposeront bientôt des prix adaptés aux jeunes qui enchaînent leur quatrième stage non-rémunéré en un an.

À l'échelle mondiale, Internet – qui rentre selon moi dans la catégorie des besoins fondamentaux de Henderson – est une terre qui perpétue les inégalités économiques. La France s'en sort bien à ce niveau-là aussi, son accès au web étant l'un des moins chers au sein des pays développés. Sinon, avec l'introduction des class action en France, le glas a peut-être sonné pour le prix excessif des champignons en conserve et les actions funestes du dénommé « cartel des yaourts ». Que celui qui n'a jamais considéré un La Laitière saveur citron comme un truc indispensable me jette la première pierre.

Publicité

L'AMOUR DU RESTAURANT – ET DU REPOS EN GÉNÉRAL
À chaque fois que je me balade dans une ville française de taille décente, je suis surpris de voir autant de monde dépenser toutes ses économies au restaurant. On a beau me rabâcher que la crise est là et que « demain » ne rime plus qu'avec « apocalypse » et « soupe populaire », les faits semblent prouver le contraire.

Comment expliquer cet amour entre le peuple de France et ses restaurateurs, pourtant membres de la caste intemporelle des mecs les plus désagréables de l'Histoire, en compagnie des joueurs de bolas et des chauffeurs de taxi ? Je n'ai pas d'explication rationnelle à vous proposer. Peut-être faut-il y voir une nouvelle preuve du fétichisme entourant la notion de temps libre en France. Bordel, est-ce qu'un autre pays au monde aurait osé créer un Ministère du temps libre ? Non, personne. Regardez l'État dans les yeux et dites-lui à quel point vous l'aimez.

« La Guerre », Pierre Puvis de Chavannes. Image via Wikimedia Commons

LE SYSTÈME DE SANTÉ SOCIALISTE
Si on analyse l'ensemble des systèmes de santé du monde en faisant appel à l'argument ultime du « qui est le moins pire ? », la France arrive sans trop de problème en tête selon l'OMS. Cela tient autant à la propension qu'ont les étrangers à se faire avoir sans sourciller qu'à nos propres principes de remboursement des soins. Il ne vous a pas échappé que vous n'aviez pas besoin de vendre un rein pour pouvoir traiter votre cancer du foie.

Bon, il faut aussi avouer que le déficit annuel de la branche maladie de la sécurité sociale dépasse les 5 milliards d'euros depuis 2009, et devrait atteindre 6,9 milliards en 2015. Mais on s'en fout, vu qu'on sait très bien que tout ça, c'est de la faute aux seniors qui vont chez leur médecin tous les 3 jours pour se faire prescrire un placebo.

Publicité

Si vous avez encore besoin d'une preuve supplémentaire de l'attractivité du système français, jetez un coup d'œil à l'Obamacare, tentative désespérée des Américains de nous copier a minima – alors qu'ils passent leur temps à se moquer de notre socialisme éhonté. Et encore, c'était avant d'apprendre qu'à partir de 2017, les Français pourront aller chez le médecin même s'ils ont oublié leur chéquier.

LE FRANÇAIS
« L'anglais, ce n'est jamais que du français mal prononcé. » Sérieux, qu'est-ce que Clémenceau dirait en observant le triomphe de la langue de Shakespeare aujourd'hui ? Seuls nos compatriotes semblent faire encore preuve de mauvaise volonté quand il s'agit de prouver leur bilinguisme, à commencer par nos hommes politiques, qui à intervalles réguliers nous foutent clairement la honte. Moins riche en mots que l'anglais, moins utilisé que l'espagnol et amené à disparaître face au chinois et à l'arabe, le français est pourtant parlé par la reine d'Angleterre et Bradley Cooper. Marlon Brando le maîtrisait sans trop galérer et on ne compte plus le nombre d'acteurs italiens ayant eu assez de classe pour converser dans notre langue. Comment l'expliquer ? Audrey Tautou et Jean Reno auraient-ils un rôle à jouer dans cette histoire ? Possible.

« Prise du palais des Tuileries », Jean Duplessis-Bertaux, Image via Wikimedia Commons

LA MARSEILLAISE, LE MEILLEUR HYMNE DE LA GALAXIE
Selon moi, les cons se divisent en deux catégories. D'un côté, on trouve les gens qui n'aiment pas les fruits de mer, et les trucs crus en général. De l'autre, il y a les débiles qui font du bruit alors que retentit l'hymne national à la télévision. Dernière manifestation d'un patriotisme évanescent, la Marseillaise résume bien les contradictions qui caractérisent notre pays. Auto-proclamée patrie des Droits de l'Homme, la France encourage cependant ses citoyens à entonner un chant qui promeut le meurtre et la purification du territoire par la violence. Et gare à ceux qui défient l'autorité en refusant de chanter, surtout s'il s'agit de footballeurs.

Publicité

Pourtant, malgré sa récupération politique par les nostalgiques de la France d'autrefois – celle qui s'encanaille en laissant apparaître Brasillach dans sa bibliothèque alors qu'au fond elle lit Camus comme tout le monde –, la Marseillaise est toujours sur la plus haute marche du podium dans la catégorie « Hymne national qui défonce ». Si Flowers of Scotland est son seul concurrent sérieux, la Marseillaise écrase le reste du monde avec sa grandiloquence textuelle et son background historique. Approuvée comme hymne national en 1879, année charnière de l'édification de la République, elle a donné lieu à de véritables morceaux de bravoure, destinés à triompher sur YouTube pour les siècles à venir.

LES FUSEAUX HORAIRES
Si la France métropolitaine vit à l'heure allemande depuis 1940, ce n'est pas le cas de tous ses habitants. Prenez mes parents, par exemple. Bien installés sur l'île de la Réunion et ses températures indécentes, ils jouissent d'une avance temporelle de 3 heures par rapport à leur bien-aimé fiston, qui survit tant bien que mal dans la grisaille parisienne. Au même moment, des centaines de fous masqués se reproduisent sur l'île de Clipperton, avec 9 heures de retard sur Paris.

En tout, on dénombre 12 fuseaux horaires différents sur le territoire français, ce qui constitue un record mondial et une énième preuve de notre complexe napoléonien de toute-puissance. La France exerce donc sa souveraineté sur des territoires qui auraient pu abriter le tournage de La Marche de l'empereur mais aussi sur des collectivités encore dirigées par un roi – comme à Wallis-et-Futuna.

Un pays qui décapite son monarque en 1793, qui répète à l'envi son amour pour la République mais qui défend des monarchies d'un autre temps, la voilà la France qu'on aime.

Vive la République, et vive la France.

Romain est sur Twitter.