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Des avocats s’expriment sur la tutelle de Britney Spears

« D'après ce que j'ai vu et entendu, elle n’aurait jamais été placée sous tutelle dans des circonstances normales. »
Drew Schwartz
Brooklyn, US
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
Free Britney
Photo : Rodin Eckenroth/Getty Images 

Pendant des années, seuls les fans les plus dévoués de Britney Spears ont gardé un œil sur les détails de sa tutelle, mais depuis la sortie de Framing Britney Spears, un documentaire produit par le New York Times, sa situation juridique est au centre de l'attention du public. Le mouvement #FreeBritney a longtemps été considéré comme une bataille douteuse menée par un groupe de marginaux. Mais quand on sait exactement ce qu'est une tutelle et à quel point elle limite la liberté, on comprend aisément pourquoi ils sont si scandalisés.

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La tutelle est une mesure destinée à protéger une personne majeure qui n’est plus en état de veiller sur ses propres intérêts. La grande majorité des bénéficiaires sont des personnes âgées, généralement atteintes d'une maladie comme Alzheimer ou la démence, qui sont incapables de gérer leur propre vie, qui risquent de se mettre en danger et qui sont susceptibles de se faire escroquer leur argent. L’ouverture d’une tutelle peut être demandée au tribunal par un proche de la personne à protéger, comme un enfant ou un conjoint. Le tuteur désigné aura alors le contrôle sur le lieu de résidence, les activités, le traitement médical et les finances de la personne mise sous tutelle. 

« Pour faire court, la tutelle prive un individu de sa capacité à prendre ses propres décisions », explique Don Slater, un avocat spécialisé dans la tutelle. Selon lui, il est extrêmement rare que cette mesure soit adoptée pour une personne de moins de 65 ans. Britney Spears a été mise sous tutelle à 27 ans, et elle y demeure à 39 ans. En 2009, elle a fait une demande d’annulation de sa tutelle, mais elle a été rejetée. Certains fans sont convaincus que Britney est malheureuse et entend toujours retrouver sa liberté. Pourtant, son avocat a indiqué qu’elle souhaitait faire révoquer son père, Jamie Spears, en tant qu'unique tuteur et confier ses finances à une autre personne.

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Pour mieux comprendre ce qui rend la situation juridique de Britney Spears si inhabituelle, nous avons rencontré trois avocats californiens spécialisés dans la tutelle : Scott Rahn, Alex Ripps et Don Slater.

VICE : Que pensez-vous de la situation dans laquelle se trouve Britney Spears ?
Don Slater :
J'étais profondément attristé en regardant le documentaire. J’en suis venu à la conclusion qu’elle se trouve dans cette situation parce qu’elle continue à y consentir. Mais j'ai été heureux de voir qu'elle souhaite un changement, qu'elle ne veut plus que son père soit en charge. Mais ce n'est que la moitié de la bataille : Britney doit maintenant trouver quelqu’un qui veille sur ses intérêts au mieux de ses capacités. 

Alex Ripps : Je ne sais rien de l'affaire Britney Spears en dehors de ce que j’ai vu dans le documentaire, donc je ne connais pas vraiment les détails de cette tutelle. Mais cette situation me semble inhabituelle puisqu’elle concerne une personne manifestement en état de fonctionner. Britney a le droit de partir en tournée et de vaquer à ses occupations d’artiste. Cela dit, tout ce qui concerne l’aspect médical de cette tutelle n’est pas rendu public. Nous ne savons donc pas tout.

Pensez-vous que Britney Spears devrait être sous tutelle ?
Scott Rahn :
Il est très difficile de répondre à cette question sans avoir tous les faits. Si les faits et les circonstances montrent qu'elle est capable de gérer ses affaires, alors je ne pense pas qu'elle devrait être sous tutelle, non. Ce que je ne connais pas suffisamment, et que je serais heureux de pouvoir examiner de plus près, c'est la façon dont sa situation s'est améliorée, pour vraiment comprendre si elle a encore le besoin d'être protégée. 

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AR : Elle n'a clairement pas la maladie d'Alzheimer. Elle n'est pas atteinte d'autisme ou d'une autre maladie qui limite gravement ses fonctions cognitives, ou du moins elle n'en a pas l'air. Il faut donc se demander quelles sont les autres raisons qui auraient pu être invoquées ? J’imagine qu'il y avait au moins une certaine instabilité psychologique, combinée à une vulnérabilité à des pressions indues. C'est mon hypothèse. De toute évidence, elle est capable de communiquer, et vraisemblablement de s'habiller et de se nourrir. Nous ne savons pas tout, mais il semble un peu inhabituel, compte tenu de sa capacité à fonctionner, que cette tutelle soit toujours en place.

DS : D'après ce que j'ai vu et entendu de Britney Spears, elle n’aurait jamais été, à mon avis, placée sous tutelle dans des circonstances normales. Si elle reconnaît elle-même avoir besoin d'aide, alors d’accord. Si, à l'inverse, ce n'est pas vraiment ce qu'elle veut, c’est-à-dire si elle y est contrainte d'une manière ou d'une autre, ou si elle ressent une pression pour s’y conformer, alors elle doit se défendre et se battre.

En 2009, Britney Spears a demandé l’annulation de sa tutelle pour la première et dernière fois. Depuis, certains de ses fans sont convaincus que quelqu’un l’empêche de faire une nouvelle demande. Est-il possible que ce soit le cas ?
DS :
Sur le plan purement juridique, le tuteur n'est pas légalement autorisé à contrôler les interactions sociales. Dans la pratique, les personnes qui l'entourent peuvent bien sûr surveiller ce qu'elle dit et à qui. De plus, si elle voulait s’échapper, comment pourrait-elle le dire aux personnes extérieures à son entourage immédiat ? Peut-être en passant par un post sur ses réseaux sociaux ? Je ne sais pas si ceux-ci sont surveillés et s’ils pourraient être supprimés. Mais je me dis que si elle le voulait vraiment, il lui suffirait de chercher sur Google le nom d'un avocat réputé de Los Angeles, de l’appeler et de lui dire : « Sortez-moi de là. »

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AR : Il est difficile de savoir vraiment ce qui se passe là-bas. Ses déplacements et ses interactions sont-ils limités ? Peut-être qu'elle souffre d’une sorte de syndrome de Stockholm et qu’elle vit dans une bulle qu’elle a fini par accepter. Il y a probablement des restrictions en ce qui concerne les personnes qu'elle voit. Et puis, en raison de sa célébrité, elle limite probablement naturellement les personnes avec lesquelles elle interagit.

Mais est-il possible que sa vie soit si étroitement contrôlée qu’elle ne puisse même pas s’exprimer ?
SR :
Je pense que c'est très peu probable. Ce n’est ni plus ni moins que du complotisme. Il faudrait que le juge soit complice, que l’avocat nommé par le tribunal soit complice, que le tuteur soit complice, que la famille soit complice, que les gérants des plateformes de réseaux sociaux soient complices. Est-ce possible ? Écoutez, j'ai vu tellement de choses au cours de ma carrière que rien n'est impossible. Mais je ne pense pas que ce soit le cas ici. 

Si elle le voulait, Britney Spears pourrait-elle engager un avocat privé pour la représenter ?
DS :
Si une tutelle a été décidée, la personne concernée n'a plus la capacité juridique de conclure un contrat et ne peut donc pas engager un avocat.

AR : Si la personne est déjà sous tutelle, alors on peut supposer qu'elle n'a pas le contrôle de ses finances. Comment va-t-elle payer l’avocat ? La plupart des avocats aiment être rémunérés au fur et à mesure pour le travail qu'ils font. Nous parlons d’une personne qui n'a potentiellement pas la capacité de passer un contrat et qui peut avoir des problèmes de financement. Cela rend les choses très difficiles. 

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Si vous représentiez Britney Spears, que feriez-vous ?
AR :
J'irais au tribunal et je dirais qu’elle est capable de se loger, de se nourrir, d'obtenir un traitement médical. Et sur le plan financier, qu’elle est capable de gérer ses finances et de subvenir aux besoins de ses enfants. S'ils ne levaient pas la tutelle, je demanderais au moins un tuteur professionnel ; quelqu’un qui n’est ni un membre de la famille, ni un ami. En théorie, cela élimine tout risque de malversation auquel un membre de la famille pourrait se livrer. C'est ce que je ferais. 

SR : Je n'en sais pas assez sur ce que son avocat désigné par le tribunal fait ou ne fait pas pour dire que je ferais mieux ou différemment. D’abord, j’aurais des discussions très sérieuses avec Britney sur les options qui s'offrent à elle. Je vérifierais comment elle va, ce qui s'est passé, si elle est satisfaite ou non de la situation. Et si ce n'est pas le cas, j’analyserai quels changements doivent être apportés et j’en ferais part au tribunal.

DS : J'exigerais un procès ; je citerais à comparaître chaque personne dans sa vie pour qu'elle leur explique de vive voix ce qu'elle veut et ne veut pas. Je demanderais à mes propres experts médicaux et neuropsychologiques de l'évaluer et d'expliquer au tribunal qu'elle est capable de s’exprimer et d’être prise au sérieux. Et je travaillerais très dur pour démontrer que son père n'a pas besoin d'être le tuteur, que quelqu'un d'autre peut le faire aussi bien que lui. Je rechercherais les conflits d'intérêts qui lui font du tort. Mais franchement, je pense que le fait qu'elle veuille un professionnel à la place de son père devrait suffire.

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